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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/48

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1625 TRINITÉ. LES HÉRÉSIES DU IIIe SIÈCLE 1626

gloire, il vit son Maître. Car c’est Dieu qu’il faut voir et la vue de Dieu rend incorruptible, et l’incorruptibilité fait qu’on est tout près de Dieu. » Cont. hæres., IV, xxxviii, 3, P. G., t. vii, col. 1108.

L’action divine part ainsi du Père, elle se propage par le Fils : elle trouve son terme et sa perfection dans l’Esprit. De même, dans la vie intime de la Trinité, du Père comme de sa source cette vie se répand par le Fils dans l’Esprit : « Le Père porte à la fois la création et son Verbe, et le Verbe, porté par le Père, donne l’Esprit à tous, selon que le Père le veut : à quelques-uns, comme il convient à l’être créé qui est œuvre de Dieu, à d’autres, comme il convient à des adoptés, qui sont enfants de Dieu. Et ainsi se manifeste un seul Dieu Père qui est au-dessus de toutes choses, et par toutes choses, et en toutes choses. Au-dessus de toutes choses, le Père, et c’est lui qui est le chef du Christ ; par toutes choses, le Verbe, et c’est lui qui est le chef de l’Église ; en nous tous, l’Esprit, et c’est lui qui est l’eau vive, que le Seigneur donne à ceux qui croient en lui d’une foi vraie et qui l’aiment. » Conf. hxres., V, xviii, 2, col. 1173.

On ne saurait lire ces textes, et bien d’autres qu’il serait facile de citer en abondance, sans éprouver un sentiment d’indicible sécurité. Sans doute, des esprits pointilleux ont essayé de discuter telle ou telle formule de saint Irénée. On s’est demandé si l’existence du Fils en tant que Fils ne serait pas conditionnée, chez l’évêque de Lyon, par la volonté du Père de se révéler aux hommes. On a encore relevé, ici ou là, des traces de subordinatianisme, lorsqu’il écrit, par exemple, que le Fils a reçu la souveraineté de son Père ou qu’il est porté par le Père avec la création. Ce sont là de vaines chicanes. Une fois admise l’impuissance de tout langage humain à exprimer de manière adéquate le mystère de la vie divine, on doit reconnaître que saint Irénée traduit d’une manière réellement remarquable la foi de l’Église à la Trinité.

Il ne discute pas ; il n’essaie pas de comprendre ; et s’il fallait lui adresser un reproche, ce serait son hostilité aux recherches, même légitimes, de l’esprit humain. Mais il garde la tradition et il s’en nourrit. Avec l’Évangile et l’Apôtre, avec les presbytres dont il a entendu les leçons et dont il aime à citer l’autorité, il croit qu’il y a un seul Dieu ; il croit aussi que le Père, le Fils et le Saint-Esprit constituent les articles fondamentaux de la foi catholique. Et cela lui suffît. Au moment où disparaît avec lui le dernier témoin qui ait entendu les disciples des apôtres ; au moment où vont commencer à s’élever dans l’Église des controverses sur la Trinité et les relations des personnes divines, il est bienfaisant de recueillir son enseignement. Qui pourrait hésiter à reconnaître, après l’avoir entendu, que l’Église, à la fin du ile siècle, adore un Dieu unique en trois personnes ?


IV. Les hérésies du IIIe siècle.

On peut dire que, jusqu’à la fin du iie siècle, l’Église n’a pas eu à lutter contre des hérésies trinitaires. Sans doute, parmi les croyants, un certain nombre se sont posé des questions sur la vie divine et tous ne les ont pas résolues avec un égal bonheur. Le problème était assurément difficile de concilier la foi au monothéisme et celle à la divinité du Christ, Fils de Dieu. Mais on avait assez à faire de lutter contre les gnostiques pour ne pas vouloir s’occuper de tout à la fois, et les apologistes se préoccupaient plutôt de convertir les païens que de chercher les formules les plus capables d’exprimer le mystère de Dieu. Cependant, saint .Justin connaît déjà des docteurs selon lesquels le Verbe < st simplement une puissance de Dieu, inséparable de lui comme la lumière l’est du soleil et qu’il étend hors de lui ou retire à lui à sa volonté ; à cette puissance, on peut donner différents noms : ange, gloire, homme, Logos, selon la forme qu’elle prend ou selon les fonctions que l’on considère en elle. Liai., 128. On s’est demandé si ces docteurs étaient des chrétiens ou s’ils n’étaient pas plutôt des Juifs d’Alexandrie. La question semble insoluble. En tout cas saint Justin n’hésitait pas à condamner leur manière de voir.

A la fin du IIe siècle et au début du IIIe les hérétiques entrent en jeu. Les uns nient purement et simplement la Trinité au nom du dogme de l’unité divine : ce sont les monarchiens proprement dits, ou patripassiens. Voir l’art. Monarchianisme, t. x, col. 2194 sq. Les autres nient la divinité de Jésus-Christ, et c’est seulement par voie de conséquence qu’ils sont amenés à s’opposer au dogme de la Trinité : on peut leur donner, avec Harnack et Tixeront, le nom d’adoptianistes.

I. L’adoptianisme

Nous sommes renseignés sur les origines de l’adoptianisme et sur ses premiers développements par saint Hippolyte, Philosoph., vii, 35 ; x, 23 ; ix, 3, 12, P. G., t. xvi c, col. 3342, 3439, 3370, 3379 ; Contra Noetum, 3-4, t. x, col. 805 sq., et par le traité anonyme contre Artémon, que cite Eusèbe, H. E., V, xxviii. Les hérésiologues postérieurs, Filastrius et Épiphane, sont également à consulter.

A Rome.

Le premier auteur de l’hérésie aurait été un certain Théodote, originaire de Byzance et corroyeur de profession. Après avoir apostasie dans une persécution, Théodote se réfugia à Rome et, pour expliquer sa conduite, il assura qu’en reniant Jésus-Christ, il n’avait renié qu’un homme et non un Dieu. Épiphane, Hæres., liv, 1, P. G., t. xli, col. 961. D’après lui, Jésus n’était qu’un homme, né d’une vierge, qui avait vécu avec plus de piété que les autres. A son baptême, le Christ était descendu sur lui sous la forme d’une colombe et lui avait communiqué les puissances dont il avait besoin pour remplir sa mission. Toutefois il n’était pas devenu Dieu pour autant, bien que certains théodotiens se montrassent disposés à croire qu’il l’était devenu lors de sa résurrection.

Vers 190, Théodote fut excommunié par le pape Victor. Il parvint cependant à grouper autour de lui une communauté schismatique, sur laquelle s’étend longuement l’anonyme cité par Eusèbe, H. E., V, xxviii. Retenons seulement que les sciences exactes et la critique biblique étaient en grand honneur dans cette communauté et que, sous le pape Zéphyrin, elle eut pour évêque un certain Natalis qui finit d’ailleurs par revenir à la grande Église.

Nous connaissons les noms de plusieurs disciples de Théodote, Asclépias ou Asclépiodote, Hermophile, Apollonius et surtout Théodote le Banquier. Celui-ci est le fondateur de la secte des melchisédéciens. Selon lui, Melchisédcch était supérieur à Jésus : il était en effet une très grande puissance, la vertu céleste de la grâce principale, médiateur entre Dieu et les anges, et aussi, d’après saint Épiphane, Hseres., lv, 8, P. G., t. xli, col. 985, entre Dieu et nous, spirituel et établi pour le sacerdoce de Dieu. Aussi devons-nous lui présenter nos offrandes, , afin qu’il les présente à son tour pour nous et que, par lui, nous obtenions la vie. Il est difficile de connaître la vraie portée de ces formules. Saint Épiphane, Hæres., lv, 5, 7, col. 980, 985, nous apprend que, plus tard, Melchisédech était identifié par l’Égyptien Hiéracas avec le Saint-Esprit et par d’autres avec le Fils de Dieu qui est apparu a Abraham. Nous saisissons ici l’existence de spéculations multipliées autour du personnage mystérieux de Melchisédech : ces spéculations n’intéressent pas directement l’historien de la Trinité. Cf. art. Melchisédéciens, t. x, col. 513 sq.

Le dernier représentant de l’adoptianisme en Occident fut Artémas ou Artémon, dont nous ne savons pas grand"chose en dehors des renseignements fournis parle traité que cite Eusèbe. Encore Eusèbe se horne-