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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/509

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VATICAN (CONC. DU). OUVERTURE


sur la question de l’infaillibilité ? « Elle fut exprimée en ces termes devant Mme Grâce Ramsuy : La part que j’ai eue au concile peut être racontée en deux mots : Nous sommes allés à Rome pour informer non pas sur la promulgation d’un dogme, comme tant de personnes séparées de l’Église et même de celles qui en font partie l’ont cru, mais sur la définition d’un dogme qui a toujours existé. Moi et quelques autres, nous pensions que cette définition était suffisamment expliquée, et comme j’ai été appelé à Rome pour donner mon avis à ce sujet, je l’ai donné sans crainte et sans réticence. » Grâce Ramsay, Bells of the sanctuary, Londres, 1872. Des documents très explicites montrent d’ailleur que Manning étendait au maximum le domaine où jouait la prérogative pontificale et réduisait au minimum les conditions mises à son exercice. Voir ci-dessous.

Le concile et les gouvernements.

Les gouvernements habitués depuis si longtemps à exercer un droit de regard sur les affaires de l’Église, voire même à s’immiscer comme en Autriche, où le joséphisme n’était pas mort, dans le règlement purement ecclésiastique des détails de la liturgie, des fêtes, des pèlerinages, ne pouvaient pas, surtout au milieu de l’effervescence soulevée par ces fiévreuses controverses, se désintéresser de la question du concile.

C’est ainsi que le 19 octobre 1869, le ministre des Affaires étrangères de France, prince de la Tour d’Auvergne, envoya à Rome une dépêche dans laquelle le gouvernement impérial, tout en déclarant qu’il respecterait la liberté du concile réservait d’une manière formelle « la liberté de ses résolutions ultérieures ». Il y était dit : Nous sommes « en droit d’attendre que l’Église ne jette pas le trouble dans les sociétés civiles par des condamnations radicales enveloppant à la fois ses libertés, les régimes politiques qui les établissent et les conséquences pratiques qui en dérivent dans la législation. » Il rappelait « les mesures que le gouvernement de l’Empereur s’était cru obligé de prendre » contre le Syllabus et l’encyclique Quanta cura de 1864. La même ligne de conduite serait encore adoptée « si des doctrines analogues étaient proclamées par le concile ». C. L., col. 12331237. D’autre part, le 5 novembre, dans une audience obtenue du pape, notre ambassadeur, le marquis de Banneville, conformément aux instructions de son chef, recommandait au saint-père en un langage aussi courtois que diplomatique « une excessive prudence. Tous les gouvernements du monde avaient accepté la façon de voir du gouvernement français ». C. L., col. 1236 d.

Ainsi on laissait faire, en Italie par exemple, où l’on ne dissimulait pas l’intention de prendre Rome à la papauté pour en faire la capitale d’un nouveau royaume, en Autriche, où l’on désirait s’affranchir des liens du concordat de 1855, en Allemagne, où se manifestait déjà la tendance de tenir l’Église dans une tutelle de plus en plus oppressive, en Suisse, où la guerre du Sonderbund n’était pas oubliée des protestants, qui n’attendaient que l’occasion de prendre l’offensive contre les catholiques.

Oui, on laissait faire, mais après ? Seul le gouvernement russe interdit aux évêques catholiques de se rendre à Rome. Mais, si réservées qu’elles se manifestassent présentement, les dispositions des gouvernements à l’endroit de la papauté et du futur concile n’en restaient pas moins inquiétantes. Les controverses que le concile avait soulevées surtout en France et en Allemagne avaient eu leur répercussion dans le domaine politique. Elles avaient créé une température d’orage peu favorable apparemment à la liberté des délibérations conciliaires. Au cours du concile se manifesteront quelques velléités de certains gouvernements de peser sur telle ou telle décision.

Peut-être, somme toute, eût-il mieux valu que, conformément aux exemples des anciens conciles — et le concile de Trente n’avait pas fait exception — les puissances catholiques fussent représentées au concile par des ambassadeurs spécialement accrédités à cet effet. On s’était préoccupé de cette éventualité à la commission centrale, en particulier le 23 juin 1868 dans une séance tenue coram sanctissimo. M. -P., t. xlix, col. 503 ; finalement il avait été décidé que les gouvernements catholiques ne seraient pas invités, mais que la bulle de convocation aurait pour eux un paragraphe spécial et que, s’il était nécessaire, on ferait comprendre aux ayants-cause que cela pouvait constituer une invitation indirecte. On se trouvait paralysé par l’impossibilité d’inviter l’Italie avec qui toutes les relations officielles étaient rompues.

Les puissances catholiques n’arrivèrent pas à s’entendre sur la ligne de conduite à suivre. La France, pour son compte, demeura indécise. Emile Ollivier, en juillet 1868, lors de la discussion du budget des cultes au Corps législatif, avait, simple député, développé les idées qu’il appliquerait plus tard comme chef du pouvoir. Traditionnellement, disait-il, le gouvernement, héritier de par le Concordat de toutes les prérogatives des rois de France, avait un droit strict d’intervention avant, pendant et après le concile. Mais était-il à propos d’exercer ce droit ? É. Ollivier ne le pensait pas. C. L., col. 1216 sq. Et il maintiendra toujours ce point de vue. Toutefois, en avril 1869, rien n’était encore tranché sur la question des ambassades au concile. En fin de compte on résolut de s’abstenir. Le 8 septembre 1869, le ministre des Affaires étrangères communiquait cette décision à ses agents diplomatiques. Ce serait l’ambassadeur de France à Rome qui aurait à suivre la marche des événements, à surveiller les tendances qui se feraient jour dans l’assemblée. C. L., col. 1231. Les autres États catholiques modelèrent leur attitude sur celle de la France.


II. Le concile. —

I. L’OUVERTURE DU CONCILE : SA COMPOSITION : SA NOUVEAUTÉ.

L’ouverture.

Comme il avait été annoncé, le Concile du Vatican ouvrit ses assises le 8 décembre 1869 dans le transept de droite de la basilique Saint-Pierre, aménagé en salle des séances. L’immense concours de vingt-mille pèlerins venus à Rome attestait le vif intérêt que cet événement avait rencontré dans toutes les parties du monde. Le nombre des prêtres français était particulièrement considérable.

L’ouverture du dix-neuvième concile œcuménique se fit avec cet apparat fastueux, imposant et tranquille, qui accompagne toutes les solennités romaines. Plus de sept cents évêques venus de tous les points de l’univers faisaient escorte au Vicaire de Jésus-Christ. Ils s’avançaient lentement, revêtus de leurs habits pontificaux, mitre blanche en tête et prenaient place, non loin de la confession de l’Apôtre, dans l’aula conciliaire. Telle fut la première réunion du concile ou séance d’ouverture connue sous le nom de séance présynodale. La cérémonie se déroula au milieu d’une foule immense. Et c’est le cas de noter que le public ne devait être admis qu’aux cérémonies extérieures de ce concile, c’est-à-dire aux quatre sessions d’apparat. Toutes les autres séances étaient strictement fermées et le secret pontifical rigoureusement imposé à tous ceux que leur fonction pouvait amener dans l’enceinte conciliaire.

Composition du concile.

Au moment où le concile allait être convoqué, l’Église catholique tout entière comptait, d’après la statistique officielle du Vatican, mille quarante-quatre évêques ou dignitaires