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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/538

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VAZQUEZ. DOCTRINE


Excellent philologue, il connaît très bien le grec et l’hébreu. Il recourt fréquemment au texte original d’Aristote et corrige ses versions défectueuses. A l’occasion, il émet des doutes sur l’exactitude des leçons qui ont cours et en propose d’autres plus acceptables.

Dans ses ouvrages, il suit fidèlement l’ordre de la Somme, à quelques exceptions près, justifiées par des raisons d’ordre pratique. Après avoir reproduit le texte, il en donne une explication littérale courte et précise. Puis, il en explique et développe la doctrine dans des disputationes divisées en chapitres, le tout à l’aide des loci propres à la théologie : Écriture, conciles, Pères, raison théologique. D’une érudition étonnante, il peut affirmer à l’occasion qu’il a lu de près et examiné presque tous les nombreux auteurs qu’on lui oppose. In /// 3m, disp. LXXXI, n. 2, 15.

Dans ses cours et ses écrits, il vise à la concision et à la clarté. Ses élèves disaient que ses cours contenaient beaucoup de « substance » et peu « d’accidents ». Il recommande aux théologiens un style correct, clair et concis, sans longueurs et sans emphase oratoire. In 7 am, disp. III, n. 9. Son enseignement était néanmoins extrêmement vivant ; souvent il arrachait à ses auditeurs des applaudissements enthousiastes. Dans les discussions publiques, il brillait par « sa vaste érudition, son étonnante promptitude d’esprit, sa parole vive et piquante, sa merveilleuse dextérité… Quand il devait y prendre part, la jeunesse universitaire accourait comme à un spectacle et, par les manifestations bruyantes de son impatience, elle obligeait à rompre avec les usages, pour le faire entrer plus tôt dans la lice ». R. de Scorraille, François Suarez, t. i, p. 288. Ses élèves lui vouaient une très grande estime. A Rome, à la nouvelle de son départ imminent, ils disaient : Si Vazquez abit, tota schoht périt.

Les qualités qu’on vantait dans son enseignement oral se retrouvent dans ses écrits. Très sévère dans le choix des arguments, de ceux qu’on avait coutume d’alléguer, il ne retient fréquemment qu’un seul comme solide. Il demande qu’on évite en théologie les questions oiseuses et il se conforme scrupuleusement à cette règle. Mais, de l’utilité ou inutilité des questions, seuls les théologiens de profession peuvent juger avec compétence, non les rhéteurs et les humanistes. In 7 am, disp. III, n. 10. Donner arbitrairement plusieurs sens différents aux termes employés lui paraît détestable. C’était l’habitude des nominalistes, qui, à l’aide de ce subterfuge, esquivaient la force de certaines autorités philosophiques et théologiques, malgré leur valeur décisive. In 7 am -77 re, disp. CCXXIII, n. 3 ; In /// » ", disp. XIX. n. 15. En théologie, il juge nécessaire, après avoir prouvé l’existence du dogme, de scruter aussi son essence pour aboutir à une solution au moins probable. Autrement, il y a danger de différer des hérétiques en paroles plutôt que pour le fond des choses. In 7 am -77*, disp. CCXIV, n. 1. Avant tout, il exige du théologien un amour sincère et désintéressé de la vérité : Mtror multorum ingénia, qui magl » in rxcngilandis efjuqiis quant in piano doctorum doctrina intelligenda versari admodum ulilr ri gloriosum existimant, cum tamrn Veritas nulli displicere possit, quantumvis eam sibi tentiat contrariant. Il ne se contente pas de réfuter les opinions qu’il Juge insoutenables ; il construit au plus fort de ses critiques. Souvent revient cette phrase : Mihi semper placutt communia et vern senttntia.

Vazquez reçut fie ses contemporains de grandes louanges. On l’appelail l’AugUStUI espagnol. Benoit XIV et Léon XIII leur firent écho, Grabmann dll de lui : « Vazquez, doué d’un génie éminemment critique, fut pour Suarez ce que Scot fut pour saint Thomas, avec cette différence pourtant que Vazquez était versé aussi bien dans le domaine de l’érudition exégétique et historique que dans celui de la spéculation scolastique. » Gesch. der kathol. Théologie, Fribourg, 1933, p. 169. Parlant de certains reproches que lui adressait Suarez, le P. de Scorraille écrit : « Il y a chez Vazquez originalité et indépendance, il n’y a pas légèreté ni témérité. » Op. cit., t. i, p. 308.

IV. Doctrine.

Il ne peut être question d’exposer ici toute la théologie de Vazquez. Nous signalerons seulement quelques-unes de ses thèses les plus caractéristiques en philosophie et en théologie.

Philosophie, —

Vazquez, suivant en cela Durand de Saint-Pourçain et Hervé de Nédellec, s’écarte des thèses communes sur la nature de la vérité qui, dans la connaissance intuitive, n’est plus directement la conformité de la pensée avec l’objet connu. In 7 am, disp. LXXVI, n. 2-3-5. Certains verraient là peut-être un danger d’idéalisme.

En ontologie, il n’accepte ni la distinction réelle entre l’essence et l’existence, In /// am, disp. LXXII, n. 7, ni le principe thomiste de la limitation de l’acte. In 7 am, disp. XXV, n. 4. La materia quanlilate signata n’est pas le principe d’individuation des êtres intra eamdem speciem. In 7 am, disp. CLXXXI, n. 8-9. Vazquez étudie avec une subtilité remarquable les concepts d’être, de substance, de relation, d’action, de passion, etc. Il insiste avant tout sur l’idée que Dieu est Yens a se, et que la créature n’a qu’un être participé (voir ci-dessous, 2° Théologie, infinité divine). Posée l’existence de Dieu, il déduit la possibilité des êtres en vertu de la non-contradiction des notes qui les constituent. In 7 am, disp. CIV, n. 12. Il déduit également les attributs qui conviennent à Dieu et ceux qui ne conviennent qu’aux créatures. In 7 am, disp. XXX, n. 14 ; disp. XXV, n. 9-10. Vazquez recourt à la théorie des modes substantiels et accidentels pour expliquer l’union de l’âme et du corps, In 777 am, disp. XIX, n. 23, la suppositalité créée, In 7/7 an >, disp. XXXI, n. 31, l’union hypostatique, In /7/ aD1, disp. XVIII, n. 20-27, la subsistance miraculeuse des accidents eucharistiques, In 77/ ara, disp. XVIII, n. 23, la relation des anges avec l’espace, 7n 7 ara, disp. CLXXXVIII, n. 28-30 ; disp. CLXXX IX, n. 12, ou la manière dont le corps du Christ devient présent sous les espèces eucharistiques, In 7 am, disp. CXCV, n. 8.

En psychologie, il défend évidemment la théorie scolastique de la connaissance, qu’il utilise à propos de la connaissance intuitive de Dieu, admettant qu’il y a dans cette connaissance production d’une species impressa, In 7 am disp. XXXVIII, n. 4-9, identifiée avec le lumen gloriir. In 7 am, disp. XL III, n. 32-33. Il croit pouvoir se réclamer ici de saint Thomas. In 7° iii, disp. XXXIX, n. 1-14. On pourra voir aussi comment il oppose la production du verbum mentis dans la connaissance humaine et la génération éternelle du Verbe au sein de la Trinité. In 7 am, disp. CXII, n. 12-14 ; disp. CXLI, n. 16-30 ; disp. CXI. IV, n. 8. La notion de verbe n’exige pas de soi une similitude physique avec l’objet connu, mais seulement une similitude intentionnelle ; de là vient que le verbum mentis ne peut être appelé fils. In 7 am, disp. CX III, n. 46 ; disp. CXLV, n. 13-16. Contre Henri de Gand et quelques autres, Vazquez enseigne que la volonté libre ne peut jamais optej pour un moindre bien, qu’il s’agisse de la fin ou des moyens ; elle suit nécessairement celui qui se présente à elle avec le plus d’attirance. In 7 am -77e, disp. XI.I1I. n. 5 ; cette opinion ne met d’ailleurs en péril ni la liberté d’exercice ni la liberté de spécification, l’homme pouvait ! agir ou ne pas agir, comme aussi