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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/54

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1637 TRINITÉ. CLÉMENT D’ALEXANDRIE 1638

Ce qui nous frappe davantage, c’est l’affirmation maintes fois répétée par Novatien de la subordination du Verbe à Dieu le Père. « Si, écrit notre auteur, le Verbe n’était pas né, il serait inné et il y aurait deux innés, donc deux Dieux. S’il n’était pas engendré, il y aurait deux inengendrés, donc deux Dieux. S’il était sans origine et sans principe, il y aurait deux principes, donc deux Dieux. S’il n’était pas Fils, il serait Père et il y aurait deux Pères, donc deux Dieux. S’il était invisible, il y aurait deux invisibles… De même s’il était incompréhensible, il y aurait deux incompréhensibles. » De Trinit., 31, col. 950. Novatien est amené à multiplier les affirmations par crainte du dithéisme, et il a assurément raison de mettre en opposition la paternité du Père et la filiation du Fils ; nous retrouverons plus loin la même affirmation de cette opposition. Seulement ne laisse-t-il pas croire que les deux personnes divines ainsi opposées sont inégales et que le Fils est réellement inférieur au Père ? Il est remarquable qu’au Ve siècle, Arnobe le Jeune, dans le Conflictus Arnobii catholici et Serapionis, i, 1, P. L., t. lui, col. 257-258, voulant exposer la doctrine arienne, n’a rien trouvé de mieux que d’emprunter les formules de Novatien, comme si celles-ci exprimaient les erreurs mêmes d’Arius. Sans doute, Arnobe se trompe-t-il en agissant de la sorte, car Novatien a toujours eu soin d’affirmer la divinité du Fils et de l’élever au-dessus de toutes les créatures. Il reste pourtant que les formules du prêtre romain laissent encore à désirer et que même, lorsqu’il s’agit d’exprimer les relations des personnes divines, elles n’ont pas la plénitude de celles de Tertullien.


V. Les Alexandrins.

Tandis que les théologiens occidentaux, au cours de la première moitié du ni » siècle, étaient surtout préoccupés de définir la doctrine trinitaire contre les hérésies monarchiennes, les maîtres de l’école d’Alexandrie s’efforçaient de leur côté de réfléchir sur le mystère divin et ils le faisaient, peut-on dire, dans un esprit plus dégagé de tout souci de controverse. De là l’importance de leur témoignage.

L’apparition, tout à la fin du iie siècle, d’un enseignement proprement catholique à Alexandrie est un fait de grande importance dans l’histoire des dogmes et il est permis de le souligner ici. Jusqu’alors en effet l’Egypte n’est entrée dans la vie générale du christianisme que par l’intermédiaire des maîtres gnostiques qu’elle a formés : Valentin, Basilidc, Héracléon ont joué un grand rôle au cours du IIe siècle et leurs noms reparaissent souvent dans les livres des docteurs chrétiens. Il est au moins très vraisemblable que le catholicisme ne s’est pas laissé devancer par l’hérésie dans la vallée du Nil ; cependant la liste des évêques alexandrins, conservée par Eusèbe, ne suffit pas à nous renseigner sur leur activité, et il faut arriver au temps de Pantène et de Clément pour voir briller d’un vif éclat la doctrine de la grande Église.

I. Clément.

Pantène n’est guère qu’un nom pour nous, et il ne faut pas nous attendre à trouver dans les œuvres de Clément des renseignements très précis sur la Trinité. Photius accuse sans doute le vieux maître d’avoir commis ici toutes sortes d’erreurs. II aurait admis dans les Hypotyposes, paraît-il, deux Verbes du Père, dont le moindre aurait apparu aux hommes ; et Photius cite même ses paroles : « Le Fils est appelé Verbe, du même nom que le Logos du Père, mais ce n’est pas celui-ci qui s’est incarné. Ce n’est pas le Logos du Père, mais une vertu de Dieu, une émanation du Verbe loi-mime, devenu esprit, qui a habité dans les cœurs des hommes. » Clément aurait encore enseigné que le Fils est une créature. Biblioth., cod. 109, P.G., t. ciii, col. 384. Ce dernier grief petit être exact. Le premier ne semble pas mérité et l’on a des raisons de croire que Photius s’est mépris sur la pensée de Clément ; celui-ci a seulement distingué, comme beaucoup de ses prédécesseurs, entre la raison divine immanente, attribut du Père et le Verbe proféré qui est le Fils.

En toute hypothèse, Clément est surtout un moraliste. Le dogme paraît l’intéresser assez peu par lui-même. Nous ne savons pas ce qu’aurait contenu le dernier ouvrage de la trilogie qu’il avait conçue, s’il avait eu le temps de le rédiger, et nous connaissons trop mal les Hypotyposes pour en porter une appréciation exacte, mais nous savons que le Protreptique, le Pédagogue et les Stromates donnent la première place à la vie pratique et aux devoirs du chrétien. Ce n’est guère qu’en passant, par accident en quelque sorte, que la doctrine est effleurée.

Il faut cependant noter que Clément admet l’existence d’un Dieu unique, absolument transcendant, à tel point qu’il se trouve au-dessus de l’un et de la monade. Ce Dieu unique semble à première vue celui des philosophes platoniciens : il n’en est rien. Clément ne se contente pas de parler de la bonté de Dieu qui veille sur les hommes et qui veut leur salut. Il connaît et adore la Trinité : « O mystérieuse merveille ; un est le Père de l’univers ; est un aussi le Verbe de l’univers ; un est encore l’Esprit-Saint et partout le même. Une est la mère Vierge, qu’il m’est doux d’appeler l’Église. » Pædag., I, vi, 42. « De nuit, de jour, en vue du jour parfait, chantons un cantique d’actions de grâces au seul Père et au Fils, au Fils et au Père, au Fils pédagogue et maître, avec le Saint-Esprit. » Pædag., III, xii, 101. « Nous ignorons le trésor que nous portons dans des vases d’argile, trésor qui nous a été confié par la vertu de Dieu le Père, par le sang du Dieu Fils, par la rosée du Saint-Esprit. » Quis dives, 34. « Toute parole se tient que confirment deux ou trois témoins, le Père, le Fils et le Saint-Esprit : ce sont là les témoins et les aides qui nous obligent à conserver les dites épîtres. » Eclog. proph., 13. L’intérêt de ces textes rapides vient précisément de ce qu’ils sont jetés en passant. Clément ne se propose pas de démontrer sa croyance ; il se contente de l’affirmer ; et sur le dogme fondamental de la Trinité il se sent en plein accord avec l’Église.

Les détails qu’il donne ailleurs doivent aussi être relevés. Clément affirme d’abord la génération éternelle du Verbe : en expliquant le début de la première épître de saint Jean, il rapporte à ce sujet le témoignage d’un presbytre : Quod ergo dicit : ab initio, hoc modo presbytes exponebat, quod principium generationis separatum ab opificis principio non est. Cum enirn dicit : quod erat a principio, generationeni tangit sine principio Filii cum Pâtre simul exstantis. Erat ergo Verbum œternitatis significalivum et non habentis initium, sicut etiam Verbum ipsum, hoc est Filius, quod secundum œqualilatem substantiæ unum cum Patre consistit, sempiternum est et infectum. Ce texte est doublement intéressant, d’abord parce qu’il reproduit une exégèse traditionnelle, puis parce qu’il met dans un relief très accentué l’éternité du Verbe. Adumbral. in i. Epist. Joan. ; édit. Stählin, du Corpus de Berlin, Œuvres de Clément, t. iii, p. 210. Ailleurs, Clément revient sur la même idée : la génération du Verbe n’a pas seulement précédé la création : elle est sans commencement, anarkos car le Père n’est Père qu’à la condition d’avoir un Fils, Stromat., VII, li ; V, i, ibid., t. iii, p. 5 sq. ; t. ii, p. 326.

Ainsi né éternellement du Père, le Verbe est semblable au Père, véritablement Dieu comme lui. « Très parfaite et très sainte et très seigneuriale et très dominatrice et très royale et très bienfaisante est la nature du Fils… Le Fils de Dieu n’est pris divisé, il n’est pas partagé ; il ne s’avance pas d’un lieu à un autre ; il