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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/560

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VERBE. ORIGINES DU TERME

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plus générale de la théologie alexandrine sur la doctrine chrétienne ? Quoi qu’il en soit, l’hypothèse d’une influence alexandrine est d’autant plus vraisemblable que ces passages de saint Paul présentent déjà d’évidentes réminiscences de style et de pensée avec les livres sapientiaux. Cf. Prov., viii, 22-23 ; Sap., vii, 21-26 ; viii, 1-6 ; ix, 9-11 ; x, 1-19 ; Eccli., i, 1 sq. ; xxiv, 3-10. On relèvera particulièrement le parallélisme de Sap., vii, 25-26 et de Heb., i, 3. Cf. Franzelin, De Deo Irino, th. vu.

Tout en admettant une certaine influence de la pensée alexandrine sur la terminologie de saint Jean et sur l’emploi qu’il fait du mot Logos, on n’affirme pas pour autant que ce terme ait chez saint Jean la même acception que chez Philon. Harnack exagérait jadis en affirmant que « le Logos du prologue est le logos du judaïsme alexandrin, le logos de Philon ». Ueber das Verhâltniss des Prologs des vierten Evangeliums zum ganzen Werk, dans Zeitschr. fur Theol. und Kirche, t. ii, 1892, p. 213. L’opposition foncière qu’on a relevée plus haut subsiste entière.

b) Le « Monogène ». — Philon appelle le Verbe, le fils de Dieu. Pour saint Jean, le Verbe est également Fils de Dieu. Similitude d’expression, qui n’entraîne aucune similitude de conception.

Chez Philon, le Logos est représenté comme le « fils premier-né » de Dieu. De agricu.ltu.ra, 51 (édit. Mangey, t. i, p. 308) ; De conjusione linguarum, 63, 146 (ibid., p. 414, 427) ; De somniis, i, 315 (ibid., p. 653) ; — comme ayant Dieu pour père et la Sagesse pour mère, De fuga, 109 (ibid., p. 562). Le mot grec exprimant l’idée de premier-né est ici 71pcoT6yovoç, ce qui montre, dans la pensée de Philon, le sens exclusivement cosmologique donné à la filiation du Logos. Le Logos est le premier-né et le monde visible, dont le Logos est le modèle et le soutien, est le fds puiné. De juga, 109 (p. 562) ; De ebrietate, 30 (p. 361362) ; Quod Deus sil immulabilîs, 31 (p. 277) ; De specialibus legibus, i, 41, 96 (t. ii, p. 218, 227). Cf. Drummond, op. cit., t. ii, p. 185.

Dans l’évangile de saint Jean, l’épithète « premierné » ne se rencontre pas ; mais saint Paul parle du « premier-né » en un autre sens et avec une autre expression grecque que Philon, TTpcoTÔToxoç ; cf. Heb., i, 6 ; Col., i, 15. Le Christ est le « premier-né de la création », non pas le premier terme dans la série des créatures (au sens où il est dit plus loin « le premier-né d’entre les morts », cf. Apoc, i, 5 et, dans Rom., vm, 29, le « premier-né parmi beaucoup de frères » ) ; mais premier-né de la création précisément parce qu’il n’est pas une créature, parce qu’en lui toutes choses ont été crées ».

Le titre de i premier-né > est d’ailleurs un titre messianique, appliqué tout d’abord au peuple de Dieu et au roi qui le représentait : cf. Ex., iv, 22 ; Jer., xxxi, 9 ; l’s., lxxxix (lxxxviii), 28. Le « fils premier-né n est aussi le » (ils. bien aimé. ou encore le fils unique ». Voir les Psaumes de Salomon, xviii, 1 : IV Esdr., VI, 58. Aussi, dans l’épître aux Colossiens, saint Paul avait appelé le Fils lils de l’amour de Dieu. Col., i. 13 ; cf. Eph., i, 6° Fils de l’amour » (<Â’jç ~7 t c àyàïnjç) est l’équivalent de lils bien-aimé. iycmrfvàç, rya.vn)ibioe t cf. Matin., iii, 17 : xvii. 5 ; Marc. i. 1 1 ; ix. (i ; Luc. iv. 22 ; ix, 35 ; Il Pet., i. 17. Et, 1 ils bien aimé i étant l’équi valent

de « Fila unique, saint Paul, Rom., viii, 31, cltanl Gen., xxii. l6, substitue roû ISlou uloû au texte des LXX, -’, > iyaTnjTOÛ uloû.

I.’i-, ’7.-Y-o ; des synoptiques est l’équivalent « lu

(iovoyeWjç de suint Jean. Chez ce dernier. uovo^ est exclusivement employé pour désigner le I-’ils (unique) de Dieu. I, 14, 18 ; iii, 16, 18 ; I Joa.. IV, 9. Le sens de - fils unique > en général se trouve dans les

autres passages du Nouveau Testament, Luc, vii, 12 ; viii, 42 ; ix, 38 ; Heb., xi, 17, et en plusieurs textes de l’Ancien Testament, Jud., xi, 34 ; Tob., iii, 10, 15 ; viii, 17, quoiqu’ailleurs, dans les psaumes spécialement, il ait aussi le sens d’unique, seul de son espèce. Voir Lebreton, op. cit., t. i, p. 398-400, 508-510 et p. 324 note 2. Sur le Christ « premierné », voir A. Durand, Recherches de science religieuse, t. i (191°). P- 56-66 ; F. Prat, Théologie de saint Paul, t. ii, p. 196-197.

Ces rapprochements montrent que, dans la pensée de saint Jean comme en celle de saint Paul, le « Fils unique » n’est pas Fils de Dieu ou premier-né de la création au sens où l’entend Philon. La paternité divine est, chez nos auteurs inspirés, non d’ordre cosmologique, mais d’ordre naturel et le Fils de Dieu est Dieu au-dessus de toute créature, précisément parce qu’il participe à la nature divine elle-même : il est « le Monogène dans le sein du Père ». Joa., i, 18.

c) Le Verbe et la création. — Le rôle attribué au Verbe dans la création est un troisième point où les terminologies philonienne et johannique se rencontrent, nonobstant la divergence des idées.

a) Le Logos instrument. — Le Logos de Philon est l’instrument de Dieu dans la création du monde : « De la grande maison, de la grande cité qu’est le monde, la cause est Dieu qui l’a fait ; la matière, ce sont les quatre éléments dont il a été composé ; l’instrument est le Logos divin, par qui il a été construit ; le but de la construction est la bonté du démiurge. » De cherubim, 125-127 (Mangey, t. i, p. 162) ; Legum allegoriarum, iii, 96 (ibid., p. 106) ; Quod Deus sit immutabilis, 57 (p. 281) ; De sacri/iciis Abelis et Caini, 8 (p. 165), etc.

Mais, après saint Paul, Col., i, 16 ; I Cor., viii, 6 ; Heb., i, 2, saint Jean ne reprend-il pas la même pensée et la même expression : « Par lui tout a été fait et sans lui rien n’a été fait de ce qui existe » Joa., i, 3 ? Cf. i, 10.

La différence est cependant considérable. Chez Philon, le rôle instrumental du Logos est fortement accusé. Souvent même, la construction grammaticale de la phrase l’indique expressément, en abandonnant la préposition Sià avec le génitif, pour prendre le datif instrumental. Legum alleg., iii, 86, 21 (Mangey, t. i, p. 106, 17) ; Quod Deus sit immutabilis, 57 (p. 281) ; Dr sacrif. Abelis…, 8 (]). 165) ; De somniis. i, 241 ; ii, 45 (p. 656, 665). D’autres fois, Philon emploie un mot choisi tout exprès pour marquer l’action instrumentale, Bpyavov, épyxXsîov. Voir textes dans Lebreton, t. i, p. 621, 639.

Dans le Nouveau Testament, rien de semblable. Le rôle attribué au lils ou au Verbe dans la création n’implique aucune subordination, aucune infériorité par rapport au l’ère. Saint Paul emploie parfois la même construction pour exprimer l’action du Père et celle du Fils : ’F ; kÙtoG xal Sl’aùxoû xal eîc aù-ôv Ta rrâvT’y. Rom., xi, 36. "E-pî~ïv yàp aÙTco St’ôv Ta Tcàvxa xal Si’oB Ta -àvTa. Heb., n. 10. Comparer, pour l’action du Fils, I Cor., viii, 6 ; Heb., i, 2. ("est ipie l’action du Père n’est pas exclusive de celle du Fils : elles ne sont (prune même action. Saint Jean accentue encore cette identité d’action, Joa., v, 17. En affirmant dans le prologue l’action Créatrice « lu Verbe, il ne dit jamais que le Verbe a été l’instrument du l’ère ; il évite même les expressions qui. dans d’antres livres du Nouveau Testament, semblent marquer plus expressément la dépendance d’origine des personnes : cl. Art., n. 22 ; x. 36 ;

Rom., n. 16 ; l Cor., viii, *i ; xv. 57 ; Heb., i, 2. Pour saint Jean, toul ce qu’a le Père, le lils le possède, xvi, 15 ; xvii, 10, Le I hrist fait les œuvres du Père