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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/574

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    1. VÉRITÉ##


VÉRITÉ. POINT DE VUE THÉOLOGIQUE

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Sum. theol., I a, q. xvi, a. 2 ; De veritate, q. i, a. 9 ; Jean de S. Thomas, in hune loc. Cf. Yves Simon, op. cit., p. 200 sq. ; Sertillanges, op. cit., t. ii, p. 161 sq. Ce jugement, l’intelligence peut le formuler avec des garanties de certitude. Il existe, en effet, des critères de la vérité, et le principal de ces critères est l’évidence. Voir ce mot, t. v, col. 1725. L’évidence s’impose d’elle-même lorsqu’il s’agit des principes premiers directeurs de la connaissance. Le scepticisme absolu de Pyrrhon et même le doute méthodique de Descartes sont inadmissibles au regard de la saine raison : « Le doute, dit le card. Mercier, est possible en présence de toute proposition dont l’évidence n’apparaît pas immédiatement à l’esprit ; mais l’évidence immédiate, soit d’ordre idéal, soit d’ordre réel, rend le doute physiquement impossible et nécessaire l’assentiment de l’esprit. » Critériologie, n. 44. Une critique éclairée et sage de la connaissance permet d’arriver à des conclusions certaines, tout au moins pour les vérités les plus importantes. Au xive siècle, Nicolas d’Autrecourt fut condamné par Clément VI pour avoir nié la possibilité de toute évidence et de toute certitude. Denz.-Bannw., n. 553-570.

3. Il s’en faut toutefois que le réel, en ce qu’il a d’intelligible saisissable par l’esprit, puisse être toujours complètement atteint. Souvent, il y aura, même dans le domaine proprement scientifique, des vérités encore imparfaitement connues ou incomplètement saisies. L’esprit critique sait qu’il en est ainsi ; aussi est-il esprit de prudence et parfois, en cas de non évidence, esprit de doute. Mais on doit se garder de confondre cette prudence et ce doute raisonnable avec le scepticisme : « Le sceptique, a dit CI. Bernard, est celui qui ne croit pas à la science et qui croit à lui-même ; il croit assez en lui pour oser nier la science et affirmer qu’elle n’est pas soumise à des lois fixes et déterminées. Le douteur est le vrai savant ; il ne doute que de lui-même et de ses interprétations ; mais il croit à la science ; il admet, même dans les sciences expérimentales, un principe scientifique absolu : ce principe est le déterminisme des phénomènes. » Introd. à la médecine expérimentale, t. I, c. ii, § 6. Il serait donc contraire à la nature de l’esprit humain et aux exigences de la science de n’accorder à la connaissance qu’une valeur purement relative ou conventionnelle ou pragmatique et destinée à varier selon les époques et les circonstances. Le « conventionalisme » d’un H. Poincaré admet lui-même une correspondance avec les données de l’expérience.

4. Il est des domaines où nous n’atteignons la vérité que d’une manière analogique. C’est surtout dans le domaine des connaissances religieuses qu’il en est ainsi. De Dieu, en effet, de ses attributs, des influences divines, naturelles et surnaturelles, exercées sur notre vie spirituelle, nous ne pouvons avoir qu’une connaissance indirecte, dont les éléments sont empruntés aux choses sensibles, les seules que nous puissions atteindre directement. — Dans une proportion moindre, mais véritablement encore, il faut en dire autant de la connaissance de notre âme, de sa nature, de ses facultés, de sa destinée. La connaissance de Dieu et du monde spirituel ne sera donc jamais qu’analogique : donc, connaissance toujours plus ou moins imparfaite, dans laquelle la vérité est saisie d’une manière déficiente et incomplètement ; mais non pas connaissance fausse, puisque, par elle, nous nous foi nions une conception analogiquement vraie des choses divines et suprascnsibles. Voir Anai.ooii ;, t. i, col. 1142. L’Eglise a déclaré certaine une telle connaissance, portant sur quelques vériti religieuses d’ordre naturel, et spécifiées contre lis (idéistes. Voir Maison, t. xiii, col. 1645-1647,

S’il s’agit de mystères, la connaissance que nous pouvons en avoir grâce à la révélation et à la proposition de l’Église, sera, a fortiori, nécessairement analogique, quoique vraie. Voir Mystère, t. x, col. 2594 sq. C’est en ce sens qu’avec le P. Gardeil on peut parler de la « relativité métaphysique du dogme ». Le donné révélé et la théologie, 2e édit., Paris, 1932, p. 115 sq. On ne confondra pas l’analogie qu’on trouve dans la connaissance vraie des mystères de la foi ou des vérités religieuses naturelles avec le symbolisme que les modernistes affirment des formules dogmatiques et que l’encyclique Pascendi a condamné. Voir Modernisme, t. x, col. 2032. Ainsi, conclut le P. Gardeil, « la méthode d’analogie intercale entre le symbolisme et l’anthropomorphisme une connaissance vraie, disons rigoureuse, car elle l’est dans son genre, du Réel divin. » Op. cit., p. 134135. Cf. R. Bernard, O. P., La foi, t. i (Somme théol., édit. de la Revue des Jeunes), Paris, 1940, appendice n et surtout Th. Pénido, Le rôle de l’analogie en théologie dogmatique, Paris, 1931.


II. Point de vue théologique.

Ces notions philosophiques sont un excellent point de départ pour comprendre l’emploi que la théologie fait du concept et du mot de « vérité « , appliqués soit à Dieu, soit à la connaissance que nous avons des choses divines.

Dieu.

1. Dieu vérité subsistante, souveraine et essentielle.

L’idée et le terme de vérité conviennent parfaitement à Dieu. On doit même affirmer qu’en Dieu seul se trouve leur pleine et complète réalisation. Dieu est la vérité subsistante, dans l’ordre ontologique et dans l’ordre logique ; plus exactement, les deux ordres se confondent en lui. Voir, sur ce point, la pensée de saint Augustin exposée par le P. Boyer, U idée de vérité dans la philosophie de S. Augustin, p. 89 sq. Il y a non seulement pleine conformité mais parfaite identité entre sa réalité infinie et son intelligence : « En Dieu intelligence, sujet intelligent, objet connu, espèce intelligible, opération intellective, tout est une seule et même réalité » S. Thomas, Sum. theol., I q. xiv, a. 4. Aussi les théologiens proclament-ils que Dieu est la vérité souveraine, cf. De veritate, q. ii, a. 2, ou encore, plus simplement, qu’il est la vérité par essence. Sum, theol., I q. xvi, a. 5 ; Cont. Genl., t. I, c. lx. Voir Bl. Romeyer, op. cit., 2e partie. De cette conception de vérité essentielle, on peut rapprocher l’opinion de certains interprètes de saint Thomas, plaçant le constitutif métaphysique de l’essence divine, non dans 1’ « être par soi », mais dans l’intellect ualité absolue de Dieu. En ce sens, voir, dans leurs commentaires sur la Somme théologique, Gonet, Billuart, les Salmanticenses et Suarez, Disp. melaph.. sect. xiv, dans Opéra omnia, Paris, 1850, t. i. p. 105 sq.

2. Dieu vérité première.

Souveraine vérité, Dieu est par lui-même cause première et mesure de toute vérité. Il est, en effet, la cause exemplaire et la cause efficiente de tous les êtres qui existent en dehors de lui. Il est donc nécessaire que toute vérité existe déjà en lui et que sa vérité soit elle-même la mesure de toute vérité existant en dehors de lui. Sum. theol., I", q. xvi, a. 5, 0 ; Cont, Cent., 1. I. c. util ; De veritate, q. i, a. 2. Ainsi dans l’intelligence divine existent les idées éternelles de toutes les choses créées ou créables. Ces idées (CSéai) ou formes exemplaires (-y.ç, ’x^d.y).’y.- : y.) n’existent pas en dehors de Dieu, comme l’avait imaginé Platon, niais elles sont en Dieu ; elles sont les pensées mêmes de 1)ieu : elles sont Dieu lui-même, C’est à dire la divine essence, eu tant que Dieu se connaît lui même comme infiniment imitable et partieipahle ad extra. Voir ci-dessus. C’est sur cette identité des « vérités éter