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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/578

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V E R I T E


une obligation de taire ce qu’il a appris ou de ne pas montrer qu’il est au courant de ce qui s’est passé. Certains secrets sont à dévoiler en raison de la fidélité due à autrui ; d’autres, en raison de cette même vertu, sont à taire. Q. lxii, a. 1, ad 2um. Cf. Folghera, p. 417. Voir ici Secret, col. 17571760. Une vie morale s’inspirant de ces vertus est faite de droiture, de loyauté, de sincérité ; elle respecte les droits de Dieu et ceux du prochain.

2. Dans l’ordre doctrinal.

Saint Thomas rattache à la vertu de véracité — tout en marquant la nuance qui l’en sépare — la vérité de la doctrine, c’est-à-dire « la manifestation des réalités vraies, objets de la science ». Ibid., q. cix, a. 3, ad 3um. L’amour de la vérité, dans les recherches scientifiques d’ordre religieux ou d’ordre profane, est un aspect de la vertu de véracité. Cette probité intellectuelle est caractéristique de la vertu de vérité. Elle est mise en relief par saint Augustin quand il recommande à la foi de chercher l’intelligence et à l’intelligence d’aider la foi. Voir ici t. i, col. 2338-2339. Elle est mise en relief par saint Thomas quand il rappelle qu’il faut d’abord, avant de croire, voir qu’il faut croire. Sum. theol., P-II*, q. i, a. 4, ad 2um. Cette probité intellectuelle est instamment recommandée par Léon XIII dans son bref du 18 août 1883 aux cardinaux de Luca, Pitra et Hergenrother sur les études historiques et dans sa lettre du 8 septembre 1899 aux évêques et au clergé de France : « Ainsi qu’il est dit au livre de Job, Dieu n’a pas besoin de nos mensonges. » Un catholique n’a donc aucune peine à souscrire à l’assertion d’H. Poincaré : « La recherche de la vérité doit être le but de notre activité (scientifique) ; c’est la seule fin qui soit digne d’elle. » La valeur de la science, Paris, 1906, p. 1 ; ou même à celle de G.Paris : « Celui qui, par un motif patriotique, religieux et même moral, se permet, dans les faits qu’il étudie, dans les conclusions qu’il tire, la plus petite dissimulation, l’altération la plus légère, n’est pas digne d’avoir sa place dans le grand laboratoire où la probité est un titre d’admission plus indispensable que l’habileté. » La poésie du Moyen Age, l re série, Paris, 1885.

Les psychologues font observer avec raison qu’il ne faut pas confondre l’amour de la vérité avec l’amour de la certitude. La vérité ne s’obtient qu’au prix d’un effort intellectuel qui se place parmi les plus hautes opérations intellectuelles ; le besoin de certitude est un sentiment Instinctif (l’une conscience qui, souvent, répugne aux aventures de la pensée. Cependant, l’amour de la vérité ne saurait opposer la raison à la foi : il est, au contraire, le lien qui doit unir l’une à l’autre. Voir Raison, t. XIII, col. 1648-1649.

3. L’amour de la vérité doit-il être intolérant ? — Cette, question a été longuement traitée à l’art. Toi.éhance.

30 Pichet opposés à la vertu de vérité. — Saint Thomas énumère trois vices opposés à la vérité : le mensonge, Sum. theol., II*-II", q. ex, la simulation ou hypocrisie, ibid, q. xci ; la jactance, ibid., q. cxii, qui a elle-même un vice (lui en est l’opposé l’ironie. Ibid., q. c.xiii.

1. Mensonge.

Voir ce mot. t. x, col. 555-559.

2. Simulation ou hypocrisie.

C’est une extension du mensonge. À côté du mensonge en paroles, il y a le mensonge en actes. Mais moralement c’est tout un. Aussi la simulai ion. comme le mensonge, est un péché, même quand on simule la vertu. Cf. q. ex, a. I, ad 2 lim ; q, OU, a. 1. eoncl. et ad 3° m. I.c vice de

la simulation s’étendanl < toute la vie devient alors

de l’hypocrisie. Il incite celui qui en est coupable à

|ouer le rôle d’un personnage qu’il n’est pas en réalité. Saint Thomas note cependant que celui qui revêt

l’habit de sainteté, religieux ou clérical, avec l’in tention de devenir parfait n’est pas coupable de simulation ou d’hypocrisie, si la faiblesse le retient dans l’imperfection, parce qu’il n’est pas tenu de se trahir en quittant le saint habit ; mais il en serait coupable, s’il ne l’avait revêtu que par ostentation ». Ad 2um. Lorsque l’hypocrisie comporte à la fois le défaut de sainteté et la simulation de la sainteté, elle est évidemment un péché mortel. Q. exi, a. 4. C’est le cas de Tartufe dans la comédie de Molière.

3. Jactance.

« La jactance est le vice qui consiste à se vanter d’être plus qu’on est en réalité, ou à se faire valoir au-dessus de sa réputation. » Folghera, p. 422. Par lui-même, ce défaut est directement opposé à la vertu de vérité. Mais considéré dans ses causes les plus fréquentes, il faut le rapporter à l’orgueil, un orgueil poussé parfois jusqu’à l’arrogance, à la vaine gloire, a la coquetterie, à l’opulence, au désir de lucre, comme chez les charlatans. Q. cxii, a. 1, ad 2° m et ad 3um.

En soi, la jactance est faute vénielle ; mais fréfréquemment, dans ses causes ou dans ses effets, comme dans les buts qu’elle poursuit, elle peut devenir faute mortelle. Ibid., a. 2.

4. Ironie.

Le mot ironie n’est pas pris ici dans son sens actuel (raillerie), mais dans le sens d’une ignorance simulée « qui consiste à se déprécier soimême aux yeux du public en feignant d’être moins que ce qu’on est en réalité, non seulement, comme le demande la vertu de vérité, en ne disant pas tout ce que l’on est ou en révélant les infériorités que l’on se reconnaît, mais en s’avilissant ou en se ridiculisant contre toute vérité. Ce peut être un simple travers ; mais cela peut venir aussi d’un fond d’orgueil et, dans ce cas, se compliquer de jactance déguisée, une sorte d’humilité frauduleuse ». Folghera, p. 423. Cf. Sum. theol., q. cxiii, a. 2, ad 2um et ad 3um. Avec le P. Folghera, on peut ajouter que « la présence de cette ironie dans la vie de quelques grands saints soulève un curieux problème ». C’est dire qu’il est assez difficile de juger de la gravité d’une telle feinte. En soi, elle ne vaut pas mieux que la jactance. Souvent le motif en est avouable et quelquefois même louable. Id., ibid.. ad l um.

I. Point de vue philosophique.

Outre la Somme théologique de saint Thomas, I q. xvi et xvii, et les articles parallèles du Commentaire sur les Sentences ou du De veritutc, on consultera le petit traité du « vrai 1 enchâssé dans le commentaire du Perihermeneias, t. I, leçon 3, 11. 5-9, ainsi que les commentateurs de saint Thomas sur les q. vi et xvii précitées. Les manuels

de philosophie thomiste (logique et ontologie) fournissent

l’essentiel de la doctrine, qu’on complétera par les ouvrages

suivants : A.-D. Sertillanges, l.a philosophie de saini Thomas d’Aquin, Paris, 1940, surtout le t. ii, L’intelligence, Il-K, p. 157-174 (voir aussi sou 2’vol. Dieu, de la Somme

théol., édit. de la Hernie îles.Imites) ; Yves Simon, Introduction a l’ontologie’lu connaître, Paris, 1934, c. III, p. 200 218 ; Ml. Romeyer, La doctrine île saint Thomas sur la vérité ; esquisse d’une synthèse, dans les Archives de philosophie, I. III, cahier 2 ; Ch. Hoyer, L’idée île Vérité dans la

philosophie île saint Augustin, Paris, 1920 ; Roland-Gos sclin, l.a théorie thomiste de l’erreur, dans 1rs Mélanges thomistes, l.e Snulchoir, 1923.

On a passe sous silence certaines conceptions philosophiques modernes de la vérité, que les manuels groupent

ordinairement sous le nom île théories activistes >. Leur

discussion dépasserait le cache de cet article. ()n consultera J. de Tonquédcc, L(/ notion île l’érilé ilans la philosophie nouvelle, Paris, 1908.

II. Poix i ni i i i m (il ck.iim i. 1 Dteit. Outre les Ouvrages déjà signalés des PP. Sertillanges, Itonicyer,

lîover, on consultera sur la vérité qu’est Dieu ou le Verbe

par rapport a nous, .1. I.ehreton, Histoire ilu ilm/me île la Trinité, I. i, Paris, P.I27 et J.-M. I.agrange, V évangile.

selon saint Jean. Paris, 1925 (le commentaire du Prologue),

surtout p. 1-21.