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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/58

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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. L’AFFAIRE DES DEUX DENYS

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même que certains de ses ouvrages eussent été falsifiés par les hérétiques, ou même eussent été publiés par des zélateurs indiscrets avant qu’il y eût mis la dernière main. Ce sont là des circonstances qui, si elles ne le justifient pas complètement, atténuent singulièrement la gravité des accusations portées contre lui. » La théologie anlénicéenne, p. 309.

On pourrait encore souligner ce fait que, de la plupart des traités d’Origène et du De principiis en particulier, nous n’avons plus que des traductions latines. Nous savons, par Rufin lui-même, que la version du De principiis a été plus ou moins fidèle et que le traducteur s’est préoccupé de la rendre ici et là conforme à l’orthodoxie nicéenne. La version de saint Jérôme est presque entièrement perdue : les fragments que nous en connaissons suffisent à montrer sa partialité en sens inverse : au lieu de chercher à excuser Origène, saint Jérôme s’était efforcé de le noircir, supprimant les atténuations, les formules dubitatives que le docteur alexandrin aimait à multiplier, etc. Ces circonstances rendent plus difficile l’interprétation exacte de la pensée d’Origène ; elles ne la rendent pas impossible. Lorsqu’il s’agit de la Trinité, il faut surtout mettre en relief l’attachement d’Origène à la règle de foi qui affirme l’existence d’un seul Dieu en trois hypostases ; il faut souligner son opposition au modalisme sous toutes ses formes et la fermeté de sa croyance à la divinité vraie du Fils et du Saint-Esprit qu’il place bien au-dessus de l’ordre des choses créées. Il faut pourtant ajouter qu’il n’évite pas l’écueil du subordinatianismc et que, en ce sens du moins, il paraît avoir été l’un des précurseurs de l’hérésie arienne.


III. L’AFFAIRE DES DEUX DENYS. —

Contre le même écueil vient encore donner un des plus illustres disciples d’Origène, Denys, qui devint évêque d’Alexandrie après la mort d’Héraclas, en 247.

Le sabellianismc, après sa condamnation parle pape Calliste, n’avait pas pu se développer en Occident : c’est sur un plan différent, nous l’avons vii, que se meut la doctrine d’Artémon et des hérétiques réfutés par Novaticn. En Orient au contraire, ses destinées furent plus longues. Nous savons qu’en 244, Origène fut appelé à intervenir à Bostra pour ramener à l’orthodoxie l’évêque de cette ville, Bérylle. Eusèbe, H. E., VI, xxxin. Quelle était au juste l’erreur de Bérylle ? il est difficile de le savoir. Eusèbe nous dit seulement que Bérylle osait enseigner que le Sauveur n’existait pas avant l’incarnation dans son être propre et qu’il n’avait pas eu une divinité à soi, mais seulement la divinité du Père renfermée en lui. Ces formules pourraient désigner aussi bien un adoptianiste qu’un monarchien et nous n’avons pas à rechercher ici d’inutiles précisions. Il semble d’ailleurs que l’affaire de Bostra n’ait pas dépassé les bornes d’un incident local, (/intervention d’Origène suffit à rétablir la paix et à ramener l’évoque à l’orthodoxie. Au plus faut-il retenir cette leçon que, jusque dans la province d’Arabie, les problèmes relatifs à la Trinité étaient ouvertement posés dans l’Église. Au lieu de rester matière de controverses privées entre les théologiens, ils sont désormais discutés au grand jour. N’est-ce pas comme un signe avant-coureur des luttes du ive siècle ?

1° Intervention de Denys d’Alexandrie dans la Pentapole. —

(/est dans la Pcntapole surtout qu’aux environs de 250, ces problèmes excitent, le plus d’intérêt. Bit-ce Sabellius lui-même qui est venu annoncer son etTeur dans ce pays ? ou quelques-uns de ses disciples en ont-ils été les prédicateurs ? En tout cas, le sabellianismc a gagné à lui beaucoup d’âmes, sous une forme assez différente d’ailleurs de celle qu’il av : iit revêtue à Rome aux débuts du siècle. Il enseigne i n effet que Dieu est une monade simple et Indivisible, à la fois l’ère et Fils, d’où le nom d’ul (JUS l’quel

on peut le désigner. En tant que créateur du monde, il prend le nom de Verbe. Le Verbe c’est donc Dieu créateur et se manifestant par la création ; il suit que Dieu demeure Verbe aussi longtemps que dure le monde créé.

Il faut ajouter que Dieu se fait connaître aux hommes sous trois aspects : dans l’Ancien Testament comme créateur : c’est le Père ; dans le Nouveau Testament comme rédempteur : c’est le Fils, et comme sanctificateur : c’est l’Esprit-Saint. Le Père, le Fils et l’Esprit ne sont d’ailleurs pas des personnes distinctes ; ce ne sont que des noms du même être : wç eîvoct êv [iia ÛTTooTàosi Tpeïç ôvofiaciaç. Remarquons encore que chacun des trois états de Dieu est transitoire : l’uEoTOiTwp cesse d’être Père lorsqu’il s’incarne et devient Fils ; il cesse d’être Fils dès qu’il apparaît comme Saint-Esprit : telle est du moins l’interprétation de saint Épiphane, Hæres., lxii, 3 ; est-ce vraiment la doctrine des premiers sabelliens, ou bien ceux-ci insistaient-ils sur le caractère impersonnel et purement nominal des différentes manifestations de la monade divine ? il est difficile de le préciser. La première interprétation s’accorde mieux avec ce que nous croyons savoir du double mouvement d’expansion, TtXaTi>(T( !.6( ;, et de retrait, (tucttoXt), que les sabelliens affirmaient se produire dans la monade ; encore ce dernier point est-il loin d’être clair. Somme toute, ce qui caractérise l’erreur sabellienne, c’est la prédication d’une divinité unique qui se manifeste de trois manières différentes, sous trois apparences successives, sans que l’on puisse parler ni de personnes distinctes, ni de primauté ou de subordination entre le Père, le Fils et l’Esprit-Saint, puisque ceux-ci ne diffèrent que parle nom.

L’enseignement des sabelliens dans la Pcntapole ne tarda pas à faire scandale et saint Denys qui, comme évêque d’Alexandrie, exerçait sur ce pays sa juridiction, se vit obligé d’intervenir. Il écrivit plusieurs lettres pour réfuter l’erreur, mais l’une d’elles, adressée à deux évêques, Ammonius et Euphranor, fut trouvée à son tour contraire à l’orthodoxie et déférée au jugement du siège romain (vers 259-260).

Denys y prenait naturellement le contre-pied du sabellianisme et insistait sur la distinction des personnes en Dieu. D’où les reproches qu’on lui adresse : d’avoir trop séparé et divisé le Fils d’avec le Père : Statpeï xal [iaxpùvei xal |xep[Çet tov Yîov àrcè toû ITaTpoç ; de nier l’éternelle paternité de Dieu et l’existence éternelle du Fils : oùx àel - ?jv ô 0eoç naTrjp* oùx àel ^v ô l’l6ç.., ^v îtote ôre oùx 9)v, où yàp àtSiéç èo-riv ; de ne pas dire que le Christ est consubstantiel à Dieu : wç où XéyovToç tôv Xpifsxôv ô ; jiooù(Tiov eTvoci tcô 0ecj> ; enfin de faire du Fils un simple fils adoptif, une créature étrangère au Père par sa nature et de se servir, pour exprimer leurs rapports, de comparaisons choquantes telles que : le Père est le vigneron, le Fils est la vigne ; le Père est le charpentier, le Fils est la barque qu’il a construite : izolrnia. xal yevv ; TÔv eTvai tov Yl6v toû (-leoiï, iavjte 8è (pùoei ïSiov, àXXà ^évov xar’oùatav aÙTOv sTvai toO ITarpoç, &(TTcep èriTÎv ô yewpyôç rcpoç t6v ^[atêXov xal ô vau7T7)y6ç Ttpoç to erxàcpoç, xal yàp wç Trotta tfiv oùx ^v rplv yévr-ai. Cf..1. Tixeront. La théologie anlénicéenne, p. 485-486.

Nous connaissons tons ces griefs par le De senlrnlia Dionysii de saint Athanase qui a dû venger son prédéur des accusations des ariens, avides de se couvrir de "n autorité. Ils sont assurément graves, et tout l’arianisme est contenu, plus qu’en germe dans les formules de l’évêquc d’Alexandrie. On pent se d. mander où celui-ci a emprunté ses théories : non voyons bien qu’elles sont dans la ligne de la pensée nifcte, mai.’Mes sont beaucoup plus audacieuses, puhqu’Orlgène ne semble pas avoir jamais enseigné