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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/590

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Y E USIONS APPARENTEES AUX SEPTANTE


Il se peut donc que les traducteurs aient interprété (leur texte) de la façon que jugeait convenable à ces gentils l’Esprit-Saint qui les poussait et qui les a fait s’exprimer tous de la même manière, qui eos agebat et qui unum os omnibus fecerat. » En d’autres termes, si le sens de l’hébreu et celui du grec ne concordent pas, lequel faut-il adopter ? L’un et l’autre, répond Augustin ; l’un et l’autre, en effet, a été inspiré par l’Esprit-Saint. De doclr. christ., II, xv, 22, P. L., t. xxxiv, col. 46. Même idée, presque dans les mêmes termes, dans le De civilate Dei, XVIII, lui, t. xli, col. 603 : Augustin sait qu’il existe d’autres versions grecques, mais il serait téméraire de les préférer à celle des Septante ; il rappelle aussi la tentative faite par Jérôme de faire passer directement les Écritures de l’hébreu en latin. Mais, continue-t-il, « bien que les Juifs reconnaissent la valeur exceptionnelle de son travail et prétendent que la traduction des Septante est fautive en bien des points, les Églises chrétiennes estiment, que nul traducteur ne peut être préféré à l’autorité de tous ces hommes, choisis pour ce grand œuvre par le grand-prêtre Éléazar. Car, supposé même que ne fût pas apparu en eux un Esprit unique — et sans hésitation un Esprit divin — et s’ils avaient arrêté d’un commun accord les termes de leur traduction, nul traducteur isolé ne devrait leur être préféré. Mais, puisqu’une si grande preuve de l’assistance divine s’est manifestée en eux, il faut bien reconnaître que quiconque, en dehors d’eux, est un traducteur véridique de l’hébreu, en quelque langue que ce soit, devra être d’accord avec les Septante, ou, s’il ne l’est pas, il y a là une mystérieuse et prophétique profondeur. Car le même Esprit qui était dans les prophètes, quand ils prononcèrent leurs oracles (en hébreu), était aussi dans les Septante quand ceux-ci les ont traduits. Avec son autorité divine, l’Esprit a pu faire dire autre chose par le traducteur que ce qu’avait dit le prophète et, dans ce cas, l’un et l’autre sens est également inspiré, ou (il a pu) le lui faire dire autrement, en sorte que, les mots étanl changés, le sens demeurât le même, il a pu faire omettre par le traducteur ou lui faire ajouter telle ou telle chose, pour bien montrer par là que, dans son travail, ce n’était pas la servilité qui était réclamée du traducteur, mais qu’il devait se soumettre à la puissance divine qui remplissait son esprit et le dirigeait. Comme il est facile de le voir, Augustin, dans ce passage, se déclare tout net en faveur de la réalité du « miracle des cellules et il en tire, sans hésiter, toutes les conséquences.

On sait que les deux ouvrages eu question, le De doclrina rhristiana et la Cité de Dieu ont été parmi les plus répandus de saint Augustin. Il n’est donc pas étonnant qu’ils aient imposé à la chrétienté occidentale l’opinion tant soit peu paradoxale de l’évêque d’Hippone. Si, d’ailleurs, on avait accepté cette manière de voir dans toute sa rigueur, jamais la traduction hiéronymienne n’aurait pu pénétrer dans l’Église latine et finalement s’y imposer, comme elle l’a fait. La lecture de certains textes de Jérôme a compensé ce qu’il y avait de trop absolu dans la

pensée d’Augustin. L’entreprise du solitaire de Bethléem avait suscité bien des protestations ; celui-ci

j répondit avec sa verve ordinaire ; plusieurs de ses

répliques ; e lient dans les préfaces qu’il a mises en tête des divers livres de l’Ancien Testament et qui sont [lassées dans bien des manuscrits et des éditions de la Vulgate. Voir la préface (les Paralipnnièncs, où

il revendique le droit de faire ce qu’ont fait avant lui

les auteurs des diverses recensions des Seplanle et d’ouvrir à son tour les portes des soixante dix cellules -. Si tgttur aliU Ucuit non lenere quod ttmel

susceperanl ( Sepluaginta), et post sepluaginta cetlulas, quæ vulgo sine auctore jaclantur, singulas cellulas uperuere, hocque in Ecclesia legitur quod Septuaginta nescierunt, cur me non suscipiant Laiini mei ? P. L., t. xxviii, col. 1325 AB. Voir aussi la préface du Pentateuque déjà citée, ibid., col. 150-151 : Nescio quis primus auctor sepluaginta cellulas Alexandriæ mendacio suo exstruxerit, quibus divisi eadem scriptilarent. .. : sed in una basilica congregatos contulisse scribunt ( Arisleas et Josephus), non prophetasse. Aliud est enim vatem, aliud esse inlerprelem. Ibi Spiritus venlura prædicil : hic crudilio et verborum copia ea quæ intelligil transfert. Affirmer cette inspiration du texte des Septante, c’est opposer l’Esprit à l’Esprit. Les apôtres, en effet, sous l’inspiration divine ont cité, parfois d’après le texte hébreu, des prophéties qui n’ont pas la même précision dans les Septante ou que l’on n’y trouve pas, par exemple, dans Matth., ii, 15 et 23 ; Joa., xix, 37 et vii, 38 ; I Cor., ii, 9. Imaginerons-nous que ces omissions ou ce camouflage des Septante auraient été inspirés par le même Esprit : aul aliter de eisdem libris per Septuaginta interprètes, aliter per aposlolos Spiritus sanctus testimonial texuit, ut quod illi lacuerunt, In scriplum esse mentiti sint. Voir aussi Epist., i.vn, 11, t. xxii, col. 577.

De la comparaison des textes augustiniens avec les textes hiéronymiens s’est ainsi formée dans l’Église latine une opinion moyenne : elle n’oserait pas équiparer absolument « l’inspiration des Septante » avec celle des auteurs primitifs des Livres saints, mais elle ne veut pas voir non plus dans l’œuvre des Septante une traduction ordinaire. C’est quelque chose de ce genre que l’on trouverait dans les polémistes antiprotestants des xvie et xviie siècles, ainsi Bellarmin, De verbo Dei, t. II, c. vi ; Baronius, Ann. eccles., an. 231 toute l’année, et bien d’autres. Sixte-Quint s’en fait l’écho quand il écrit dans la préface de l’édition officielle des Septante : Constat interprètes. .. Spirilu Sancto plenos sacra Biblia interpretatos esse. Nul ne songera à prendre pour une affirmation dogmatique ces mots du pape, pas plus que l’on ne prendra pour une défense impérative l’interdiction que fait le même pape de rien changer au texte grec qu’il vient de publier : prohibentes ne quis de hac nova gru-ca edilione uudeat in posterum ael addendo vel demendo quicquam immature. Du moins pouvons-nous dire que ces mots de Sixte-Quint expriment en clair cette approbation tacite de l’Église à l’endroit des Septante qui s’est manifestée dès les premiers siècles. Somme toute, ils tendent à mettre sur le même pied que notre Vulgate latine l’antique traduction grecque. La question reste toutefois de savoir quel est au juste le texte primitif de la célèbre version. Or, cette question ne peut être élucidée qu’après étude d’autres traductions grecques qui peuvent avoir « contaminé » les Septante.

II. VERSIONS GRECQUES PLUS OV MOINS APJ’A-RBNTÊBS AVi SEPTANTE. -- Quand l’Église chrétienne eut fait sienne la traduction des Septante et en eut tiré des arguments contre le judaïsme, l’immense crédit dont avait joui la primitive Bible grecque dans la Diaspora juive commença à décliner. On s’a per çut d’autre part des divergences notables que présen tait le grec par rapport au texte officiel de l’Ancien testament, tel que le travail des rabbins commençait à l’élablir. D’où l’éclosion, au cours du il'e siècle de notre ère, de plusieurs versions grecques nouvelles, dues à des initiatives privées plus ou moins heureuses. Ces versions nous sont niai connues et c’est surtout

aux Hexapln d’Origène, von : ici t. xi, col. i 195, que

nous devons les fragments qui en subsistent.

[renée connaissait déjà deux de ces traductions nouvelles. Il fait allusion a la manière dont elles ren