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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/640

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VEU1LLOT (LOUIS). LA QUESTION ROMAINE

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tains et de gallicans. Si les rédacteurs de l’Univers se permettaient de discuter l’acte qui les frappait, ils encourraient l’excommunication. C’était dur, trop dur peut-être, et cette sévérité même empêcha le succès d’une intervention provenant de Mgr Guibert, évêque de Viviers (et futur archevêque de Paris). Une lettre émanant de lui, antérieure même à l’ordonnance de Mgr Sibour, condamnait en termes modérés les outrances de l’Univers ; elle avait chance de rallier les adhésions de nombre d’évêques. La dureté de Mgr Sibour empêcha ce concert qui aurait pu mettre Veuillot dans l’embarras.

Aussi bien celui-ci était à Rome depuis la mifévrie r et exposait lui-même au pape les vues de son journal. Oralement Pie IX l’encourageait dans son action en faveur de l’Église, tout en lui recommandant et la prudence dans ses propos et le respect’à l’endroit des évêques. Dans une lettre que lui adressait au nom du pape le secrétaire des lettres latines, on insistait de même pour que fussent observées les règles de la modération. En même temps, une lettre du cardinal secrétaire d’État à Mgr Sibour engageait celui-ci à retirer son ordonnance, ce que, sur le désir même du pape, Veuillot finit par solliciter lui aussi. Sur les entrefaites, parut l’encyclique Inter multipliées du 23 mars 1853 ; le pape y recommandait la modération aux journalistes chrétiens : « Les enfants de Dieu, disait-il, doivent être pacifiques, doux de cœur, simples dans leurs paroles, unis d’affection, fidèlement attachés entre eux par les liens de la charité. » Il demandait, par contre, aux évêques de favoriser les journalistes catholiques ; « que si, dans leurs écrits, il leur arrivait de manquer en quelque chose, les évêques devraient les avertir avec des paroles paternelles et avec prudence ». Mgr Sibour retira donc les défenses portées (8 avril 1853). Mais au fond la question des droits de l’archevêque de Paris restait intacte ; plus exactement même l’acte pontifical semblait confirmer le droit d’intervention des Ordinaires. Le fait pourtant que la presse catholique se voyait traitée par le pape comme une puissance, était bien de nature à encourager Veuillot. L’Univers — certains admirateurs le dirent — était considéré comme une grande institution catholique » ; pour un peu, on lui aurait fait une place parmi les pouvoirs publics de l’Église. Un idolâtre de Veuillot, dotn Guéranger, n’écrivait-il pas au rédacteur de l’Univers : « Tenez haut et ferme votre drapeau ; il s’agit de l’orthodoxie en France ! » Que venait faire l’orthodoxie en une si misérable querelle ?

Les sages conseils de Pie IX ne devaient guère porter de fruit ; Veuillot prenait bien, de temps à autre, de sages résolutions, mais elles duraient peu. A l’endroit des adversaires du catholicisme, sa polémique dépassait souvent toute mesure et elle n’épargnait guère ses coreligionnaires. De nouvelles interventions très discrètes celles là. furent tentées à Home en 1856, à quoi Pie IX se contenta de répondre : L’Univers n’est pas mon organe attitré » ; mais il hisa à aucune désapprobation publique. Cf. P. de

la GoTCe, Histoire (lu seeotul Empire, t. ii, p. 11)7. I dans ces conditions que certains prélats franla responsabilité de Mgr Sibour et de Mgr Dupanloup paraît bien avoir été engagée dans cette affaire tentèrent de porter d’une autre manière un coup au crédit de VUnivers. En Juillet I8.">6 paraissait, sous le voile de l’anonyme, un libelle intitulé : L’Univers jugé mr im mime ou Études et documents sur le fournal l’Univers de 1846 à 1866. L’auteur — on sut peu après que c’était un abbé Cognai s’y

donnait la lâche facile de mettre en opposition les

attitudes successives et contradictoires de l’Univers,

.m COtm « les dix années écoulées, dans les questions

politiques, sociales, religieuses. Il n’était pas malaisé de découvrir dans la série des articles de Veuillot de quoi légitimer cette thèse. Au fond, elle était juste : sur nombre de points, le journaliste avait chanté la palinodie et brûlé ce qu’il avait adoré. À la vérité, les citations avaient été choisies avec beaucoup d’art, dirons-nous de perfidie ? Le portrait ainsi tracé de Veuillot ressemblait assez à ces caricatures où, tout en restant dans la vérité, l’on force exagérément le trait. Cela mit le publiciste en une violente colère, qu’attisèrent encore ses admirateurs passionnés. Veuillot, oublieux dans la circonstance du droit canon dont il parlait si volontiers, décida de porter l’affaire devant les tribunaux de droit commun, en dépit du caractère ecclésiastique de son contradicteur. Le 16 décembre 1856, la cause était engagée, quand un coup de théâtre se produisit. Le 3 janvier 1857, Mgr Sibour, dont nul ne parlait mais à qui beaucoup pensaient, était assassiné à Saint-Étienne-du-Mont. Les vicaires capitulaires s’interposèrent ; dans ce grand deuil de l’Église de Paris, ce n’était pas le moment pour les catholiques de donner le spectacle de leurs divisions. Non sans peine, ni sans regret, Veuillot se désista de la poursuite le 13 janvier 1857. De cet incident, d’ailleurs regrettable à tous égards, il ne faudrait pas exagérer la signification. Eugène Veuillot le considère « comme une nouvelle entreprise du libéralisme catholique et du gallicanisme plus ou moins mitigé contre l’ultramontanisme et le principe d’autorité » et il ajoute : « cela préparait les solennels débats du concile du Vatican ! » Disons seulement qu’il y faut voir une nouvelle tentative, d’ailleurs assez maladroite, pour secouer le joug d’une dictature qui pesait à beaucoup de bons chrétiens.

Cependant le régime autoritaire en qui Veuillot avait mis son entière confiance commençait, dès 1859, date de la guerre d’Italie, à inspirer quelque inquiétude aux catholiques. Ignorant tout des plans qu’avait élaborés « l’homme simple et bon », dont jadis avait parlé Veuillot, on se demandait avec quelque appréhension si, dans la grande aventure où la France s’engageait, en Italie, aux côtés de la Maison de Savoie, le domaine temporel du Saint-Siège demeurerait intact. À peine la campagne militaire était-elle terminée, qu’une partie des États pontificaux se soulevait et proclamait son annexion au Piémont. Napoléon III laissait faire. L’année suivante c’étaient les Marches et l’Ombrie qui étaient annexées par la force. Le domaine pontifical allait se réduire au Patrimoine de Saint-Pierre ; encore la conservation de cette principauté minuscule était-elle des plus précaires.

Veuillot n’avait pas attendu cette date pour dire son avis sur cette question romaine », qu’il trouverait devant lui jusqu’à la fin de ses jours. Dès 1858, l’affaire Mortara, exploitée par la presse anticléricale de tous les États contre le pouvoir temporel du pape, lui avait fourni une occasion de protester contre toute atteinte qui pourrait être portée aux droits du Saint-Siège. Voir surtout Mélanges, II 1 série, t. v. Puis, c’était avec Edmond About, dont la Question romaine se répandait en France par la connivence des autorités, qu’il était entré en lutte. I’insurrection des Légations, au lendemain des négociations de Villa franca, avait amené de sa part, comme de la part de tous les catholiques, une protestai ion véhémente,

si véhémente même que, le 10 Juillet 1859, un aver lissement avait été donné a VUnivers. À quelque temps de là le gou ernenieul demandait au journal de cesser d’insérer les mandements que les évêques multipliaient pour lors sur la question romaine. Puis, en décembre, paraissait une brochure le pape et