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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/709

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VICTORINUS AFER. LA Vif- ; CHRÉTIENNE
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plus sévère que celle de Plotin et une mystique passive, basée sur la révélation biblique.

2. Les moyens.

a) L’ascèse règle non seulement l’usage de l’intelligence, mais descend jusqu’à la discipline des sens et des « habitudes de sentir ». « L’âme est forte par son intelligence, et en s’y tenant, elle garderait sa vertu facilement » ; mais la tromperie vient, sans doute du monde et de la matière, et puis de « cette caricature d’intelligence que forge la puissance voisine ; les sens arrivent, par leurs images, à se constituer en esprit trompeur et nuageux » ; mais il faut dire adieu aussi aux « inquiétudes charnelles », non seulement « à la matière, mais à tout ce qui est dans le monde », loc. cit., et col. 1241 B, parce que quidquid mundanum est, licel cœleste sit inmundo, sed secimdam mundum lamen, neque divinum neque œternum est. Loc. cit.

b) La mystique. — La connaissance de Dieu ne consiste pas à se perdre par l’extase en un Dieu métaphysique, mais à se conformer par le renoncement, l’obéissance et la foi aux desseins de Dieu sur l’humanité. « La Loi fut donnée par Dieu, et des avertissements pour connaître Dieu (sa volonté) et ce qui n’est pas de Dieu. Mais les âmes furent vaincues par les puissances sensibles… Alors, pour les délivrer des sens et du monde trompeur, Dieu envoya son Fils qui, par l’initiation au mystère, leur apprît comment vivre spirituellement, ce que l’âme devait observer, et ce qui lui était étranger… Il se forme une sorte de sens spirituel : et capere sensum, et mundi et materiæ molibus non exagitari. Au bout de toutes ces étapes, l’homme tout entier est dans l’esprit vrai, et par là déjà il est vie dans le Christ ; nous sommes reçus dans le Christ et admis au nombre des fils, devenus spirituels. » Col. 1240 D ; cf. col. 1240 BC, 1166 A, 1219 C, 1241 A, 1244 CD, etc.

La mystique de Victorin est aussi exigeante que son ascèse, puisqu’en somme « tout ce qui est à Dieu doit lui faire retour », col. 1241 B, puisqu’il demande « une perfection per omnia compléta, qui ramène tout à l’unité dans le Christ ». Col. 1241 C. Elle est aussi pratique, puisqu’elle « donne la liberté, mais la liberté de sortir du monde et de retourner au Père, à notre origine ». Col. 1191 C.

La morale.

« La somme de toute la discipline

chrétienne consiste à connaître la « théologie », c’est-à-dire le mystère et l’avènement du Dieu Christ, et puis les prsecepta vivendi qui conviennent aux chrétiens », Ad Ephes., prolog., col. 1235 A ; car ceux-là seuls le sont « qui connaissent Dieu et gardent les préceptes de Jésus-Christ ».Col. 1237 C. « Il n’y a rien à ajouter à cette science divine et aux œuvres et actes de la vie chrétienne. » Col. 1235 C. La morale même de Victorin est étroitement christocentrique et elle ordonne les vertus suivant leurs rapports au Christ. A ce titre, on doit distinguer « la religion du reste de la loi de vie des chrétiens, car le Christ les a liés (à lui-même) par la religion, et puis a enserré leur vie (à lui) per cœteram vivendi legem ». « Cette lex nominis » a pour but de centrer la pensée sur le Christ ; mais « elle tient aussi leur vie ».

Parmi les œuvres du chrétien, les plus éminentes pour notre auteur, sont celles qui relèvent de la religion, de la dévotion, du service de Dieu », Ad Phil., iv, 20, col. 1234 B ; mais on ne s’étonnera pas de le voir, lui qui demandait à quoi servent les églises, insister sur le culte intérieur : le service de Dieu, c’est la louange divine, loc. cit. Ce sont pourtant aussi « les mystères de vie auxquels assiste le peuple », Adv. Arium, t. I, c. xxx, col. 1063 ; les prières faites à genoux pour que le corps soit à l’image de l’humilité de l’âme, Ad Ephes., iii, 14, col. 1268 B ; les prières « formulées que l’on appelle oraisons ; mais il faut

faire tous ces actes de culte dans l’esprit qui les inspire et en action de grâces : Ne invili Jaciamus, sed vere yratias agamus. Ad Phil., iv, 6, col. 1229 B.

Sur la prière en général, l’auteur a tout un petit traité, où il discerne les dispositions d’humilité et de charité fraternelle, les « qualités » de la prière qui sont le recueillement : omissis omnibus sollicitudinibus, et l’action de grâce perpétuelle, oratio in precibus graliarum actio sit, « pour le don si magnifique que nous avons reçu de la bonté de Dieu » ; l’objet de la prière doit être les choses célestes promises par Dieu non les choses du monde, cf. col. 1109 A ; les effets de la prière : la paix du cœur et de l’esprit, union même du corps et de l’âme avec le Christ, puisque dans la prière, « nos corps sont dans sa majesté et dans sa vertu ». Loc. cit., col. 1227-1230. La prière secrète de demande est connue de Dieu ; mais il faut aussi faire prier le corps. Col. 1268 B.

L’aumône vaut, non pas tant par ce qu’on offre, que par la volonté et le soin qu’on a pris : c’est un sacrifice à Dieu ; c’est un avantage pour l’âme : « la bonne œuvre même nous rend recti et la bonne grâce nous fait bons. Aussi l’aumône s’appelle benevolentia ». Col. 1234 A.

La charité fraternelle pareillement vaut par l’imitation de Jésus, Ad Phil., ii, 5, col. 1206 D. De même l’humilité chrétienne, loc. cit., et Ad Galat., vi, 3, col. 1193 B : Hœc summa legis est ut quicumque humilis sit, dejectus. infîmus. Cf. Hymn., ii, col. 1142-1143. Au reste, notre moralité, sur la terre, « tant que nous ne sommes pas parvenus à l’homme parfait, aura toujours quelque chose d’imparfait ». Ad Galat., iv, 4, col. 1177 A.

Aussi bien les préceptes particuliers, surtout ceux qui règlent les actes extérieurs, doivent-ils le céder parfois à la grande loi de la charité, ou, comme il dit, de la foi, de l’intention droite. « Ce n’est pas le cas de n’importe qui, mais du chrétien parfait et affermi dans la foi : nous devons comprendre qu’à lui, du moins, il est permis parfois, à cause du Christ, de faire certaines choses qui sont hors de la vraie règle, pourvu qu’elles servent cette loi supérieure qui est de libérer des âmes. Quand le Christ est dans le cœur, il n’y a pas à cela de péril. » Col. 1159 C. Faut-il voir ici les dons du Saint-Esprit ?

La morale de Victorin, quoique tendant à la pratique par l’humilité foncière et la charité bienveillante qu’elle prêche, est plutôt une direction s’adressant à l’esprit, comme la purification du maître des Ennéades. Elle ne vise pas directement, comme celle de Porphyre, à proscrire le plaisir permis, mais seulement à réfréner la sensibilité. On dirait même qu’elle fait peu de cas des consignes de l’Apôtre sur la mortification du vieil homme ; mais nous ne connaissons qu’une partie de l’œuvre de Victorinus Afer. Ce qu’on peut constater, c’est qu’il n’est pas l’homme du combat intérieur et de la lutte à outrance contre le démon : il exige seulement qu’on obéisse au Christ, « c’est-à-dire qu’on se fasse son esclave, en vivant spirituellement, qu’on ne fasse rien selon la chair, nihilque sensu senlire, et qu’on se tourne tout entier à Dieu en foulant aux pieds les choses du monde : voilà ce que c’est que faire retour à son origine ! » Ad Ephes., i, 7, col. 1243 C. Qu’après cela, il ne parle ni de jeûnes, ni de pratiques ascétiques, cf. Porphyre, De abstinentia, il faut plutôt lui en savoir gré. La morale de Victorin, c’est sa conversion même mise en deux maximes : Victorinus senex non erubuit esse puer Christi lui, subjecto collo ad humilitatis jugum, et edomita fronte ad crucis opprobrium. S. Augustin, Confessions, t. VIII, c. i, n. 3, P. L., t. xxxii, col. 750. Sur certains catalogues de péchés, cf. col. 1282, 1283, 1286 ; sur les péchés d’ignorance, col. 1282 B.