cette réserve un peu fière vis-à-vis d’une religion qui s’abaissait alors à conquérir les masses, ses premières œuvres chrétiennes présentent les mêmes déficiences qui, vingt ans plus tard, affligeaient le jeune Augustin à la lecture de ses traductions philosophiques : Non habent illæ pagina ? vullum pietalis hujus, lacrymas confessionis, cor contritum… Confess., t. VII, c. xxi, n. 27 ; sous ce rapport, ses trois Hymnes à la Trinité semblent un repentir du dialecticien assagi.
Mais, et pour la même raison, Victorin s’est gardé des curiosités théoriques d’Origène : sur l’origine des âmes et sur la fin des choses, sur tous ces confins de la foi où l’Alexandrin avait imaginé des drames aux cent actes divers : chute des âmes dans l’animalité, chute des Anges dans l’humanité, spiritualisation finale de l’univers, De princ, t. I, c. vii, n. 5 ; t. III, c. i, n. 20 ; t. II, c. i, n. 1 ; c. ii, n. 3, le docteur africain se borne à mentionner à son habitude les solutions néo-platoniciennes et il les harmonise de son mieux avec saint Paul. Pareillement, son homoousiauisme intransigeant l’a bien défendu, au sujet de la divinité du Verbe comme des mérites de Jésus, de telles assertions d’Origène, De princ., t. I, c. i, n. 8 ; t. II, c. vi, n. 3-5 et c. ix, n. 1, 6-9, où plus tard ariens et nestoriens voulurent trouver leur bien. En somme, rien ne prouve que Victorin ait connu le plus grand docteur catholique du siècle précédent, cf. de Leusse, art. cit., p. 228-320 ; les points de contact apparent ne sont dus qu’à leur commune utilisation de Platon, dette ignorance n’est pas pour nous surprendre, de la part du rhéteur converti qui s’est enfermé avec sa Bible comme livre de chevet, et rien n’illustre mieux au contraire la position de principe de notre auteur à l’égard de ses sources doctrinales : indifférence voulue pour toute tradition, aliter in.sinuala, aliter intellecta, non err/u adjungenda, col. 1235 C, aussi bien quand il s’agit des traditions de son Église qu’en matière d’école philosophique : Jésus-Christ et Platon, voilà les deux maîtres de sa pensée ; Plotin et saint Paul, voilà les seuls interprètes autorisés à se faire entendre.
I. ÉDITIONS.
1° Œuvres païennes. — Ars grammatica, dans Keil, Gramm. lat., p. 1-184 ; De deftnilionibus, par Stangl, Mario-Victoriniana, Munich, 1888, p. 17-18 ; Explanationes, dans Halm, Hhetores latini minores, Leipzig, 1863, p. 155-304 ; traduction de Vlsagoyè dans Boèce, P. L., t. lxiv, p. 9-70. Abondante bibliographie et analyse des "livres dans P. Monceaux, Histoire litt. de l’Afrique chrétienne, t. iii, p. 382-395.
2° Œuvres chrétiennes. — De generalione Verbi divini, édité par Ziegler, Raie, 1518, par Herold, llwresiologus, 1556, réédité avec soin par Mabillon, Analecla, t. iv, p. 155 ; Adoersus Arium libri IV et De homoousio recipiendo, édité par Herold, op. cit., 1556, niais sans soin et avec des divisions arbitraires ; In Epistolas b. Pauli, édition de Mai’, Nova’collect. script, neter., t. ni b, p. 1 sq. ; Liber ad JustilUUIl Manicheeum et Dr Verbis Scriplnra ; par Sirmond, Opéra noria, t. I, Paris, 16311. Cet ensemble a été reproduit, avec un supplément de fautes, par Migne, P. L., t. viii, auquel nous avons du. prendre nos références. Une édition critique « 1 1 1 De generalione Verbi, de la lettre d’Arins traduite par Candidus, el des quinze premiers chapitres du I. I de VAdv. Arium a été donnée par.1. Wohrer, dans Jahresbericht des Prlvat-Unterggmn. der Zislerzienær in Wtlhering, 1905-1911. Mais une nouvelle édition s’impose ; elle demandera a son auteur beaucoup de courage et une connaissance approfondie u-Plotin. Elle sera entreprise prochainement, avec Introductions, notes et traduction française, dans la collection Sources chrétiennes. Signalons une traduction française d’extraits caractéristiques
dans Ceillier, Histoire ilis au t. ecclés., I. vi, p. 26-39 ; et du Liber de generalione Verbi, par Et. Gilson, La philosophie du Mogen Age.
Parmi les poèmes, Pelper a donné une édition critique du De Machabmts dans le’.orpos de Vienne, t. xxiii ; les .m i r< s poésies qu’on a attribuées 6 Victorin, furent éditées pai Hisin, Sanctm Reltqutee duorum Victor lanonun, 1652, et rééditées par Migne, P. L„ t. M, col. 1113-1Il t.
MCI. DE I III.M.. ( A I MM..
II. Études.
F. Benz, Marins Victorinus, Stuttgart, 1932 ; B. Citterio, article dans la Scuola caltolica, octobre 1937 ; Gore, Victorinus Afer, dans Diction, of christ. Riography, Londres, 1887, p. 1129-1138 ; G. Geiger, C. Marins Viktorinus Afer, ein neuplatonischer Philosoph, Metten, 1888-1889 ; G. Koffniane, De M. Victorino philosopho christiano, Bratislava, 1880 ; Labriolle, Littér. latine chrétienne, p. 304, surt. 346 sq. ; P. Monceaux, , Hist. littér. de l’Afrique chrétienne, t. iii, 1909, p. 377-422, et dans Mélanges L. Havet, 1909, p. 289-310 ; U. Schmid, M. Victorinus und seine Reziehungen zu Augustin, Kiel, 1905 ; A. Souter, The earliest commentaries on the Ep. of S. Paul, Oxford, 1927 ; Tillemont, Mémoires…, t. x, p. 401-406 ; Tixeront, Hist. des dogmes, t. ii, p. 266-278 ; Patrologie, p. 306 ; H. de Leusse, Le problème de la préexistence des âmes dans V., dans Recherches de science religieuse, avril 1939, p. 197-239. Abondante bibliographie dans Bardenhewer, Altkirchliche Literatur, t. iii, p. 460-468, dans Monceaux, op. cit., et dans Harnack, Zeitschr. für Theol., 1891, p. 159.
Sur le néoplatonisme de Victorin, voir P. Alfaric, L’évolution intellectuelle de saint Augustin, p. 375 sq. ; C. Elser, Neoplatonism in relation to Christianity, Cambridge ; Grandgeorge, Saint Augustin et le Néoplatonisme, p. 36 sq. ; P. Henry, Plotin et l’Occident, c. n-iv ; Guitton, Le temps et l’éternité chez Plotin et saint Augustin, p. xix, 245, 259, 273 ; E. Bréhier, traduction des Ennéades, édit. les Belles-Lettres ; La philosophie de Plotin, Paris, Boiviri, p. 50 sq. ; Ch. Boyer, Christianisme et néoplatonisme dans la formation de S. À ugustin, p. 81-83 ; R. Arnou, Le désir de Dieu, p. 138, n. 1 ; La séparation par simple altérité dans la « trinité » plotinienne, dans Gregorianum, 1930, fasc. 2, p. 181 sq. ; Theiler, Porphyros und Augustin, Halle, 1933, p. 3 ; P. Courcelle, Les lettres grecques en Occident, de Macrobe à Cassiodore, 1943.
P. SÉJOURNÉ.
VICTRICE DE ROUEN (Saint), évêque de
cette ville de 380 à 407 environ. — La vie de saint
Victrice nous est connue presque exclusivement par
deux lettres de Paulin de Noie, Epist., xviii et
xxxvii, qui raconte sa conversion, son élévation
à l’épiscopat, son gouvernement et ses travaux apos
toliques. D’autre part, Sulpice Sévère, Dialog., iii, 2,
mentionne une rencontre de saint Victrice avec
saint Martin de Tours et Valentin, évêque de Chartres,
et le pape Innocent I er lui adressa le 15 février 404
une décrétale célèbre. D’après saint Paulin, Victrice
serait né aux extrémités de l’empire et aurait commencé
par exercer le métier des armes. Un jour, pendant
une revue, il aurait jeté ses armes aux pieds du
tribun en déclarant qu’il ne voulait plus servir d’autre
maître que Jésus-Christ. Ni les reproches, ni les tortures
qu’on lui fit subir ne changèrent rien à sa résolution.
Déjà, condamné à mort, il était conduit au
dernier supplice, lorsque le bourreau devint subitement
aveugle et que les chaînes dont il était lié se dénouèrent
d’elles-mêmes et lui laissèrent les mains libres.
Le récit de Paulin n’est pas sans soulever des questions
difficiles. On se demande en particulier pourquoi
la résolution de saint Victrice a été si soudaine et
pourquoi il a tout d’un coup refusé un service qui
jusqu’alors ne lui paraissait pas incompatible avec
la foi chrétienne. On se demande aussi à quelle date
il faut rapporter cette soudaine conversion. On a
pensé, non sans vraisemblance, que le règne de Julien
convient mieux que tout autre pour placer un événement
aussi étrange, bien que le seul motif retenu
pour condamner le soldat déserteur ait été son abandon
de poste et non pas sa foi chrétienne. Et toute
hypothèse, on ne saurait mettre en doute la réalité
du fait, car le témoignage de saint Paulin est celui
d’un homme judicieux et bien renseigné. On ne sait
pas dans quelles circonstances, Victrice fut élevé à
l’épiscopat et appelé à diriger l’Église de Houcn à la place d’un certain Pierre dont nous ne connaissons que le nom. Cet événement eut lieu avant que Paulin de Noie eût renoncé au monde, c’est-à-dire avant 390 ; car Victrice était déjà évêque lorsque Paulin