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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/717

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VIE ÉTERNELLE. L’ÉCRITURE

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conduire les hommes à son royaume éternel. Ce royaume éternel auquel doit aboutir le royaume présent de l’Église est appelé parfois « la vie ». Matth., vu, 14 ; xviii, 8, 9 ; xix, 7 ; Marc, ix, 42. Mais il est clair d’après le contexte que cette vie est la vie éternelle de l’au-delà et dans laquelle chaque homme doit entrer après la mort. Dans Matth., vii, 14, la voie étroite qui conduit à la vie est opposée à la voie large qui mène à la perdition. Or, cette perdition est l’éloignement éternel de Dieu, dans les souffrances de la géhenne du feu éternel ; cf. c. xviii, 8-9 ; voir aussi Marc, ix, 42-43. C’est cette vie (éternelle) que l’homme trouvera en perdant la vie (corporelle) pour le Christ. Matth., x, 39 ; xvi, 25 ; Marc, viii, 34-39 ; Luc, xvii, 33 ; xxii, 24.

La même constatation s’impose au c. xix, 16 sq. de saint Matthieu. Un jeune homme aborde Jésus : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » Et Jésus répond : « Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements. » Cf. Marc, x, 18 ; Luc, xviii, 18. Dans sa réponse, Jésus précise que la vie éternelle est un trésor dans le ciel, Marc, x, 21 ; Luc, xviii, 22. Prise individuellement, la vie éternelle est pour chacun de nous le salut de son âme, Matth., xviii, 25 ; Marc, x, 26 ; Luc, xviii, 26. Cette vie éternelle est promise à ceux qui, ayant entendu l’appel divin, ont tout abandonné pour suivre Jésus, Matth., xix, 29 ; Marc, x, 30 ; Luc, xviii, 30 ; ou, plus simplement, elle récompense ceux qui ont observé la loi, Luc, x, 25-28.

Ainsi, dans l’enseignement des synoptiques, la vie éternelle, récompense de l’âme juste, se situe nettement dans l’autre vie, après la mort, « dans le siècle à venir » comme dit saint Luc S’il fallait une confirmation de cette doctrine, on la trouverait dans saint Matthieu, xxv, 34, 41, 46, concluant la scène du jugement dernier par la sentence du Fils de l’homme : « Venez, les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé… Retirez-vous de moi, maudits, (allez) au feu éternel. Et ceux-ci s’en iront à l’éternel supplice et les justes à la vie éternelle. »

2. Saint Paul. —

On vient de noter l’équivalence entre « le royaume » préparé aux élus et « la vie éternelle ». Chez saint Paul, la vie éternelle se concrétise fréquemmet dans « le royaume », récompense accordée aux justes. Cette équivalence s’impose dans I Cor., vi, 9, 10 ; xv, 50 ; Gal., v, 21 ; Eph., v, 5 ; II Thess., i, 5 ; II Tim., iv, 1, 8. Les cinq premiers textes excluent les pécheurs du royaume ; les trois derniers parlent du royaume comme de la récompense qu’attend le juste. C’est, en effet, la constance et la fidélité des Thessaloniciens qui les fera juger par Dieu dignes du royaume pour lequel ils souffrent. Timothée est adjuré au nom du règne à venir après la parousie, de remplir à la perfection son ministère de prédicateur de la vérité. Enfin Paul déclare que Dieu le sauvera (en le faisant entrer) dans le royaume céleste.

Cette entrée dans la vie éternelle est la suite d’un juste jugement ; « jugement éternel », Hebr., vi, 2, éternel dans ses effets et ses conséquences. Les justes seront « toujours avec le Seigneur », I Thess., iv, 17 ; la vie éternelle qu’ils auront conquise les met à l’abri d’une seconde mort. Les méchants sont voués à la perdition éternelle ». II Thess., i, 9. Ce dernier trait est emprunté à un passage rappelant la description du jugement dernier par saint Matthieu. II Thess., i, 5-10. En voir le commentaire avec l’indication des réminiscences et allusions bibliques qu’il renferme, dans F. Prat, op. cit., p. 455-456, texte et note.

Ces indications générales sur la vie éternelle se rattachent essentiellement, dans la théologie de saint Paul, aux considérations sur la nature et les

caractères de cette vie. Cet aspect de la question a été envisagé ailleurs et on n’a pas à y revenir. Voir Gloire (des élus), t. vi, col. 1393 ; Intuitive (Vision ), t. vii, col. 2351 ; Corps glorieux, t. iii, col. 1879.

Dans les textes rapportés plus haut, saint Paul a déjà marqué le rapport étroit qui unit la fidélité à Dieu ou l’habitude du péché à la possession ou à l’exclusion du royaume. Ce rapport étroit est marqué dès ici-bas par la vie dans le Christ ou dans l’esprit du Christ ou par la mort spirituelle. Sur cette acception du vocable « mort » chez saint Paul, voir Prat, op. cit., p. 434, note 1. La vie spirituelle, principe de la vie éternelle, prend sa source dans la foi, Rom., vi, 10-11 ; Gal., iii, 11-12 ; Tit., i, 2 ; Hebr., x, 38 ; elle est une vie pour Dieu en Jésus-Christ, Rom., vi, 10-11 ; xiv, 7-8 ; II Cor., v, 15 ; Gal., ii, 19 ; I Thess, v, 10 ; plus exactement, c’est le Christ qui vit en nous, Gal., ii, 20, afin de faire régner en nous l’esprit et d’y mortifier la chair et le péché, Rom., viii.’IO, 12-13 ; Gal., ii, 19 ; v, 25 ; Hebr., xii, 9, et cela en vue de la résurrection glorieuse à l’image du Christ. Rom., vi, 8. Nous dirions en langage moderne : la vie de la grâce prépare ici-bas la vie éternelle dans l’autre monde.

Il suffira, en terminant, de rappeler que les expressions dont saint Paul se sert pour désigner ceux qui sont morts (les dormants ou les endormis, cf. I Cor., vu, 39 ; xv, 18, 20, 51 ; I Thess. iv, 13, 15, Act., xiii, 36) ne peuvent recevoir qu’une interprétation métaphorique, justifiée d’ailleurs par le rapprochement naturel qu’on a fait, dans toutes les littératures, entre la mort et le sommeil. Il ne subsiste ici rien de la doctrine juive du Se’ôl. La même métaphore se retrouve ailleurs ; cf. Matth., xxvii, 52 ; Act., vii, 60 ; II Pet., iii, 4.

3. Saint Jean. —

La préparation de la vie éternelle par la vie de la grâce est fortement marquée chez saint Jean, car, pour « Jean le théologien », la vie spirituelle de l’âme est déjà la vie éternelle de l’audelà commencée ici-bas.

Cette vie spirituelle sur la terre que l’Ancien Testament avait entrevue, cf. ps. xxxv, 10 ; Is., lv, 8 ; Prov., xv, 24, Jésus la préconise dans l’évangile johannique avec d’autant plus de force qu’il s’en présente lui-même comme la source. Joa., i, 4 ; v, 26 ; x, 10. Et cette vie, dont Jésus est pour l’homme dès ici-bas la source, se prolonge dans l’au-delà par la vie éternelle proprement dite. Relevons tout d’abord l’affirmation de cette vie éternelle dans l’au-delà : ce sens est clair dans les textes suivants où il est question d’une Çoyr) octomoç, Joa., iii, 15 ; iv, 36 ; v, 29 (ici expressément eîç àviaraoïv Çcotjç), 39, 40 ; vi, 27 ; x, 28 ; xii, 25. Mais d’autres textes montrent que cette vie éternelle est déjà commencée ici-bas : « Celui qui écoute ma parole et croit en celui qui m’a envoyé a (ë/et) la vie éternelle », v, 24 ; cf. vi, 40. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang possède (£xe l a v ie éternelle », vi, 54. C’est vraisemblablement aussi en ce sens qu’il faut entendre « la source d’eau jaillissante en vie éternelle », proposée à la Samaritaine, iv, 14, et « le pain qui donne la vie », vi, 33 ; cf. vi, 47, 63, 68.

Les deux aspects de la doctrine johannique sont, non pas contradictoires, mais complémentaires ; et, en affirmant la vie éternelle commencée dans l’âme par la foi ou par l’eucharistie, Jean ne perd pas de vue la vie éternelle consommée, conditionnée par la résurrection au dernier jour. Cf. Joa., v, 29 ; vi, 39, 40, 44, 54 ; xi, 25. Sur une prétendue opposition entre Jean et les synoptiques touchant la notion de vie éternelle, voir M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Jean, introd. p. clxiv-clxvi et les notes aux textes cités.