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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/820

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VOCATION. DEPUIS LE CONCILE DE TKKNTK


la mort ou par d’autres obstacles. En faut-il’conclure qu’ils n’y étaient pas appelés et que la recherche de la vocation est illusoire ? Non. II se peut qu’ils y fussent appelés sans y être prédestinés. En voyant dans le choix du sacerdoce ou de la vie religieuse une vocation intérieure de la grâce, on n’a pas la présomption de pénétrer dans les conseils secrets de Dieu pour y découvrir ses desseins réels sur l’âme. On juge simplement et provisoirement de sa volonté apparente sur elle : ce qui est un acte très sage de la prudence chrétienne au moment d’orienter sa vie. Rien donc en cela d’une recherche prédestinationniste.

b) Pour trouver sa vocation, il peut suffire quelquefois des inspirations intérieures de la grâce avec le contrôle du discernement" des esprits : c’est le 2e mode d’élection. Mais ces cas sont le petit nombre ; et comme ils ne sont pas faciles à contrôler directement, dans la pratique on les soumettra toujours, pour plus de sûreté, aux lumières de la raison surnaturelle, c’est-à-dire au 3e mode d’élection. Celui-ci sera le seul employé dans la généralité des cas. La recherche de la vocation dans la doctrine ignacienne n’est donc pas fondée principalement sur les attraits sentis de la grâce, mais sur la délibération chrétienne. Ces attraits certes n’y sont ni ignorés, ni méconnus : on les estime très significatifs. Mais on ne verrait que bien exceptionnellement en eux le signe décisif de l’appel divin. Loin de se décider uniquement par ces sortes de motions senties, comme le voulaient les quiétistes sous prétexte que l’activité humaine était impure et qu’il ne fallait pas devancer la grâce, on les remplace quand elles ne se font pas sentir et on les contrôle quand elles se font sentir par les conseils de la prudence chrétienne. Donc en cela point de quiétisme.

c) Si de refuser la vocation clairement reconnue est un acte extrêmement regrettable de pusillanimité et d’imprudence, la doctrine ignacienne n’y voit pourtant pas un malheur sans remède ni surtout un signe funeste de damnation assurée. Pas davantage dans le fait d’avoir brigué le sacerdoce ou de s’être engagé dans la vie religieuse sans vocation. Elle enseigne, au contraire, à réparer cette faute par le repentir, en comptant sur la grâce de Dieu pour se sanctifier par les préceptes ou pour satisfaire aux exigences d’un état auquel on n’était pas appelé. En cela, par conséquent, rien de la désespérance janséniste.

Ajoutons enfin que, selon la doctrine ignacienne, la vocation intérieure au sacerdoce ou à la vie religieuse, pour bien fondée qu’elle parût, n’a jamais constitué un droit à l’ordination ou à la profession. Ce n’est qu’un titre prudentiel à les solliciter.

2. Chez saint François de Sales († 1622). — Saint François de Sales, dans son Traité de l’amour de Dieu, n’a eu garde d’oublier la vocation intérieure : il en traite à la suite des inspirations. Ses idées sont très nettement celles de saint Thomas dans le Contra retrahentes et de saint Ignace dans les Exercices.

Le grand saint Thomas, dit-il, est d’opinion qu’il .n’est pas expédient de beaucoup consulter et longuement délibérer sur l’inclination que l’on a d’entrer en une bonne <t bien formée religion ; et il a raison : car la religion étant conseillée par Notre-Seigneur en l’Évangile, qu’est-il besoin rie beaucoup de consultations ? Il SUffîi d’en faire une bonne avec quelque peu de personnes qui soient bien

prudentes et capables de telle affaire, et qui nous puissent

aider B prendre une courte et solide résolution. Mais des que nous avons délibéré et résolu, et en ce sujet et en tout

autre qui regarde le service de Dieu, il faut être rennes

et invariables sans M laisser nullement ébranler par aucune sorte d’apparence de plus grand bien… Qu’un chacun doue..i.ml trouvé la très suinte volonté do Dieu en SB

vocation, demeure saintement et amoureusement en icelle. Op. cit., I. VIII, c. XI.

C’est par ce dernier trait que François de Sales se révèle ignacien, comme il s’est, plus haut, déclaré thomiste sur le point de la délibération. La vocation, ou appel de Dieu, n’est pas à chercher dans ses décrets éternels, opération bien présomptueuse ; mais dans les signes de sa volonté sur nous, chose beaucoup plus facile et pratiquement suffisante. Et une fois reconnue cette volonté apparente de Dieu, centrer sur elle toute notre vie. On voit l’importance que le saint docteur français, comme tous les modernes, donne à l’idée de vocation et de quelle manière il l’entend.

3. Dans la Compagnie de Saint-Sulpice.

La Compagnie de Saint-Sulpice mit particulièrement en relief, dans la vocation sacerdotale, la valeur de 1’ « attrait ». On entendait par là une inclination surnaturelle, spontanée et constante, pour les fonctions ecclésiastiques, c’est-à-dire pour la prière liturgique, les cérémonies du culte, le soin des âmes. Une telle inclination, s’ajoutant aux aptitudes et à l’intention droite, est évidemment l’un des meilleurs signes de vocation et un solide gage de persévérance. Rien de plus conforme d’ailleurs aux lois harmonieuses de la Providence, qui incline ordinairement les goûts de l’homme vers le genre de travail pour lequel il est le mieux doué. Et bien des prêtres, sans doute, attribueraient à cette secrète attirance leur préorientation vers le sanctuaire. Cependant, l’attrait n’est pas indispensable : il peut être suppléé, et il l’est souvent, avec le secours de la grâce, par une foi vive et une volonté généreuse. Mais l’école sulpicienne ne l’ignore pas : à côté des vocations d’attrait surnaturel elle a toujours admis les vocations de raison surnaturelle.

4. Chez saint Alphonse de Liguori († 1787). — Il n’attache pas moins d’importance que tous ses contemporains à l’idée de vocation. Il ne dit rien rie l’attrait ; mais il voit dans l’intention droite unie aux aptitudes un appel intime de Dieu à l’âme. Sur le devoir de suivre cet appel, une fois bien constaté, il est fort pressant. Si en soi, estime-t-il, une simple invitation laisse libre, cependant en fait, à cause des circonstances et des difficultés ultérieures, il y a rarement absence de péché véniel à la négliger, il pourra même y avoir péché mortel. Quant au fait de s’être ingéré dans le sacerdoce sans vocation, il y voit un très réel danger pour le salut éternel. T licol. mor., De ordine, a. 8(12, 803.

5. Dans les milieux plus ou moins jansénisants. La doctrine de la vocation y fut plus ou moins déformée, aux xvii* et xviif siècles, par le mysticisme inquiétant des idées ambiantes.

Sous l’influence des idées prédestinationnisles. on était porté à identifier vocation sacerdotale et prédestination au sacerdoce. On préjugeait ainsi, sur ries apparences facilement trompeuses, des décrets éternels de Dieu. Et comment expliquer alors l’échec de certaines vocations, qui avaient présenté tous les caractères d’un véritable appel de Dieu et donc d’une réelle prédestination au sacerdoce ?

On exagérait, peut-être sous l’influence incons ciente des irlécs quiétistes, le rôle de l’attrait. Parce que, disait-on, la nature était foncièrement corrompue el toutes ses Initiatives viciées, il ne fallait agir rpie sous la motion sentie de la grâce. Pour connaître la volonté de Dieu on ne devait donc pas user du

raisonnement, Initiative humaine ; on devait attendre l’attrait divin, par conséquent, il n’y avait qu’un moyen « le Juger si l’on était appelé au sacecdooa ou à

la x it-religieuse, c’était de voir si l’on s’y sentait porlé instamment et persév éramnient par les Invites