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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/831

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VŒU. PÈRES G H ECS

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Thomas dans la profession religieuse, « car celui-là prend au sens spirituel l’offrande du nazir qui prend sa croix pour suivre le Christ, et se détache des délices du siècle ». Loc. cit. Le résultat de ce vœu, c’est que « ceux qui se sont voués à Dieu sont appelés saints…, et qu’ils ne doivent avoir d’autre soin ni d’autre souci que celui de leur âme et de l’observance du culte divin ». Les dispenses prévues dans la Loi ancienne sont à entendre au sens figuré : « Celui qui fait un vœu doit être libre et soumis à personne : aussi bien est-ce le parfait qui a puissance et liberté de faire des vœux. Quant aux âmes « mineures et féminines », il leur arrive, me semble-t-il, de faire des vœux imprudents qui sont pris en charge par leurs anges 1° Ici, on retrouve l’esprit aventureux d’Origène : mais n’oublions pas que ses vœux ne sont pas des promesses en forme de contrats, mais des résolutions en forme d’offrandes ; « Dieu, en effet, veut d’abord recevoir quelque chose de nous ; alors seulement il nous donnera quelque chose, ut dona sua non immeritis largiri videatur ». Op. cit., c. 2. Il y aura évidemment, pour l’âme qui a bénéficié des grâces de Dieu, une dette de reconnaissance à acquitter envers Dieu ; mais son sùyi] est déjà un remerciement anticipé ; car il y a, dit Origène, dans un passage souvent mal compris du De oratione, c. xiv, n. 2, « deux sortes d’actions de grâces : celle qui, le bienfait reçu, en reconnaît la grandeur par une oblation de louanges, ôjj.o>.oyîa. et puis celle qui, voyant (d’avance) le bienfait qu’on va recevoir, prend cette miséricorde pour argent comptant, ipsius beneficii accepti loco sumitur, par exemple l’sù/v ; du Christ : Conftleor (ibi, Pater… quia revelasti ea parvulis. Luc, x, 21°. Le vœu, à l’émission, est comme une avance d’hoirie ; à l’acquittement, ou mieux, à la confessio, c’est le solde de paiement, l’homologation du concordat ; dans les deux cas, c’est une zùyjxç>.G~’.a.

Les Pères du IVe siècle.

Ces idées d’Origène peuvent nous paraître d’un mysticisme subtil : elles n’étonneront pas les Pères grecs des ive et ve siècles : la note d’action de grâces, ne la trouvaient-ils pas au fond de leur psychologie religieuse et au premier plan de leur spiritualité chrétienne ? Les prières publiques — celles que les Latins appelaient uota — les Grecs ne les nommaient-ils pas Ta yapiaTrjpia ? c’est-à-dire des gages anticipés ou des témoignages de la reconnaissance populaire ? Et leur liturgie n’était-elle pas caractérisée par ses mangifiques « anaphores eucharistiques » ? Au degré au-dessous s’étalaient les vœux privés : ils constituaient chacun un geste unique de gratitude continue, depuis le moment de la promesse spontanée jusqu’à sa « confirmation » finale.

1. Grégoire de Nysse.

Pour le sens du mot eù-/y], on peut s’en remettre à saint Grégoire de Nysse, en un passage où il s’attache justement à montrer que, dans l’Écriture, « le sens précis des mots nous enseigne la manière de monter à Dieu ». De oratione dominica, or. ii, c. 2, P. G., t. xliv, col. 1137. Le mot en question, z’y/j), signifie bien, pour lui, « la promesse de quelque chose qui est dédié à titre de piété et consacré à une destination sainte », tandis que la prière, -Kpodz^yj], c’est la demande à Dieu de quelque bien. L’auteur a évidemment sous les yeux le De oratione d’Origène, car il insiste : « Mais, parce que nous avons besoin d’être en confiance quand nous approchons de Dieu pour le supplier dans notre intérêt, la démarche du vœu vient avant la prière : une fois accompli ce bon office du vœu, alors avec assurance nous pouvons demander à Dieu un bienfait. » Et Grégoire renvoie aux deux psaumes lxv, 13 et lxxv, 12, ceux-là mêmes qui suggéreront à Augustin les réflexions que nous verrons plus loin. « Mais, continue-t-il, ils sont innombrables les passages de l’Écriture où le mot vœu a bien ce sens : on y voit que le vœu est Sûpou /apia-r/ ; pioç hKCtyyzHa. ». Loc. cit., col. 1138 Si l’on avait /apiar^p’.'Pj. on pourrait traduire avec les éditeurs bénédictins : doni pro graiiarum actione proferendi farta promissio ; mais, avec le nominatif, c’est la promesse ou plutôt l’offrande qui est gracieuse, disons donc : le vœu est, pour Grégoire de Nysse, l’annonce reconnaissante d’un don immédiatement offert, la mise à la disposition de Dieu d’une offrande religieuse, un sacrifice dans le langage des auteurs spirituels. Nous voyons, en effet, que le don accompagne cette olïrande, qui est donc plus et moins qu’une promesse : « Après l’accomplissement de cette déclaration, l’accès vers Dieu se fait par la prière ; il faut semer avant de récolter le fruit : demême, il faut jeter les semences du vœu et les abandonner [à Dieu] pour recevoir en récompense les fruits mûrs de la prière. Le colloque avec Dieu ne se fait qu’après le vœu et le don, nisi per prsecedens votum et donum. » Loc. cit., col. 1 138.

2. Les autres docteurs.

Si l’on compare cette définition peu banale du vœu avec celle de saint Jean Chrysostome : « Les vœux sont des offres et des propositions », In ps. c. r, n. 4, P. G., t. lv, col. 325, ou avec celle de saint Cyrille d’Alexandrie, qui parle d’ « apport de présent, » âtopocpopîa, P. G., t. lxviii, col. 221, on dira que toutes les écoles grecques s’accordent à dire que le vœu est un cadeau fait à Dieu. C’est si vrai que ce cadeau engage, non certes la justice, mais la bienveillance de Dieu, « qui nous rend grâces, et quand il nous doit », à l’émission du vœu, « et quand il s’acquitte i de sa dette de reconnaissance, en récompensant le vœu. S. J. Chrysostome. In Rom., c. iii, hom. vu. La Bible connaissait aussi ces « dons volontaires », vocale voluntarias oblaliones, Am., iv, 5 (Vulgate) ; mais, pour une fois, les Juifs des Septante avaient durci l’expression : èTCexaXsaav-ro ôpLoXciytaç, qui marquait un aveu de dette, une convention ; saint Cyrille d’Alexandrie la ramène au sens original : « Invoquer veut dire souhaiter, annoncer ; quant à ôpioXoyia, ce sont les dons laissés par la Loi au bon plaisir de chacun, quæ quis sponle sua offert Deo. » In Amos proph., iv, 5, P. G., t. lxxi, col. 480.

3. Réactions diverses.

On doit se hâter d’ajouter que, malgré les défauts de leur version, les Pères grecs sentaient bien, en lisant la Bible, qu’ils se heurtaient à une notion du vœu plus ferme, parfois intransigeante ; et ce n’est pas sans un certain mérite qu’ils y ont accepté l’idée du vœu-promesse. « Le peuple juif, dans les calamités, se réfugiait en Dieu avec confiance, et se constituait son débiteur, en promettant, s’il en réchappait, de lui offrir des sacrifices. » J. Chrysostome, loc. cit. Mais il est à croire qu’ils n’en seraient jamais venus à une conception bien rigide du vœu s’ils n’avaient côtoyé la législation monastique évoluée, celle de saint Basile, où des vœux spontanés se doublaient d’une donation à Dieu et d’une promesse aux hommes. On remarquera, en efïet, non sans surprise, que pour saint Basile, ce qui oblige le moine, ce n’est pas proprement le vœu, eù/i), mot qu’il n’emploie jamais, mais « la renonciation au siècle », Ascetica, P. G., t. xxxi, col. 630, la « décision ferme », « yvc5(i.Y) (3s6atoç », et surtout la « convention bipartite, le pacte, Sia6r)XT ; », qu’il a fait avec les supérieurs. S. Basile, Grandes règles, c. 14 et 15, P. G., ibid. col. 949, 952. Et puis, « cette foi des pactes [humains], il l’a déposée devant Dieu et en Dieu, si bien qu’il pèche contre Dieu en s’y montrant infidèle », loc. cit., col. 949, « il s’est consacré à Dieu… puisque le don volontaire a été consacré par Lui… ». col. 952, ce qui nous ramène à l’idée biblique et catholique du vœu, mais par le détour de la « profession de virginité »,