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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/834

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VŒU. ÉTUDE THEOLOGIQUE

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par serment, loc. cit., ad 2um. L’inconvénient défaire du vœu une pure convention avec Dieu, c’est de ne l’aire apparaître que les dangers du pacte : vœu imprudent, vœu oublié, vœu profané, voilà tout ce que Rupert de Deutz voit dans Eccl., v, 3-4, P. L., t. clxviii, col. 1243-1244.

Les derniers écrivains latins du xie et du xiie siècle portent tout leur soin à régler la pratique du vœu et sa « dispensation » par l’Église, ce qui les amène à préciser les conséquences sociales du vœu ; ils se font l’écho de l’horreur générale pour ces vœux privés, d’aloi fort divers, extorqués parfois, qu’ils voyaient si effrontément violés par les grands de la terre ; ils s’inspirent de l’usage des institutions monastiques de l’époque qui faisaient rédiger les vœux des religieux et les conservaient comme les autres actes juridiques. Les développements ne vont pas toujours à la question. Saint Bernard fait exception, mettant en un égal relief « la bienheureuse émulation de sainteté et la fidèle promesse de sincérité qui conduisent les âmes » à faire des vœux. Sermo de verbis evang. : Ecce nos… Saint Anselme, plus près de ses sources, donne à ses conseils l’allure de proverbes : Qui bene vovet, ipso voto Deo placet… Qui pulai melius sibi esse non subire monachicæ vitse pondus imporlubile, consideret per totum mundum quanta hilarilate omni œtati sit pondus illud cantabile… »

Avec les sommistes, et déjà les premiers scolastiques, c’est la psychologie du vœu qui vient en question et sa valeur canonique, parce que le vœu de chasteté perpétuelle était regardé depuis de longs siècles comme un empêchement au mariage. Qu’y a-t-il donc dans le vœu, se demande Hugues de Saint-Victor († 1142) ? Il y a, tout comme dans la promesse des époux, une enquête, cogitalio, un bon plaisir, voluntas, ensuite vient le propos ou dcliberatio, mais qui reste confiné dans l’âme pour son comportement personnel, l’âme ne s’étant tenue encore qu’envers soimême. Mais que survienne la promesse, le sponsor se trouve désormais engagé envers un autre… Enfin survient le vœu, qui paraît bien renfermer quelque chose de plus que la promesse, car c’est une attestation : celui qui promet s’engage librement, spondet, à faire quelque chose ; mais celui qui fait vœu atteste et affirme la promesse elle-même. Il y a tout cela dans le vœu : en tant que promesse, on est tenu ; en tant qu’attestation, on est obligé. De sacramentis, t. II, p.xii, P. L., t. clxxvi, col. 520-521. On dira qu’une dialectique si laborieuse n’était pas bien nécessaire pour aboutir à un si mince résultat. Il faut toutefois songer que la question du vœu, Hugues se la posait à propos du mariage, auquel le vœu de chasteté est un empêchement dirimant. Voilà pourquoi il range le vœu, tout comme la promesse des époux, parmi les procédés habituels de l’âme pour régler sa conduite à venir ; et, d’un autre côté, puisque le vœu précédent annule le mariage, c’est donc qu’il y a dans le vœu quelque chose de plus que dans la promesse solennelle du sponsbr : il y a eu dans le vœu une attestation de la promesse faite à un autre, et cet autre, c’est Dieu même. Ainsi la définition du vœu par genre, espèce et différence spécifique, est la suivante : Volum est testiflcatio qiuedam promissionts tponlanea quæ ad solum Deum et ad ea quw Dei sunt mugis proprie refertur. Loc. cit.. col, 521. Posant, lui : nissi, la question du vœu en fonction du mariage, i’Lombard ( 1160) emprunte la définition de Victorin, et il entend la tt-stifiratio de l’affirmation publique devant témoins ; mais il est plus strict sur le destinataire : non seulement la promesse se rapporte plus précisément à Dieu, mais i elle doit être faite à Dieu et porter sur les choses divines »..S> ; iL. t. IV, dist, III. Saint Bonaventure reprendra la définition et les explications du Lombard, In Sent., h. loc., a. 1, édit. Vives, t. vi, p. 377. Tous ces premiers scolastiques sont encore trop assujettis aux traditions des juristes et aux documents canoniques.

D’autres sommistes, luttant contre cette intrusion du droit et de la justice légale en matière de morale et de perfection, insistaient sur l’aspect intérieur du vœu et, revenant aux conceptions conjuguées des Pères grecs et latins, le définissaient « la conception d’un bon propos, confirmée par une délibération de l’âme, par laquelle on s’engage envers Dieu à faire ou ne pas faire quelque chose ». Saint Bonaventure adopte cette définition, édit. Vives, t. vi, p. 379. Saint Thomas étudie le vœu en théologien, c’est-à-dire dans ses rapports avec Dieu, comme un acte de la vertu de religion : c’est le point de vue de saint Augustin et de saint Grégoire, qui était d’ailleurs l’idée traditionnelle sine addito. De la conception juridique, il ne retient que ceci : bien qu’il soit substantiellement acte intérieur de religion, le vœu porte sur une matière extérieure qu’il ordonne à Dieu. Il se rattache immédiatement à l’offrande, comme l’avaient vu les Grecs ; il en a la valeur religieuse, étant en somme un mode d’offrir un don anticipé par manière de promesse. Aussi le Docteur angélique maintient le vœu parmi « ces actes de religion qui offrent à Dieu des choses sensibles », Ha-II*, q. lxxxv, prol., dans le cas, une part choisie de l’activité de l’homme et de ses biens. Il rejoignait ainsi la conception antique qui faisait du vœu une synthèse de toute la religion intérieure et extérieure. Ceux qui se montrent surpris de la place qu’il donne au vœu parmi les dîmes, les oblations et les sacrifices, cesseront de s’étonner quand ils verront qu’il donne comme matière du vœu toute notre action humaine : le vœu peut faire de l’homme entier un holocauste au Seigneur.


II. ÉTUDE THÉOLOGIQUE.

Saint Thomas d’Aquin avait étudié le vœu à propos des empêchements au mariage d’après le plan de Pierre Lombard, IV Sent., dist. XXXVIII, ce qui l’avait obligé à bien des omissions et digressions ; dans la Somme, au contraire, II 1 - II », q. lxxxviii, son plan personnel est un modèle de claire exposition : c’est l’ordre que nous suivrons ici en définissant : I. la nature du vœu, art. 1 ; IL sa matière, art. 2 ; III. son obligation, art. 3 ; IV. son utilité et sa valeur religieuse dans son émission et son accomplissement, art. 4, 5 et 0 ; enfin V. la dispense du vœu ou plutôt, d’une façon plus générale, sa dispensation par l’autorité sociale, art. 12, 8, 9. 10 et 7 où l’auteur étudie le vœu solennel.

I. Nature du vœu. — « Par le vœu, on promet quelque chose à Dieu », loc. cit.

Le vœu comporte une promesse.

Le fait est que l’Ecriture donne ces deux mots comme synonymes : « Si tu as voué quelque chose à Dieu, ne tarde pas à le rendre ; car il n’aime pas, disait l’Ecclésiaste, v, 3, la promesse infidèle et insensée. » De toutes façons. « vouer c’est promettre… I.e vœu, en effet, implique une certaine obligation de faire ou de renoncer à quelque chose. On s’oblige d’homme à homme par mode de promesse ; et la promesse est un acte de raison, faculté de l’ordre : comme par voie de commandement ou de prière nous ordonnons de quelque manière que quelque chose soit fait pour nous, de même c’est par la promesse que nous onlon nous ce que nous mêmes devons faire pour autrui r.

Une promesse à Dieu.

La promesse, comme le commandement et la prière, est un acte de raison pratique : non seulement elle comporte un certain plan d’action qu’elle intime à l’exécutant, mais elle l’annonce au destinataire ; le mot grec è-xyyc/j’./ le (lisait bien : il n’y B pas de promesse faite tant que nous n’avons pas énoncé à autrui ce que nous nous