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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/838

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V Œ U. - É T l D E T H É L G I Q U E

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ont tour à tour usé de l’expression n’avaient pas lu assez attentivement saint Augustin ou n’avaient pas pour lui le même respect : il est arrivé que les auteurs ascétiques du Moyen Age, avant et après saint Thomas, ont vu dans la maxime augustinienne l’affirmation qu’il n’y avait de vœu possible qu’en matière de subrogation et que les vœux tenant à des devoirs communs à tous les chrétiens n’étaient point de véritables vœux. C’est contre quoi s’insurgèrent d’excellents théologiens : il y a d’autres vœux que ceux des religieux, il y a d’authentiques vœux portant sur les préceptes de Dieu et de l’Église ! Et ces vœux-là sont encore, disaient-ils, de meliori bono ; ils disaient cela pour conserver au bénéfice de leur doctrine qui était juste l’autorité de saint Augustin. Et c’est là que peut-être ils voulurent pousser trop loin leurs avantages…

b. L’exégèse moderne. —

Déjà du temps de Soto et de Suarez, et maintenant encore, quand les moralistes veulent définir d’un mot l’objet général du vœu, sa matière suffisante et adéquate, ils enseignent que c’est une promesse faite à Dieu de bono meliori. Ne feraient-ils pas mieux de renoncer au bénéfice d’une formule qui ne prétendait en signaler que la matière la plus excellente, l’objet le mieux approprié ? Ils pensent peut-être qu’ils sont en accord avec saint Augustin, ce qui n’est pas soutenable. Et plusieurs d’entre eux, fidèles à la doctrine de saint Thomas, voudraient que celui-ci ait pris l’adage augustinien dans le même sens qu’eux : on va voir qu’il n’en est rien : il suffira de considérer les termes de comparaison multiples qu’ils apportent pour faire ainsi du « meilleur bien » l’objet commun à tous les vœux, au plus ordinaire comme au plus parfait.

Quand on parle, en effet, d’un bien qui est meilleur, on le compare évidemment à un autre qui est moindre ; car il n’a jamais été question d’assigner au vœu un bien qui fût meilleur en soi que tout autre bien possible. Dira-t-on qu’on peut se contenter d’un bien meilleur que tel ou tel autre bien particulier ? Mais ceci ne veut rien dire, puisqu’il serait toujours possible de trouver à n’importe quel projet de vœu un autre objet bon qui lui soit inférieur. Ajoutons que, pour bien des auteurs, cet objet réputé inférieur, un acte de la vie commune par exemple, serait lui-même susceptible d’être voué, en considération de la fin ou des circonstances qu’on lui assignera : je puis faire vœu de ne pas me fâcher au jeu, comme dit Suarez, ou d’assister sans passion à un combat de taureaux ! En rigueur de doctrine, bien certainement : en somme, enseignent nos théologiens, l’objet du vœu peut être un bien quelconque, qui n’est pas meilleur que n’importe quel autre. — Pourquoi donc, leur dira-t-on, s’obstiner à parler de bonum mclius ? — C’est que nous ne faisons que généraliser la maxime de saint Augustin : il avait dit qu’on peut faire vœu de garder la virginité et non de se marier parce que la virginité est meilleure que le mariage : nous disons plus généralement qu’on peut vouer tout bien meilleur que son contraire ; voilà un principe qui semble absolument universel ; ainsi l’on peut promettre de donner une aumône, car il est meilleur de faire l’aumône que de ne pas la faire, etc. Mais ledit principe était encore insuffisant, car il est meilleur d’étudier que de ne pas le faire, cependant l’étude ne peut être vouée aux dépens de l’oraison, <>n a donc ajouté : H faut vouer une œuvre meilleure que son omission et qui ne soit p ; is un oi>st iule à un plus grand bien. Lessius, I. II, c. xi.. Suarez explique longuement qu’il s’agit d’un obstacle permanent, el non d’un obstacle purement actuel à un plus grand bien : par exemple on peut promettre de se vouer à une étude, bien qu’elle doive empêcher pour un moment l’oral son. En somme, « il est bien vrai que tout vœu a pour objet le bien avec, le souci du mieux, sub ratione melioris, c’est-à-dire à condition qu’il n’y ait pas mieux à faire. » Suarez, De religione, 1. II. c. viii, n. 6, Opéra omnia, t. xiv, p. 864.

Tout cela est exact, mais apparaît trop compliqué pour être l’explication légitime du bonum melius traditionnel. Revenons donc à l’explication de saint Thomas, en faisant remarquer, si l’on y tient, que les œuvres de subrogation meilleures que les œuvres de précepte, parce que plus volontaires, ne sont pas uniquement des œuvres de la vie religieuse, mais aussi une foule de pratiques de la vie commune, comme le jeûne, l’aumône, la prière, etc… Suarez, op. cit., p. 864.

Ajoutons encore, pour suivre les moralistes dans leurs dernières précisions, que l’œuvre promise n’a pas besoin d’être meilleure que son contraire objectivement, mais qu’il suffit qu’elle le soit en fonction de la personne qui fait le vœu Objectivement parlant, le contraire d’un conseil évangélique ne peut être voué, puisque ce serait s’obliger envers Dieu à faire le contraire de ce qu’il désire : il y a là une irrévérence et un blasphème qui ne peuvent être excusés de péché grave que par l’ignorance de celui qui croit ainsi rendre hommage à Dieu. Cajétan, In Summ., q. lxxxviii, a. 2. Cependant, il peut être parfois permis à certaines personnes d’en faire le vœu, par exemple, il peut être meilleur de se marier que de rester dans le célibat, non seulement parce que melius est nubere quam uri, mais aussi pour faire cesser un concubinage ou légitimer un enfant. Cf. S. Alphonse Theol. mor., t. III, n. 209. De graves auteurs pensent pourtant qu’un tel vœu est invalide, Soto, Jean de Saint-Thomas, etc. Il sera, en tous cas, plus simple de dire à de tels gens : Mariez-vous, mais n’en faites pas le vœu. Saint Alphonse ajoute que « le vœu absolu de ne pas faire de vœux est invalide, parce que melius est vovere quam non vovere ; cependant, le vœu est valide pour telle personne de n’en pas faire sans la permission de son confesseur ; au cas où elle en ferait un nouveau, ce vœu imprudent serait cependant valide… Loc. cit., n. 210. En un mot, le vœu ne doit pas empêcher le plus grand bien d’une âme.

c. Conciliation des deux exégèses. —

Bien que le désaccord ne soit avoué ni par Cajétan, ni par Lessius, ni par Suarez, il est incontestable qu’il existe et qu’il est irréductible sur le terrain objectif : « Le meilleur bien, à notre époque, c’est, en somme, n’importe quel bien meilleur en soi que son contraire, tandis que pour les contemporains de saint Thomas, c’était seulement ce qui est de conseil. » C. Kirchberg, De voti natura, obligatione et honestale, Munster, 1895, qui renvoie à un article de Stephinsky dans Der Katholik, 1876, p. 561. Mais il-y a pourtant un terrain de conciliation tout Indiqué par les concessions dernières des moralistes et, d’autre part, par les préoccupations pastorales de saint Augustin. Celuici, quand il comparait étal à état, voulait avant tout détourner telle catégorie de fidèles d’un changement qui fut une déchéance pour eux ; et, de même, les casuistes n’ont de condamnations définitives que pour les partis qui empêchent le plus grand bien de telle âme. Mettons nous donc résolument sur ce plan subjectif, et disons : Ou bien, par le Vœu, on passera du mal OU de l’indifférence au bien ; et alors l’objet voué pourra être un bien quelconque, lequel mani lestement scia meilleur que l’étal précédent », qui était mauvais : de la tant de religieuses promesses qui ont précisément pour but de retirer les âmes de dangereuses habitudes. Ou bien, par le V09U, on passera du bien à un autre bien, lequel devra alors