Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/867

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
3263
3264
VŒUX DE RELIGION. OBJET


l’Écriture : « Faire sa volonté, c’est le fait du roi ; faire par obéissance ce qui vous déplaît, c’est le lot du moine. » S. Anselme, loc. cit., col. 81, 171. « Le Christ a porté la croix de l’obéissance », Hildebert, Sermo cxxii, P. L., t. clxxi, col. 897 ; « la charité est la racine des vertus, l’humilité en est la conservatrice et l’obéissance l’excitatrice », Sermo cxxii, col. 901. « Il faut obéir au supérieur comme à Dieu même, et ne pas se contenter de cette soumission imparfaite telle qu’elle est contenue dans les limites de notre vœu. » S. Bernard, De præcepto et observ., c. vi, n. 12 ; c. ix, n. 19, 21, P. L., t. clxxxii, col. 868871. C’est au supérieur à veiller à ne pas dépasser ces limites, col. 867. C’est que saint Bernard fait entrer l’obéissance religieuse dans sa systématique de la charité parfaite : l’obéissance libère la volonté en lui rendant sa spontanéité primitive ; car « la nature a fait tous les hommes égaux ». In Cantic. cantic., serm. xxiii, n. 6, P. L., t. clxxxviii, col. 887. Cf. É. Gilson, op. cit., p. 73 sq. Pour saint Anselme, l’obéissance est aussi une valeur spirituelle, parce que la volonté propre est source de tout mal. Hom. in Evang., t. II, hom. xxxii, n. 1.

2. Raisons théologiques.

Saint Bonaventure, De perfect. evang., t. III, après avoir traité de l’obéissance en droit naturel et dans la religion chrétienne, « où tous les fidèles obéissent à un seul », met l’obéissance des religieux en dépendance de la « perfection évangélique » : les douze raisons qu’il en apporte et les treize objections qu’il résout montrent bien combien la question de l’obéissance était agitée au xiir 3 siècle ; mais elles vont pour la plupart à préconiser la vie régulière en général, arg. 8, 10, 11, 12, voire la direction spirituelle, le bon ordre des communautés. Op. cit., c. m. Cependant l’accumulation des arguments tirés des exigences de la vie intérieure laisse le lecteur hésitant sur les intentions secrètes du Docteur séraphique, car, « encore moins que la pauvreté volontaire et la continence, la pratique du conseil d’obéissance religieuse ne paraît pas être une condition nécessaire, un moyen indispensable de perfection ». Cf. ici Perfection chrétienne, t.xii, col. 1249.

Aussi saint Thomas se place-t-il résolument sur le terrain ferme de l’institution religieuse, telle que sept siècles de pratique l’avaient forgée, et il le définit avec une rigidité dans les termes qu’il n’avait pas crue nécessaire pour les autres vœux, a. 3 et 4. Ici, I a -II æ, q. clxxxvi, a. 5, il précise que « c’est une discipline déterminée, et puis un exercice tendant à la perfection ». Les deux expressions : disciplina vel exercitium ne sont pas synonymes : la discipline instruit progressivement, l’exercice dirige par une pratique continuelle cette tendance active. Mais c’est bien ainsi que l’Église entend désormais la vie religieuse : ce mot de moine, qui suggérait au Pseudo-Denys de si belles élévations sur la vie contemplative « face à l’aimable perfection de Dieu », De hier, eccles., c. vi, ce mot de moine s’était chargé, depuis saint Benoît jusqu’au concile de Latran de 1215, de tout ce qui fait un religieux : « Qui dit vie monastique dit vie de sujétion et d’apprentissage. » Grat., caus. VII, q. I, cap. Hoc nequaquam. « Elle comporte un chef et un maître, un maître qui instruit, un chef qui commande l’ouvrage. »

a) Nature de l’engagement.

Comme toute discipline pratique, elle comporte une théorie et des exercices : « Ceux qui s’instruisent et s’exercent pour parvenir à une fin doivent suivre la direction de quelqu’un, qui leur donne, comme il l’entend, l’instruction et l’exercice du métier, de l’école ; ainsi faut-il que les religieux, dans les choses qui concernent la vie religieuse, soient soumis à l’instruction de quelqu’un et à son commandement ; c’est cela l’obéissance. » A. 5. Bien de plus net ; plus d’échappatoires. Les législateurs grecs avaient parlé d’obéissance à propos de l’instruction des jeunes moines ; ici on en parle aussi à propos de l’emploi pratique et journalier des instruments de perfection. Ils avaient parlé d’obéissance à un maître de son choix ; on déclare tout net qu’il faut obéir à un supérieur, qui a ses idées sur le chemin à suivre ; c’est celui d’une vie religieuse secundum regulam, mais aussi secundum superioris arbitrium.

b) Modalités de l’engagement.

a. Sa matière propre. — Ce ne sont pas les commandements de Dieu, qui sont intimés à tous par les chefs spirituels et temporels, mais bien « les choses qui regardent l’exercice de la perfection : c’est donc une obéissance universelle », ad l um, que celle du religieux qui ajoute aux consignes essentielles des obédiences de surcroît.

b. Ses sujets. — Ce sont tous les religieux : « les commençants, pour qu’ils parviennent à la perfection ; les parfaits, qui seront les plus empressés à obéir pour se maintenir par là dans les œuvres de la perfection ». Ad 2um.

c. Les exemptions. — Elles ne sont qu’apparentes : déjà Denys avait soumis ses moines isolés aux évêques, au moins pour des directives générales, loc. cit. ; saint Thomas leur subordonne aussi les ermites du Moyen Age, et au pape les prélats réguliers exempts. Ad 3um. Cf. can. 627 pour les religieux nommés évêques ou cardinaux.

d. Les limites. — Celles-là sont réelles : « Le vœu d’obéissance a bien une certaine universalité, s’étendant à la conduite de toute la vie d’un homme ; mais il ne s’étend pas à tous les actes particuliers de cet homme : d’abord pas à ceux qui ne regardent pas l’ordre religieux, à savoir le service de Dieu et du prochain, par exemple à des actes indifférents qui ne tombent ni sous le vœu, ni sous (la vertu) d’obéissance ; il ne s’étend même pas à certains actes contraires à la religion ; le cas n’est pas le même que pour le vœu de continence qui exclut tous les actes (d’incontinence ) contraires à la perfection religieuse. » Ad 4um.

Il y aurait beaucoup à dire pour traduire en règles morales et juridiques les principes théologiques donnés ici. Bappelons seulement que la vertu d’obéissance s’étend beaucoup plus loin que le vœu ; et que le vœu, si on le considère comme une charge, doit être allégé en comptant sur les bons offices de la vertu d’obéissance, ce vœu oblation des anciens Pères. Celleci a, dans son ressort, tout ce qui contribue à la bonne marche de la communauté, conformément à sa règle et à ses constitutions, tandis que le vœu lui-même ne s’applique rigoureusement qu’aux ordres qui concernent l’observation essentielle des constitutions et qui sont exprimés par précepte formel ou de façon équivalente, ordres qui ne seront donnés que rarement et en matière grave. Normx, n. 135-136. Bien des « choses contraires à la religion », comme une infraction individuelle aux constitutions, seront donc laissées volontairement par les supérieurs en dehors des ordres qu’ils donnent « au nom de la sainte obéissance », d’autant que, dans plusieurs ordres religieux proprement dits et dans la généralité des congrégations religieuses, les commandements ordinaires des supérieurs, même faits sous une forme qui semblerait imposer une obligation, n’obligent point par eux-mêmes, sous peine de péché même véniel : leur violation qui va d’ordinaire contre l’esprit d’obéissance, l’humilité, le détachement, le bon ordre, le bon exemple, ne va pas contre le vœu, à moins qu’il n’y ait en même temps mépris formel de l’autorité. Normal,