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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/896

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3321 VOLONTÉ. DE DIEU, EXISTENCE ET NATURE 3322

de l’expérience psychologique que dans celui de l’expérience religieuse.

Le pragmatisme a été étendu au domaine de l’expérience scientifique avec le « conventionnalisme » de H. Poincaré, et le nominalisme scientifique très radical d’É. Le Roy. Nous n’avons pas d’ailleurs à nous étendre sur ces conceptions philosophiques. Les conclusions qu’É. Le Roy a tirées de son pragmatisme relativement à la conception religieuse du dogme ont été étudiées ailleurs, voir Dogme, t. iv, col. 1584. Voir aussi Dict. apol. de la foi cath., art. Dogme, t. i, col. 1129, 1132-1143.

2. Discussion.

La thèse volontariste peut être examinée au triple point de vue philosophique, psychologique, théologique.

a) Philosophiquement, elle appelle de graves réserves : « Le plus grand dérèglement de l’esprit, a dit Bossuet, c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet. » Connais, de Dieu…, c. i, § 16. Sans doute, il faut « vouloir la vérité », mais vouloir la vérité n’est pas vouloir qu’elle soit telle ou telle, selon notre préférence, c’est, au contraire, être disposé à l’accepter quelle qu’elle soit. C’est là un devoir de loyauté et de droiture d’esprit qui s’impose. Voir Vérité.

b) Psychologiquement, la thèse volontariste renferme une grande part de vérité. Cet aspect psychologique a été étudié dans sa complexité à l’art. Croyance, t. iii, col. 2364 sq., spécialement col. 2377. Sur la théorie de « L’Action », de M. Blondel, voir Expérience religieuse, t. v, col. 1841 sq. Dans l’art. Croyance, on notera tout particulièrement l’influence de la volonté sur l’habitude et par l’attention : i La volonté, a écrit Pascal, est un des principaux organes de la créance, non qu’elle forme la créance, mais parce que les choses sont vraies ou fausses de la façon dont on les regarde. » Fragm. 39. L’attention volontaire peut se faire complaisante aux arguments favorables aux idées qu’on veut imposer, comme elle peut se détourner des objections susceptibles de les combattre. On peut ici parler de « certitudes libres », en raison de la facilité avec laquelle notre liberté nous détourne de leur considération. Le cas peut se présenter sous différents aspects, voir Croyance, col. 2378-2388.

c) Théologiquement, la thèse volontariste a des répercussions considérables dans le domaine de la foi et de la morale. C’est donc d’une façon indirecte, en raison de ces répercussions, que le volontarisme psychologique a été l’objet de discussions dans ce Dictionnaire.

Sur le fidéisme, on se reportera aux articles Foi, t. vi, col. 171 sq. ; Bautain, t. ii, col. 482 ; Bonnetty, ibid., col. 1024. Le pragmatisme, qui est à la base de l’expérience religieuse comme source de la vérité, a été discuté à Expérience religieuse, t. v, col. 1828 sq. Sur le sentimentalisme issu du moralisme kantien (Kant, Schleiermachcr, etc.), voir Dogme, t. iv, col. 1582 et surtout Expérience religieuse, t. v, col. 1797 ; sur le symbolo-fidéisme des modernistes, ibid., col. 1801 sq. Mais, par contre, on a montré tout l’appoint qu’en matière de connaissance dogmatique le pragmatisme pouvait apporter, quand on ne le considère plus comme un facteur exclusif, mais simplemenl comme un facteur subordonné de la connaissance, Ibid., col. 1837 sq.

Le volontarisme psychologique (influence de la volonté sur la croyance) ; i « les répercussions en morale en ce qui concerne l’ignorance, l’erreur, le préjugé. L’ignorance vincible et, à plus forte raison, l’ignorance affectée proviennent souvent de la volonté. On se reportera à IoNORANCB, t. vii, col. 735 sq. ; Péché, t.xii, col. 194.

Aucune étude particulière n’existe, à notre connaissance, sur le volontarisme considéré en Dieu, en dehors des commentaires des théologiens sur la Somme théoloyique, I » -II">, q. xciv, a. 5 : Utrum lex naturalis possit pati mutationem aui dispensalionem ? On se référera surtout à Billuart, Tract, de leyibus, diss. II, a. 4.

Sur les conséquences du volontarisme moral ou psychologique les articles auxquels on a renvoyé donnent la bibliographie nécessaire. Au point de vue plus directement apologétique, on consultera avec profit les articles correspondants du Dict. apol. de la loi catholique : Agnosticisme, t. i, col. 28, mais surtout à partir de la col. 66 ; Dogme, t. i, col. 1127-1143 ; Loi divine, t. ii, col. 1917 sq. ; Modernisme, § iv, Foi et dogme, t. iii, col. 618 sq. ; Expérience religieuse, t. i, col. 1846 sq. Le volontarisme métaphysique d’Herbart et de Schopenhauer, dont on n’avait pas à s.’occuper ici, a été étudié à Dieu, t. iv, col. 127(1.

A. Michel.


VOLONTÉ. —
Cet article correspond à l’art. Science et, par conséquent, comme la science, la volonté sera étudiée sous un triple aspect théologique :
1° Volonté de Dieu ;
2° Volonté des anges et des âmes séparées ;
3° Volonté en Jésus-Christ. Un bref appendice donnera surtout des références aux articles où la volonté humaine a été étudiée en elle-même et dans ses rapports avec la volonté divine.

I. VOLONTÉ DE DIEU.
I. Existence et nature.
II.Objet (col. 3327).
III. Corollaire : l’optimisme (col. 3336).
IV. Divisions (col. 3347).
V. Attributs (col. 3349).
VI. Appendice : La volonté salvitique universelle (col. 3356).

I. Existence et nature.

Existence.

L’existence d’une volonté en Dieu ne peut être conçue dans l’hypothèse moniste d’une force spirituelle ou matérielle, d’où, par une nécessité aveugle, émanerait le monde visible. Voir Dieu, Monisme et idéalisme, t. iv, col. 1265 sq. ; Matérialisme, Matérialisme et monisme, t. x, col. 315 sq.

Sans être expressément définie, l’existence d’une volonté en Dieu est une vérité catholique nettement exprimée dans la déclaration du concile du Vatican : « La Sainte Église catholique, apostolique et romaine, croit et confesse qu’il y a un seul Dieu, vrai et vivant. Créateur et Seigneur du ciel et de la terre, infini dans son intelligence et sa volonté. » De fide cath., c i, Denz.-Bannw., n. 1782.

Cette doctrine est proposée par l’Écriture, confirmée par la tradition, logiquement affirmée par la raison.

1. Écriture.

a) Ancien Testament.

L’Ancien Testament montre que Dieu a voulu créer le monde, Gen., i, 3, 6, 9, 11, etc., et spécialement l’homme, i, 26. La volonté de Dieu se manifeste aussi dans la législation imposée aux Hébreux, Ex., xx, 2-17 ; 23-26. Parfois il est fait appel à la volonté miséricordieuse de Dieu, par exemple quand Abraham intercède en faveur de Sodome, Gen., xviii, 23-33 ; Dieu, d’ailleurs, ne veut pas la perte du pécheur, mais qu’il vive, Ez., xviii, 23 ; xxxiii, 11, L’Écriture atteste encore la volonté du Dieu annonçant et préparant l’ordre providentiel qui doit aboutir à la rédemption des hommes. Gen., xxviii, 13-15. C’est rempli de ces pensées que le psalmiste proclame la puissance et la munificence de la volonté divine dans sis œuvres. Ps., cxxxiv, 23 ; cf. ps. ex, 2 ; en, 7. Enfin on ne sau rait passer sous silence la belle prière de Mardochée : « Seigneur, Roi tout-puissant, toutes choses sont soumises à votre pouvoir et il n’est personne qui puisse faire obstacle à votre volonté, si vous aves résolu le salut d’Israël, » Esther, xiii. 9.

b) Nouveau Testament.

La volonté divine est affirmée soit dans l’unité de la nature, soit dans chacune des trois personnes.

Dans le Pater, le Christ nous apprend à dire A Dieu :