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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/911

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    1. VOLONTE##


VOLONTE. DE DIEU, ATTRIBUTS

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b. — Tradition. — La croyance chrétienne apparaît dans la controverse antignostique. Les Pères démontrent qu’il n’y a pas dualisme ni opposition entre le Dieu de l’Ancien Testament et le Dieu du Nouveau ; c’est le même Dieu également juste. Cf. S. Irénée, Adv. hær., t. III, c. xxv, n. 2-3 ; t. IV, c. xl, n. 1-2, P. G., t. vii, col. 968-969, 1112-1113 ; Clément d’Alexandrie, Strom., t. IV, c. xxiv, P. G., t. viii, col. 1361-1364 ; Origène, De principiis, t. II, c. v, n. 1 sq. ; c. x, P. G., t. xi, col. 203 sq., 233 sq. ; Tertullien, Adv. Marcionem, t. I, c. xxv-xxvi ; t. II, c. xixii ; De resurrect. carnis, c. xiv, P. L., t. ii, col. 276278 ; 298-299 (édit. de 1844) ; De test, animée, t. II, ibid., t. i, col. 611-612. Lactance montre comment la colère de Dieu est une métaphore exprimant sa justice offensée. De ira Dei, c. iv sq., P. L., t. vii, col. 86 sq.

Ces témoignages d’une période où la doctrine était controversée suffisent amplement. La croyance en la justice divine est déjà passée explicitement dans les symboles de foi. Le symbole des apôtres rappelle que Jésus, Dieu et homme, reviendra pour juger les vivants et les morts, Denz.-Bannw., n. 2, 6 ; formule qu’on retrouve dans le symbole d’Épiphane, n. 13 ; dans le symbole de Nicée, n. 54 ; dans le symbole de Nicée-Constantinople, n. 86 etc. Mais l’idée de la juste rétribution est plus accentuée dans la formule Fides Damasi, n. 16 et dans le symbole Quicumque, n. 40. La liturgie s’inspire de cette foi. Dans le Te Deum, nous disons à Dieu le Fils : Judex crederis esse venturus ; et, dans le Dies irse : Crealura, judicanti responsura. .., Quando judex est venturus… Judex ergo cum sedebit. Toute la liturgie des défunts s’inspire de cette pensée, non moins d’ailleurs que de celle de la miséricorde.

b) Quelle justice est la vertu de Dieu ? — a. Commutative. — La justice commutative, qui rendrait Dieu débiteur d’autrui, ne peut pas convenir à la volonté divine, sinon par analogie. Dieu ne doit rien à personne. Cf. Rom., xi, 35. Toutefois, parce que Dieu, dans l’application de la justice distributive, garde toujours l’égalité de proportion entre la récompense et le mérite, le châtiment et la faute, « un certain mode de justice commutative se trouve en Dieu par rapport à la créature ». S. Thomas, In IV nm Sent., dist. XLVI, q. i, a. 1 ; IIa-IIæ, q. lxi, a. 4, ad 1um. Cf. Billot, op. cit., p. 257 ; Kleutgen, De ipso Deo, n. 598.

b. Distributive. — Par contre, la justice distributive se trouve très formellement en Dieu, soit qu’on considère l’ordre naturel, Dieu donnant à chaque être ce que requièrent sa nature et la bonne ordonnance de l’univers, soit qu’on considère l’ordre surnaturel, Dieu rémunérant chacun selon ses œuvres. Cette justice peut être formellement en Dieu, car elle ne comporte aucune dépendance de Dieu à l’égard des créatures ; par la justice distributive, en effet, Dieu n’est redevable qu’à l’ordre posé par lui-même. Cf. S. Thomas, I a, q. xxi, a. 1, ad 3um ; I a -II ffi, q. cxiv, a. 1, ad 3um ; In lib. de div. nominibus, c. viii, lect. iv.

— Cette justice distributive peut être dans l’ordre soit des récompenses, soit des châtiments.

Dans l’ordre des récompenses, c’est une justice rémunératrice, que le dogme de la vie éternelle suffirait à établir comme vérité catholique. Cf. Matth., xxii, 12 ; xxv, 34-40 ; cf. v, 12 ; I Cor., ix, 24 ; Col., m, 24 ; II Tim., iv, 7.

Dans l’ordre des châtiments, c’est la justice vindicative, suffisamment établie par le dogme de l’enfer. Cf. Matth., xxv, 41-46. D’une manière plus générale, voir Deut., xxxii, 41 ; Sap., xi, 17 ; Jer., xxxii, 18 ; Rom., xii, 19. Bien plus, la justice vindicative ne sera vertu dans les volontés humaines que dans la

mesure où le « vengeur » agira au nom et par l’autorité de Dieu, Rom., xiii, 1-4.

C’est d’ailleurs d’une manière très libre que Dieu exerce la justice vindicative à l’égard du coupable : la miséricorde intervient souvent et Dieu, tout au moins par les peines temporelles infligées ici-bas, a en vue l’amendement du pécheur. De plus, souvent les souffrances affligent les hommes, non pour les punir, mais pour les éprouver. Telle est la leçon qui se dégage de l’histoire de Job, de l’épreuve dont Tobie fut victime, des paroles du Christ à propos de l’aveugle-né, Joa., ix, 2. Voir, à ce sujet, la condamnation des prop. 72 et 73 de Baïus et de la prop. 70 de Quesnel. Denz.-Bannw. , n. 1072, 1073 ; 1420.

On notera au sujet de la justice divine la doctrine erronée d’Hermès, t. vi, col. 2296, condamnée par le bref Dum acerbissimas de Grégoire XVI, Denz.-Bannw. , n. 1620 ; erreur rectifiée par Schell d’une façon insuffisante, puisque cet auteur restreint l’objet de la justice vindicative de Dieu en enfer aux seuls coupables du péché contre le Saint-Esprit. Cf. Gotl und Geist, t. ii, Tubingue, 1896, p. 618, 619. Cf. Kleutgen, Theol. der Vorzeit, t. iii, p. 416 ; Janssens, op. cit., p. 327-328.

A la vertu de justice on peut rattacher en Dieu la véracité, voir ici Vérité, col. 2683, et la fidélité (cf. Num., xxiii, 19 ; II Tim., ii, 13 ; Tit., i, 2 ; Hebr., x, 23). Il est possible d’identifier en Dieu justice et vérité, car si « la vérité consiste dans une exacte correspondance entre l’intelligence et les choses », la justice de Dieu, « qui établit dans les choses un ordre conforme aux conceptions de la sagesse qui est sa loi, est bien nommée vérité ». S. Thomas, I », q. xxi, a. 2. Cf. ps. xxiv, 10 ; xxxix, 11, 12 ; lvi, 4 ; cxiii (b), 2, où vérité, mis en regard de miséricorde, a une signification de fidélité fondée sur la justice. Certains auteurs rapportent à la justice le rè/e, qu’on peut définir « l’amour incitant la justice à faire son œuvre ». Sous cet aspect, on peut l’attribuer à Dieu ; cf. ps. lxviii, 10 ; cf. Joa., ii, 17. En raison de ce zèle, Dieu est appelé parfois « le Dieu jaloux » : Ex., xx, 5 ; Num., xxv, 11 ; Ez., xxiii, 23 ; xxxviii, 19 ; Joël, ii, 18. Voir le Catéchisme du concile de Trente, part. III, c. ii, q. xxix. Cf Heinrich, Dogm. Théologie, t. i, p. 750 ; Janssens, op. cit., p. 354-357.

Dans son ouvrage, De perfectionibus moribusque divinis, t. XIII, De justifia et ira Dei, Lessius énumère dix œuvres divines qu’il faut spécialement rapporter à la justice : le châtiment des anges rebelles ; la punition du péché d’Adam, le cataclysme du déluge ; la sévère répression de certains crimes (Sodome et Gomorrhe, Coré, Dathan et Abiron, les plaies d’Egypte, les massacres ordonnés par Dieu au cours de l’histoire des Hébreux) ; les épreuves envoyées au peuple élu en raison de ses infidélités ; au point de vue spirituel, la soustraction des grâces ; la passion et la mort du Christ, les peines du purgatoire, le jugement universel, et les convulsions multiples qui le précéderont.

3. La miséricorde.

La miséricorde (miseria et cor) est le sentiment qu’éprouve un cœur compatissant en face de la misère d’autrui. Un tel sentiment ne saurait exister en Dieu sous la forme d’un mouvement passionnel ; mais Dieu est dit miséricordieux en raison des allégements qu’il apporte aux créatures dans la misère. Source de toute bonté, lui seul peut réparer les défauts de bonté qui créent la misère. S. Thomas, I a, q. xxi, a. 3. Tournély a noté opportunément que la miséricorde doit exister en Dieu, à la fois pour manifester la liberté divine dans la diffusion de la bonté, et pour permettre à la liberté humaine de faire appel, le cas échéant, à la bonté divine. Præl. theol., De Deo, q. xviii, a. 4, concl. 1.

L’Écriture proclame fréquemment la miséricorde de Dieu. Ex., xxxiv, 6 sq. ; Ps., en, 8, cꝟ. 4, 6, 13, 17 ; cxliv, 8 et surtout le ps. cxxxv, où la seconde partie de chaque verset chante l’éternelle miséricorde de Dieu.

Il est inutile d’insister sur les innombrables textes des Pères et sur les formules liturgiques magnifiant