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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/930

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VOLTAIRE. VIE

dans ses idées, l’amena à en préciser quelques-unes, à en redresser d’autres, et « surtout il prit en Angleterre de quoi coordonner toutes ses aspirations non par un système mais par une méthode. » G. Ascoli, Voltaire, iii, Rev. cours, conf., 30 avril 1934, p. 144.

Il publie à Londres, en 1728, la Henriade, et en 1731, l’Histoire de Charles XII. De Londres, il ameute Paris par le Temple du goût (cf. Le temple du goût, édition critique par E. Carcassonne, Paris, 1938). Enfin, il rapportera d’Angleterre l’idée des Lettres anglaises avec quelques matériaux utiles.

Sur son séjour en Angleterre voir, en plus des travaux cités, Desnoiresterres, loc. cit. ; Churton Collins, Bolingbrocke and Voltaire in England, in-8°, Londres, 1886 ; Voltaire, Montesquieu and Rousseau in England, in-8°, Londres, 1908, traduit par P. Deseille, in-12, Paris, 1911 ; E. Sonet, Voltaire et l’influence anglaise, in-8°, Rennes, 1926 ; E. Audran, L’influence française dans l’œuvre de Pope, in-8°, Paris, 1931.

Du séjour en Angleterre au séjour à Berlin (17291750).

1. Vie errante (1729-1735).

Revenu à Paris, finalement avec autorisation, il se remet à publier de petits poèmes compromettants : Lettre des deux parts (xxii, 63 sq.), où il attaque partisans et adversaires de la bulle Unigenitus ; Élégie sur la mort de Mlle Lecouvreur, célèbre actrice, 1730 (ix, 309) — le curé de Saint-Sulpice avait refusé la sépulture ecclésiastique à cette maîtresse de Maurice de Saxe ; Ode sur le fanatisme, 1732 (viii, 487), dédiée à Madame du Châtelet ; La mule du pape, 1733 (ix, 573), où il montre Jésus repoussant la tentation et son vicaire y succombant. Le scandale fut à son comble, quand parurent, en France, les Lettres philosophiques, 1734 (xxii, 82-189) ; l’auteur s’enfuit en Hollande. Revenu en mars 1735, il fit circuler des chants de la Pucelle, s’enfuit encore, mais à Lunéville, et finalement à Cirey-sur-Blaise, chez Mme du Châtelet, sa maîtresse depuis 1733.

Dans l’intervalle, Voltaire donne au théâtre : Brutus, 1730 (ii, 311) ; Ériphyle, 1731 (ibid., 461) ; et, le 13 août 1732, Zaïre (ibid., 533), qui humanise Polyeucte et connaît un succès d’émotion.

2. A Cirey chez Mme du Châtelet (1735-1744).

Années de vie mondaine et de travail. De travail scientifique : la belle Emilie est férue de géométrie, de physique newtonienne, de métaphysique leibnitzienne. Voltaire, qui a mis au net ses idées métaphysiques, nullement leibnitziennes, dans son Traité de métaphysique, 1734 (xxii, 189-231), que Mme du Châtelet tient sous clef par prudence, s’adonne aux sciences avec elle, sous la direction de Maupertuis. Rapproché alors du parti philosophique, il paraît avoir été de ceux qui virent dans la science un moyen d’éliminer la croyance. Il publia donc : 1738, Éléments de la philosophie de Newton (xxii, 397) ; Défense du newtonianisme (xxiii, 74) ; Lettre à M. de Maupertuis sur les éléments de la philosophie de Newton (xxxv, 2 sq.) ; 1740, Exposition du livre des Institutions physiques (de Mme du Châtelet), dans laquelle on examine les idées de Leibnitz (xxiii, 129 sq.). Plus tard, il publiera encore dans l’ordre scientifique : 1748, Dissertation sur les changements arrivés en notre globe et sur les pétrifications (xxiii, 219) ; 1768, Les singularités de la nature (xxvii, 125) et Les colimaçons du R. P. L’Escarbotier, par la grâce de Dieu, capucin indigne, prédicateur ordinaire et cuisinier du grand couvent de la ville de Clermont-en-Argonne (xxvii, 213).

A côté, il donne : Alzire (iii, 369), jouée le 27 janvier 1736, publiée avec une préface, « l’apologétique de Tertullien », écrit-il à Thiériot, le 1er mars 1736 (xxxiv, 43), car il s’y défend d’être irréligieux ; Mahomet, joué à Lille en avril 1711, à Paris le 9 août 1742 (iv, 107). Il publie, en 1736, le Mondain (x, 83), qui déchaînera une tempête. Voltaire fuira en Belgique, en Hollande ; mais, de Bruxelles, J.-B. Rousseau répandra le bruit que Voltaire, à Paris, a été condamné à la prison perpétuelle, et, qu’à Liège, il a eu des difficultés pour avoir enseigné l’athéisme. Voltaire feint alors de gagner l’Angleterre et revient à Cirey. Il y publiera les Discours sur l’homme, 1748 (ix, 378). Il aura à ce moment deux vilaines histoires : l’une avec l’éditeur des Lettres philosophiques, Jore de Rouen ; l’autre avec le peu recommandable Desfontaines, dont les Observations périodiques sur les écrits nouveaux ne rendent pas à ses œuvres l’hommage auquel il se croit un droit, pour un service rendu. Contre Desfontaines, il s’abaisse à publier, novembre 1738, le Préservatif (xxii, 372), qu’il attribue, c’est vrai, au chevalier de Mouchy. Le 12 décembre, Desfontaines répondra par l’injurieuse Voltairomanie ou Lettre d’un jeune avocat, in-12, Paris, 1738. Voltaire le poursuivra en justice, « mais, dit G. Ascoli, Voltaire, v, dans ibid., 31 mai 1924, p. 312, le lieutenant de police a beau donner raison à Voltaire, le public juge que le nom du poète est « dégradé ». Voir Desnoiresterres, op. cit., t. ii, c. iv, ad finem et v, passim.

Or, dès 1736, le prince royal de Prusse, élève de réfugiés français, désirant être formé à la littérature classique par un héritier des classiques, suppliait Voltaire de venir auprès de lui. Voltaire était ravi, mais n’osait quitter Mme du Châtelet. Une longue correspondance, flatteries d’un côté, adulations de l’autre, s’engage. À la mort du Roi-Sergent, 1740, plusieurs et Voltaire le premier s’imaginent que le poète va être appelé à partager non les divertissements intellectuels du prince, mais les responsabilités du pouvoir. Frédéric II pourtant ne lui fit jamais d’ouvertures politiques. Il y eut entre eux à ce moment d’obscures tractations à propos d’un Anti-Machiavel, œuvre humanitaire, que Frédéric II, prince royal, a confié à Voltaire pour le revoir et le faire imprimer et que, roi, il voudrait empêcher de paraître. Voltaire fit si bien que deux éditions de l’ouvrage parurent en 1741 à La Haye et à Londres, sous ce titre : Anti-Machiavel ou Essai de critique sur le Prince de Machiavel, publié par M. de Voltaire.

De 1740 à 1742, ils se verront plusieurs fois. En 1743, Voltaire ira à Berlin avec la mission officielle de regagner Frédéric II à l’alliance française. Il échouera. Cf. duc de Broglie, L’ambassade de Voltaire à Berlin, dans Revue des Deux Mondes, 1er avril 1884.

3. A Paris et à la cour de Lunéville (1744-1750).

Cependant, Mme du Châtelet, pour le détourner de Berlin, l’a fait rentrer en grâces à Versailles, les circonstances aidant. Fleury est mort le 29 janvier 1743 ; Mme d’Étiolés, qu’il a connue, devient la Pompadour ; ses amis, les d’Argenson, sont ministres ; Mérope (iv, 199), a eu un succès sans précédent le 20 février 1743 ; son Ode sur les événements de 1744 (la maladie du roi à Metz) (ix, 430), son Poème de Fontenoy, 1745 (viii, 383), sa comédie-ballet, La princesse de Navarre (iv, 271), représentée aux noces du dauphin, 23 février 1745, plaisent à la cour. Il est nommé historiographe du roi, gentilhomme de la chambre ; il entre même à l’Académie, ce à quoi il aspire depuis 1732, car c’est une sécurité et ce à quoi le roi et le parti dévot ont mis Jusque là leur veto. Il a désarmé le roi ; il désarme le parti dévot par sa fameuse lettre au P. La Tour. 7 février 1746. où il attaque les Provinciales (xxxvi, 121). et en dédiant sa tragédie de Mahomet à Benoît XIV. Des pamphlets attaqueront son élection. Cette fois encore, il en poursuivra les auteurs avec acharnement et l’on aura l’affaire Travenol et les Voltairiana.