Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/940

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

340 !)

    1. VOLTAIRE##


VOLTAIRE. PRINCIPALES ŒUVRES

3410

existe nécessairement par lui-même » et qui est ainsi infini en durée, en immensité, en puissance.

Le monde matériel — souvenir de Spinoza — n’est pas cet être nécessaire, car, s’il était d’une nécessité absolue, tous les êtres qui le composent seraient tels. Or rien n’est plus contraire aux faits. Ni le mouvement, ni la pensée, ni la sensation ne sont essentiels à la matière. Ils viennent donc « d’un Être suprême, intelligent, infini, cause originaire de tous les êtres ». On aboutit ainsi « au Dieu des philosophes et des savants ».

Mais, objecte-t-on contre la création : 1. Dieu ne peut avoir tiré le monde du néant, qui n’est rien, ni de soi, car le monde serait alors d’essence divine. 2. Le monde a été créé ou nécessairement ou librement ; si nécessairement, il serait éternel et créé, ce qui est contradictoire ; si librement, c’est encore une contradiction de supposer l'Être infiniment sage agissant sans une raison qui le détermine et l'Être infiniment puissant ayant passé une éternité sans faire usage de sa puissance.

A ces deux objections, Voltaire fait la même réponse. S’il m’est impossible de concevoir la création, cela ne l’empêche pas d'être. L’existence du Créateur m’est démontrée ; mais je ne suis pas fait pour comprendre ses attributs et son essence.

L’on avance aussi contre les causes finales : 1. « Tout se fait dans la nature suivant les lois éternelles, indépendantes, immuables des mathématiques. Il en résulte des effets nécessaires que l’on prend pour les déterminations arbitraires d’un pouvoir intelligent. » Les lois mathématiques sont immuables, répond Voltaire, mais il n'était pas nécessaire que telles lois fussent préférées à d’autres. — 2. Si l’on admet les causes finales, Dieu au fond est un Dieu barbare. « Il a donné la vie à toutes les créatures pour être dévorées les unes par les autres », et à quelles misères l’homme n’est-il pas soumis ? Si l’on objecte que notre idée de la justice est fautive, Dieu ne nous aurait ainsi faits que pour nous tromper, car c’est lui-même qui nous a donné cette idée. Voltaire répond : D’abord s’il y a un mal moral (ce qui me paraît une chimère), ce mal est tout aussi impossible à expliquer dans le système de la matière que dans celui d’un Dieu. D’autre part nos idées de la justice sont uniquement relatives à l’utilité sociale et notre œuvre ; elles n’ont donc aucune mesure commune avec la justice de Dieu. Enfin pour juger qu’une chose est imparfaite, il faut avoir l’idée de la perfection qui lui manque. « Mais qui aura une idée selon laquelle ce monde-ci déroge à la sagesse divine ? » P. 201.

En définitive l’opinion qu’il y a un Dieu ne va pas sans difficultés, mais l’opinion qu’il n’est pas se heurte à des absurdités. Les matérialistes en effet sont obligés de soutenir ces deux choses : 1. La matière existe nécessairement et par elle-même : donc elle a en soi essentiellement la pensée et le sentiment alors qu’un petit nombre de ses parties seulement ont cette pensée et ce sentiment, et que cette pensée et ce sentiment périssent à chaque instant ; ou bien il y a une âme du monde qui se répand dans les corps organisas. Alors cette âme est distincte de lui : « Chimères qui se détruisent. — 2. Le mouvement est essentiel a la matière, donc il n’a jamais pu augmenter ou diminuer et il n’y a aucune liberté ; mais une fatalité est ; mssi difficile ; i comprendre que la liberté.

2. L’homme. il n’y a pas qu'âne espèce d’hommes, c. i ; mais aux hommes de toutes espèces les idées viennent par les sens ; il n’y a pas d’idées innées ni de vision en Dieu, laquelle ne peut avoir que ce sens : Dieu pense en nous. C. m.

a) L’homme a-t-ll une âme ? — À s’en tenir ; i que dit la raison, les mêmes effets supposant une

même cause », les mêmes phénomènes se manifestent dans les bêtes et dans les hommes à proportion de leurs organes, l’on peut conclure que l'âme est un principe commun aux hommes et aux bêtes. Et comme on ne peut soutenir que l'âme pense toujours — cela est contraire aux faits — il semble qu’il faille conclure que la pensée est un attribut donné par Dieu à la matière : « Dieu a organisé les corps pour penser comme pour manger. » Ce raisonnement est confirmé par les anciennes croyances de l’humanité et, se souvenant du Pascal qu’il a combattu, Voltaire écrit : « Un des plus anciens livres qui soient au monde, conservé par un peuple qui se prétend le plus ancien peuple, me dit que Dieu même semble penser comme moi », puisque ayant donné leurs lois aux Juifs « il ne leur dit pas un mot de leurs âmes ». C. v.

b) Si ce qu’on appelle âme est immorlel, c. vi. — Il essaie quelques solutions : Dieu ayant attaché à une partie du cerveau la faculté d’avoir des idées, il peut conserver cette partie du cerveau avec sa faculté ; il peut aussi avoir donné aux hommes une âme simple, immatérielle et la conserver indépendamment de leur corps. Il conclut : « Je n’assure point que j’aie des démonstrations contre la spiritualité et l’immortalité de l'âme, mais toutes les vraisemblances sont contre elles. »

c) Si l’homme est libre, c. vil. — Sur ce point, comme sur le précédent, Voltaire s’inspire de Locke. Distinguant entre vouloir et agir, Locke définit la liberté le pouvoir de faire ce que l’on veut. À quoi Leibnitz objecte qu’il faut distinguer la liberté du faire et la liberté du vouloir. Celle-ci, Locke ne l’admet pas. Voltaire non plus. La liberté est uniquement pour lui le pouvoir de faire ce que l’on veut.

d) De l’homme considéré comme être sociable, c. viii. — L’homme était appelé à vivre en société par l’instinct de reproduction, d’où la famille, par le besoin, par un certain sentiment de bienveillance à l'égard de ses semblables. Mais ce sont surtout nos passions, l’orgueil en particulier, qui sont à l’origine des sociétés telles que nous les voyons aujourd’hui.

e) De la vertu et du vice, c. ix. — Ce sont là choses relatives. « La vertu et le vice, le bien et le mal moral est en tout pays ce qui est utile ou nuisible à la société », avec cette réserve cependant qu’il y a des sentiments dont l’homme ne peut jamais se défaire et qui sont la base de la société. Tels la bienveillance, la haine du manquement à la parole donnée, du vol. N’y a-t-il donc pas de bien en soi, indépendant de l’homme ? Mais y a-t-il du froid et du chaud, autrement que par rapport à nous ? Ne peut-on craindre alors que l’homme s’abandonne à toute la fureur de ses passions ? Non, car, sagement, le législateur a inventé les sanctions. Cédant à l’intérêt, tout homme raisonnable sera vertueux. Mais un esprit droit n’obéira pas seulement à la crainte des sanctions ; il aura le goût de la vertu, par la même raison que celui qui n’a pas le goût dépravé préfère l’excellent vin de Nuits à celui de Bue.

10° Éléments de la philosophie de Newton mis à la portée de tout le monde, par M. de Voltaire, in-8°, Amsterdam, 1738 (xxii, 393), dédié à Mme du Châtclet. La même année, une nouvelle édition, Londres (Paris), fera précéder les Eléments d' Éclaircissements nécessaires (xxii, 267). Ces Éléments comprennent 3 parties : i. Métaphysique, la seule qui intéresse ici. Voltaire y revient sur les questions qu’il a examinées dans le Traité de métaphysique et cela pour s’appuyer sur l’autorité de Newton. « Newton, dit-il, était persuadé de l’existence de Dieu. Toute sa philosophie (foute sa physique) conduit nécessairement à la connaissance d’un Etre suprême qui a tout créé, tout arrangé : la gravita