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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/962

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VOLTAIRE ET LE CHRISTIANISME


S’il est utile d’entretenir le peuple dans la superstition. « Le théisme est le bon sens ; les autres religions sont le bon sens perverti. » Dictionnaire, art. Théisme. Il peut se rencontrer dans les superstitions des croyances utiles, mais, dans leur ensemble, imposant des dogmes absurdes, des cérémonies puériles ou révoltantes, provoquant des divisions, des persécutions, « elles outragent l’existence de Dieu et rendent la nôtre affreuse ». Seconde homélie. Sur la superstition. L'évolution religieuse de l’humanité fut en effet la suivante : la raison conduisit l’humanité au théisme, et les passions du théisme universel à des superstitions différentes. « Toutes les sectes sont différentes parce qu’elles viennent des hommes ; la morale est partout la même parce qu’elle vient de Dieu. » Ibid.

2° De toutes les superstitions la plus funeste est le christianisme. — C’est la conclusion de cette histoire des religions, dont il vient d'être parlé.

Bien au-dessus du christianisme est d’abord la religion chinoise. Gardant le goût des libertins de sa jeunesse pour la Chine et pour Confucius, qu’ont fait connaître le Confucius, Sinarum philosophus, 1687, les Nouveaux Mémoires sur l'état présent de la Chine, 3 in-8°, 1696-1701, du P. Lecomte, l’Histoire de l’empereur de la Chine en faveur des chrétiens, 1698, du P. de Gobien — n’admettant ni la théorie de Collins, Lettre à Dodwell sur l’immortalité de l'âme, Londres, 1709, que les Chinois sont panthéistes à la manière de Spinoza, ni cette autre, qu’accepta la Sorbonne le 18 octobre 1700, cf. Siècle de Louis XIV, c. xxix, Cérémonies chinoises, que les Chinois sont athées, Voltaire met au-dessus de toutes les autres la religion chinoise, celle des disciples de Confucius, les lettrés chinois — non celle du peuple, qui n’a pas échappé à la superstition mais qui laisse aux lettrés la direction du pays. Il fait siennes ces deux vues de Boulainvilliers, Vie de Mahomet, 1730, p. 180-181, que les Chinois, privés de la Révélation, ont néanmoins une civilisation admirable et, Réfutation des erreurs de Spinoza, 1731, p. 303, qu’ils ont une religion « fondée sur le seul devoir naturel ». Les Chinois, dit Voltaire, sont depuis deux mille ans le premier peuple de la terre dans la morale et dans la police » ; et « jamais les lettrés n’ont eu d’autre religion que l’adoration d’un Être suprême. Leur culte fut la justice ». Siècle, édit. cit., p. 739 et 743. Ils ont la religion idéale. Cf. Dictionnaire, art. Chine ; Essai sur les mœurs, c. i et ii.

L’islamisme même, bien que Voltaire fasse en définitive de M&homet « un imposteur, un hardi charlatan », du Coran « un recueil de révélations ridicules, une rapsodie », lui paraît supérieur au christianisme. S’inspirant de l’orientaliste hollandais, A. Roland, La religion des mahométans, 2 in-8°, La Haye, 1712, traduction française, 1721, et de Boulainvilliers, Vie de Mahomet, 1730, il justifie l’islamisme des accusations portées par Grotius dans le De veritate religionis christianæ liber, 1636, et il le proclame « plus sensé que le christianisme, puisqu’on n’y adorait point un Juif, qu’on n’y tombait point dans le blasphème extravagant de dire que trois dieux font un Dieu ». La religion d’Allah, « si on n’y avait pas ajouté que Mahomet est son prophète, eût été aussi belle, aussi pure que celle des lettrés chinois. C’eut été le simple théisme. Examen important, c. xxxiv, Des sectes des chrétien » Jusqu'à l’itablissemet de l’islamisme. Cf. Le dîner du comte de Boulaltwilllen, Second entretien : Dictionnaire, art. Alcoran, Arcol et Marot, Mahométans.

3° Kl dans le christianisme, le catholicisme, « L’Infâme ». Bien qu’il eût blfltné <. ; 1 1 % i 1 1 de son intolérance et qu’il ne pardonnât pas aux pasteurs de Genève leur opposition, il préfère le protestantisme

au catholicisme. « C’est peut-être celle de toutes (les religions) que j’adopterais le plus volontiers, si j'étais réduit au malheur d’entrer dans un parti », parce que, « si elle se trompe comme les autres dans le principe », la religion protestante est, comme le christianisme primitif, dégagée « des cérémonies et des dogmes » inventés par le catholicisme et que « les protestants sont partout soumis aux magistrats ». Catéchisme de l’honnête homme (xxiv, 538). Pour ces raisons et d’autres semblables, « toutes choses égales d’ailleurs, un royaume protestant doit l’emporter sur un royaume catholique ». Instruction pour le prince royal de ***, (xxvi, 442). Parmi les protestants, toute sa sympathie va aux quakers. Si certains travers les rendent ridicules, du moins, ils sont tolérants et ils donnent « un modèle étonnant de morale, de police et de charité ». Vraiment en eux revit le christianisme primitif. Dictionnaire, art. Église primitive et Quakers ; Lettres anglaises, i et n.

4° Critique du christianisme, tel que l’entend l'Église romaine. — 1. Histoire de ses origines. — a) Critique de la religion juive. — « Le christianisme est fondé sur le judaïsme. Voyons donc si le judaïsme est l’ouvrage de Dieu. » Examen important, c. i, Des livres de Moïse. Ainsi s’explique l’acharnement de Voltaire contre Israël. Cf. H. Emmerich, Dos Judentum bei Voltaire, in-8°, Berlin, 1930. S’inspirant du Traclalus theologicopoliticus de Spinoza, des Origines judaicæ dont Toland fait suivre V Adeisidœmon, du Discours sur les fondements de la religion chrétienne de Collins, in-8°, Londres, 1724, que d’Holbach traduisit, en 1768, sous ce titre : Examen des prophéties, in-12, Londres ; se souvenant de ce principe de Shaftesbury, que le ridicule est la pierre de touche des doctrines, il s’efforce de détruire les preuves qu’avancent de la vocation du peuple de Dieu les apologistes, principalement Abbadie, Traité de la vérité de la religion chrétienne, 2 in-8°, Rotterdam, 1684, t. i, m c section : Où l’on établit la vérité de la religion judaïque (cf. ici t. i, col. 7-9), et aussi Houteville, 1688-1742, La vérité de la religion chrétienne prouvée par les faits, in-4°, Paris, 1722 ; l’Anglais Sherlock, L’usage et les fins de la prophétie, traduit de l’anglais, in-8°, Amsterdam, 1729. Cf. Examen, c. vii, Les mœurs des Juifs. Aucune de ces preuves ne lui paraît résister à la critique.

a. Dernier venu entre les peuples, le peuple juif n’a aucune valeur humaine. — Avec Huet, les apologistes faisaient des Juifs les maîtres intellectuels et spirituels des autres peuples et de Moïse la source de toute la sagesse humaine dans le monde antique. En réalité, dit Voltaire, « la nation juive est des plus modernes », Essai, Introduction : Des Juifs au temps où ils commencent à être connus, et « les Juifs ont tout pris des autres nations ». Ibid. : Si les Juifs ont enseigné les autres nations. Cf. Examen important, c. v, Les Juifs ont tout pris des autres nations, et c. VI, De la Genèse. Histoire de rétablissement du christianisme, c. i, Que les Juifs et leurs livres furent longtemps ignorés des autres nations. « Le dogme de l’immortalité de l’Ame, embrassé depuis si longtemps par toutes les nations dont ils étaient environnés », leur fut « toujours inconnu. Dictionnaire, art. Moïse. Et qu’aurait donné à des peuples constitués « une horde d’Arabes vagabonds "7 Dieu et les hommes, c. xiv. Des Juifs et de leur origine. < Leurs mu’tirs étaient aussi abominables que leurs contes absurdes. » Examen, c. vu. Des mœurs des Juifs. I.a sagesse divine paraît en faute dans le rôle prêté à Dieu auprès de ce peuple. Cf. Questions de Zapata, 2 et 3.

b. MoïêC est. semble-t-il, une création tardive de l’imagination juive. - Filleau de la Chaise, dans le Discours sur les preuves des livres, le Moïse, publié