Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/965

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
3459
3460
VOLTAIRE. IDEES CONSTRUCTIVES


dit Pascal, Pensées, fr. 593. Voltaire anéantit ainsi cette preuve : Les récits des martyrs sont des contes « qui font pitié », Examen important, c. xxvi, Des martyrs ; Etablissement du christianisme, c.xii, Martyrs supposés ; il n’y eut jamais d’ailleurs de ces grandes persécutions qu’ont affirmées les historiens chrétiens : ces violences n'étaient point dans les traditions de l’empire. Qu’il y ait eu des chrétiens, des chrétiennes même, frappés de peines et de peines sévères, qui s’en étonnerait, en considérant les gestes de leur fanatisme, leur prétention d'être les seuls représentants de la vraie religion et de détruire toutes les autres et leur esprit de sédition. Cf. Dictionnaire, art. Martyrs et Église : Des martyrs de l'Église ; Essai sur les mœurs, c. viii.

3. Reproches que mérite le catholicisme.

Il n’y a pas à distinguer ici entre jansénisme et catholicisme orthodoxe. Si Voltaire donne parfois des croyances catholiques la formule janséniste parce qu’elle les rend plus odieuses, c’est bien au catholicisme purement et simplement qu’il en veut. II lui reproche :

a) L’absurdité de ses dogmes, « l'édifice le plus monstrueux qui ait jamais déshonoré la raison ». Examen important, c. xxv, D’Origène à la Trinité. Les dogmes, « un galimatias », ne viennent pas de JésusChrist, Dieu et les hommes, c. xxxix, Des dogmes chrétiens absolument différents de ceux de Jésus ; ils sont nés de l’imagination des Pères travaillés par le platonisme. Examen important, toc. cit. ; cf. la critique faite par Mestier des dogmes de la Trinité et de l’incarnation, Sentiments, c. vi, Des erreurs de la doctrine ; et l’exposé ridicule de l’incarnation, Dialogue entre l’empereur de la Chine et frère Rigolet. Le dogme de l’eucharistie est « un excès de bêtise et d’aliénation d’esprit ». Profession de foi des théistes, Des superstitions. « C’est la plus ridicule et la plus monstrueuse idolâtrie. » Le dîner de Boulainuilliers, 2e entretien. Cf. le Dialogue cité plus haut et Cinquième homélie sur la communion. Il poursuivit de ses sarcasmes la bulle Unigenitus, en qui il ne montre qu’une intrigue de jésuites et un intérêt politique. Cf. Dictionnaire, art. Bulle.

b) L'Église antisociale. Son rôle social condamné par la conscience morale. — Pascal donnait, comme preuve du christianisme, la sainteté, la hauteur, l’humilité d’une âme chrétienne, en d’autres termes, les bienfaits de la foi dans les âmes. Mais l’orientation de la morale depuis le début du siècle et ces paradoxes de Bayle : « l’inutilité des croyances est prouvée par l’expérience, le croyant ne se montrant pas moralement supérieur à l’athée » ; d’autre part, des paradoxes comme ceux-ci : « le christianisme selon Jésus désarme les fidèles, selon l'Église les rend féroces, donc impropres à la vie sociale en l’un et l’autre cas » avaient amené les apologistes à vanter les bienfaits sociaux de leur foi. Cet argument, Voltaire le leur enlève.

Certes, que la religion joue un rôle social, il ne le nie pas, s’opposant à Bayle ; que le catholicisme, en qui, la plupart du temps, il résume le christianisme, soit utile à la société, il le nie et il s’efforce de prouver qu’il lui fut, et combien 1 funeste. Les papes, après avoir établi leur autorité temporelle, l’ont justifiée par une série de fausses donations, Dictionnaire, art. Donations ; Essai sur les mœurs, c. xiii, Origine de la puissance des papes, Prétendues donations au Saint-Siège ; tout comme leur pouvoir spirituel par un jeu de mots : Tu es Pierre, et par ce mensonge que Simon Barjone est mort évêque de Borne, Dictionnaire, art. Pierre (saint) ; Rome (cour de) ; cf. Conseils raisonnables à M. Bergier, c. xvii (xxviii, 44), et encore par les Fausses Décrétales (xxvii, 96 sq.) et Épître aux Romains, art. viii, les neuf impostures prin I cipales sur lesquelles repose l’autorité de l'Église romaine. « À la faveur des divisions des princes et de l’ignorance des peuples », Examen important, c. xxxii, I Des usurpations papales, les papes n’ont cherché qu'à satisfaire leur ambition en dominant les souverains, provoquant ainsi les luttes du Sacerdoce et de l’Empire, Dictionnaire, art. Pierre (saint), leur avidité, j en exigeant d’eux les sommes nécessaires à leur vie j de plaisir et de luxe. Examen, loc. cit. En même temps,

leur intolérance et les querelles théologiques — il y en

i eut » plus de six cents » — entretenaient parmi les peuples des troubles et des guerres « plus destructrices que les inondations des Huns, des Gots, des Vandales », Établissement du christianisme, c. xxii, ainsi que les ambitions rivales des chefs religieux : « quarante schismes ont profané la chaire de saint Pierre et vingt-sept l’ont ensanglantée ». Dictionnaire, loc. cit. Et quelle intolérance sanglante ! Sans qu’ils aient cru « ces odieuses chimères qui ont mis les chrétiens au-dessous des brutes » Examen important, c. xxxviii, Excès de l'Église romaine (xxvi, 298), « ces monstres », ibid., ont fait périr dans les supplices des millions d’hommes, parce que ces hommes ne pensaient pas comme eux. Dieu et les hommes, c. xlii, De Jésus et des meurtres commis en son nom. « Depuis le concile de Nicée jusqu'à la sédition des Cévennes, il ne s’est pas écoulé une seule année où le christianisme n’ait versé le sang. » Dîner de Boulainuilliers, 2e entretien (xxvi, 548). « Cet enfer sur la terre a duré quinze siècles. » Établissement du christianisme, c. xxii, En quoi le christianisme pouvait être utile. Cf. Conseils raisonnables…, v, loc. cit., p. 88. « Joignez, dit Mestier, Sentiments, c. vi, Des erreurs (xxiv, 336), aux hommes… égorgés, ces multitudes de moines et de nonnes devenues stériles par leur état. Voyez combien de créatures sont perdues et vous verrez que la religion chrétienne a fait périr la moitié du genre humain. » Cf. Dictionnaire, art. Vœux : « Tous les moines ont fait vœu de vivre à nos dépens, d'être un fardeau à leur patrie, de nuire à la population, de trahir leurs contemporains et la postérité. » Et Dîner de Boulainuilliers, 3e entretien, loc. cit., p. 537 : « Les moines sont des forçats volontaires qui se battent en ramant ensemble. » Cf. Remarques de l’Essai sur les mœurs, xi et Fragment des instructions pour le prince royal de *** (xxvi, 441).

Conclusion : Rien ne justifie la foi et tout la condamne : 1° En elle-même, elle ne rentre pas dans nos moyens légitimes de connaître, Dictionnaire, art. Foi, sect. ii ; et « une créance aveugle est un principe d’erreurs et de mensonges ». Mestier, Deuxième preuve (xxiv, 299) ; 2° Dans son objet, « elle ne sert, suivant le mot de Bayle, qu'à ruiner le peu de bon sens que nous avons reçu de la nature ». L’on croit, en effet, des choses contradictoires et impossibles, Dictionnaire, ibid. ; 3° Les motifs de crédibilité invoqués se retournent contre elle ; 4° Ses conséquences sont funestes. On ne peut proposer le christianisme sans imposture ni l’accepter sans sottice.

IV. IDÉES CONSTRUCTIVES DE VOLTAIRE, LA SOCIÉTÉ A RÉALISER DANS L’ORDRE RELIGIEUX ET MORAL. —

S’il n’y a pas une forme immuable de la société idéale, le bien étant relatif, cf. Dictionnaire, art. Bien, souuerain bien ; Chimère, sect. i, il y a cependant des principes immuables d’après lesquels toute société doit se constituer pour assurer le bonheur de ses membres. Ces principes sont les lumières de la raison, de la nature et de l’histoire, autrement dit de l’expérience.

1° Sa religion. Il faut acheminer la société uers le théisme, religion idéale. — « Une nation… a besoin de l’adoration d’un Dieu. » Toutes l’ont senti : « Il n’y a jamais eu une nation qui n’ait reconnu de