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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/125

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CANON DES LIVRES SAINTS

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II. selon les cATnOLTQiTES.

Tous les théologiens catholiques, à rencontre des protestants, enseignent que l’unique critère de l’inspiration et de la canonicité des Livres saints est le témoignage de Dieu transmis, non par la voie des traditions humaines, mais par la tradition catholique, et interprété par le magistère de l’Eglise, Au lieu de prouver cette thèse en reproduisant la série d’arguments que ces théologiens développent, nous préférons faire l’histoire de. cette doctrine et montrer comment les Pères et les écrivains ecclésiastiques l’ont diversement présentée au cours des siècles. Cette méthode nous permettra de connaître les diverses manières dont la divinité et la canonicité des Livres saints ont été démontrées successivementou simultanément. Les arguments étaient différents selon que les Pères et les théologiens voulaient prouver directement ou hien l’origine divine et l’autorité régulatrice des Livres saints ou bien la reconnaissance de cette origine et de cette autorité par l’Église.

1° Preuves de l’origine divine et de l’autorité régulatrice des Livres saints. — Les Pères apologistes du 11e siècle ont les premiers démontré l’origine divine de l’Ecriture qu’ils citaient aux païens en preuve de la mission divine de Jésus-Christ. Voir t. i, col. 1596. Saint Justin, dont l’esprit n’avait pas été satisfait par les divers systèmes philosophiques qu’il avait étudiés, Dial. cuni Tryphone, c. n-v, P. G., t. vi, col. 476-489, a trouvé la vérité qu’il cherchait dans les prophètes de l’Ancien Testament. Les philosophes n’avaient pas la vérité ; cela résulte des enseignements absurdes qu’ils débitaient, Cohort. ad Grsacos, c. n-v, col. 241-253 ; c. xi, col. 261 ; Apol., I, c. xliv, col. 396 ; II, c. xiii, col. 465, et de leurs divergences relatives à la religion. Coll., c. vi, vii, vin, col. 253, 256-258 ; Apol, II, c. x, col. 460. L’Ecriture, au contraire, est vraie et divine, et cela résulte de l’accord admirable qui existe entre les écrivains sacrés. Ils ont la même doctrine sur Dieu, l’origine du monde, la création de l’homme, l’immortalité de l’âme, le jugement dernier et tout ce qui est nécessaire au salut, bien qu’ils aient écrit en des temps et des lieux différents. Saint Justin en conclut que les prophètes inspirés ontenseigné la vérité. Coll., c. viii, col. 256-257 ; cf. Freppel, Les Pères apologistes au / ; e siècle, 9e leçon, p. 169-173. Une autre preuve de l’origine divine des Écritures, preuve que le saint docteur appelle y.s.yi ?T : iv xa ; « Xï|80t « » ty)v aTiôôeiÇiv, Apol., I, c. xxx, col. 373, est tirée des prophéties de l’Ancien Testament, dont la plupart sontréalisées en Jésus-Christ et sonEglise. lbid., c. xxxi-liii, col. 376-408. Puisque la prophétie est un don divin, ibid., c. XII, col. 345 ; Coh., c. viii, x, col. 256, 201, les prophètes juifs ont été inspirés par le Saint-Esprit dans leurs écrits. Apol., I, c. xxxi-xxxiii, xxxv, xxxix, xl, col. 376, 377, 380, 381, 384, 388, 389 ; cl. Rcuss, Histoire ducanon, p. 49-50 ; J. Delitzsch, .De inspirationc Scriplurse sacrx quid staluerint Patres apo-Stolici et apologetx secundi sxculi, Leipzig, 1872, p. 3841. D’ailleurs saint Justin ne restreignait pas sa foi à l’inspiration des seuls écrits prophétiques, il retendait à tous les livres de l’Ancien Testament, dont les auteurs étaient pour lui des prophètes. Coll., c. ix-xi, xxviii, col. 257, 261, 264, 293 ; Apol, I, c. xxxii, liv, lix, col. 377. 109, H6. Les livres historiques eux-mêmes ont été’écrits sous l’inspiration prophétique. Coll., c. xxxv, col. 304. Tatien, disciple de saint Justin, avait constaté, lui aussi, le vide de i enseignement des philosophes. Il suit doue la même méthode que son maître pour prouver la divinité de l’Écriture. Le désaccord des philosophes est un indice certain de la fausseté de leur doctrine, car la vérité ne se contredit pas. Oral. adv. Grxcot, c. il, iii, xxv, /’. G., t. vi, col. 805-812, 860-861. Les chrétiens sont unanimes dans leur enseignement qui vient de Dieu, lbid., c. xxxii, col. 872. La philosophie chrétienne est vraie, parce qu’elle a été annoncée

par les prophètes. Ibid., c. xxix, xxxvi, col. 868, 880. Tatien appelle donc les Écritures : Geio-cirai ; Ipixyjveîa ;, Sià ypacpr, ; èEEXr ;)iy(X£va ;, Ôetotspa ; èxçuv^CTeco ; Xéyouç. Ibid., c. xii, col. 832. Alhénagore oppose, lui aussi, la doctrine des chrétiens à celle des poètes et des philosophes. Celle-ci est incertaine et fausse, puisque ses partisans sont en désaccord complet, celle-là est divine et a été divinement inspirée aux prophètes. Les philosophes sont allés à la recherche de la vérité, poussés non par Dieu mais par leur esprit propre ; les prophètes ont parlé sous l’impulsion du Saint-Esprit. On ne peut donc refuser de croire à l’Esprit de Dieu, dont les prophètes n’étaient que lesorganes. Légat, prochrist., c. vil, ix, P. G., t. vi, col. 901, 905, 908. Converti par la lecture des Livres saints, Théophile d’Antioche presse Autolychus de se convertir pour ne pas subir les supplices éternels prédits par les prophètes, car toutes les prédictions faites par les prophètes s’accomplissent. Ad Autolych., 1. I, c. xiv, P. G., t. vi, col. 1045. Une autre raison de croire aux oracles prophétiques, c’est leur harmonie, lbid., 1. III, c. xvii, col. 1144-1145. Cette harmonie ne se rencontre pas chez les philosophes et les poètes, qui sont inspirés par le démon et qui mêlent toujours le faux au vrai. Ibid., 1. II, c. vin ; 1. III, c. iii, col. 1060, 1061, 1124. Les prophètes, mus par le même esprit qui est l’Esprit de Dieu, annoncent la vérité sans mélange d’erreur, lbid., 1. II, c. ix, xxxv, col. 1061, 1109.

Quand les gnostiques, retournant contre l’Écriture l’argument des Pères apologistes, prétendirent que les Écritures étaient en désaccord, et par conséquent fausses, S. Irénée, Cont. hær., 1. III, c. il, P. G., t. vii, col. 846 ; S. Épiphane, Hær., xliv, P. G., t. xli, col. 823, quand Marcion opposa le Nouveau Testament à l’Ancien et soutint que ce dernier provenait du mauvais principe, Tertullien, Adv. Marcion., 1. I, c. xix ; 1. IV, c. i, P. L., t. il, col. 267, 361, voir t. i, col. 1382-1384, 1393-1398, les Pères affirmèrent et démontrèrent l’accord des deux Testaments en vue de prouver la divinité de l’Ancien. Saint Irénée emploie les deux livres, IIIe et IVe, de son traité Contra hæreses à montrer cet accord. Voir en particulier, 1. III, c. xi, n. Il ; 1. IV, c. ix, P. G., t. vii, col. 905, 996-999. Un de ses principaux arguments est l’accord doctrinal. L. IV, c. x, n. 1 ; c. xi, n. 1 ; c. xii, n. 3, col. 1000, 1001, 1005. Les différences réelles que l’on constate dans les deux Testaments n’empêchent pas qu’ils ne soient l’œuvre du même Dieu. L. IV, c. xv, n. 2, col. 1014. Le même Verbe de Dieu a envoyé les prophètes et les apôtres dans l’esprit de vérité et non dans l’esprit d’erreur. L. IV, c. xxxv, xxxvi, n. 5, col. 1087, 1095. Tertullien, qui, nous le dirons plus loin, recommandait une méthode différente contre les hérétiques, réfuta néanmoins directement Marcion dans son traité Adversus M arâonem. Il montra en particulier que les prophètes de l’ancienne alliance avaient annoncé le Christ et que le Christ avait parlé par leur bouche, 1. III, c. ii, v, vi, P. L., t. ii, col. 323, 326-328, et il conclut que l’Esprit du créateur avait prédit le Christ. L. III, c. xxii, col. 353. Il expliquait les diversités des deux Testaments en disant que leur unique auteur s’était conformé aux états et à la situation différente du genre humain. L. IV, c. l, col. 361-863. Dans son 14/)ologétique il démontre aux païens l’autorité de l’Ecriture. Il la fonde sur l’inspiration prophétique de ses ailleurs. C. XXIII, P. L., t. i, col. 377-381. Il la prouve par son antiquité", l’accomplissement de ses prophéties et par les malheurs que les juifs ont attirés sur eux par leur incrédulité. C. xix, col. 391. Les lettres des chrétiens sont donc des paroles de Dieu, aliment de la foi et fondement de l’espérance. (’.. xxxi, x.wix. roi. iiO. 168-469.

Clément d’Alexandrie, voulant convertir les (Irecs au Christ qui a parlé par les prophètes, Coh. ail Grsecot, c. 1, P. G., t. viii, col. Oi, montre que les philosophes