Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1747
4748
CARÊME


lemps modernes. Saint Liguori l’invoque après Billuart, et lui donne ainsi une sorte de consécration. On en élargit même le sens dans la pratique. On mit sur le même pied que les travaux manuels, les travaux intellectuels qui exigent une dépense considérable de forces physiques, telle la besogne des professeurs, des prédicateurs, des garde-malades, voire des confesseurs accablés par le nombre des pénitents. Classés sous le titre d’œuvres pies, pietas, ces labeurs pénibles furent considérés comme des motifs suffisants d’exemption du jeûne quadragésimal. Les théologiens invoquèrent à l’appui de ce sentiment saint Thomas qui enseigne que l’Eglise, en établissant le jeune, ne pouvait avoir eu T’.ntention d’empêcher de faire des œuvres pies qui sont nécessaires ou simplement utiles : Quia non videtur fuisse intentio Ecclesise statuentis jejunia, ut per iiœc impediret alias pias et magis necessarias causas. En cas de doute sur la nécessité ou l’utilité de ces œuvres, il y aurait lieu, dit encore saint Thomas, de consulter les supérieurs, à moins que la coutume ne tranche la question. Sum. theol., IIa-IIæ, q. cxlvii, a. 4, ad 3um. Cf. sur tout ceci, et, pour plus de détails, S. Liguori, loc. cit., n. 101l-1019, et tous les auteurs de théologie morale.

La dispense.

Le jeune est d’institution ecclésiastique ; l’Eglise peut donc en dispenser pour des raisons dont elle est seule juge. Les évêques peuvent accorder cette dispense à leurs diocésains et les curés à leurs paroissiens pour des cas particuliers. Les dispenses générales sont réservées au souverain pontife, chef de l’Église universelle. Cf. S. Liguori, loc. cit., n. 1032. Les évêques peuvent-ils, dans certains cas extraordinaires, dispenser d’une façon générale tous leurs diocésains ? Bien que Benoît XIV déclare, dans la constitution Prodiit, que le sentiment le plus commun est pour la négative, les théologiens donnent l’affirmative comme une opinion vraiment probable. Cf. Haine, loc. cit., q. xx. Du reste, cette question n’a guère d’application dans la pratique, car les évêques règlent ordinairement leurs dispenses de jeûne quadragésimal d’après des induits apostoliques.

Pour montrer jusqu’où s’étendent aujourd’hui ces dispenses, nous mettrons sous les yeux du lecteur les dispositifs des mandements de carême de l’Église de Rome et de l’Église de Paris en 1904 :

Indulto sacro : « Sa Sainteté le pape Pie X accorde à tous les fidèles de la ville de Rome et de son district, ainsi qu’aux réguliers de l’un et de l’autre sexe, qui ne sont pas liés par un vœu spécial, l’usage de la viande, sauf les exceptions ci-après indiquées. Ceux qui sont obligés au jeûne ne pourront user de cette faveur que dans un seul repas ; ils pourront faire usage de lard, de saindoux et de beurre comme assaisonnement à la collation : nella piccola refezione délia sera. L’usage de la viande et du poisson au même repas est interdit même le dimanche, jour où la loi du jeûne n’oblige pas. « Sont excepté’S de cet induit, suivant la volonté du Saint-Père, le jour des Cendres (17 février), les trois jours des Quatro-Temps, les vigiles de saint.loseph et de l’Annonciation (18 et 21 mais) et les trois derniers jours de la semaine sainte (31 mars, 1° et 2 avril). En cesdits jours on ne devra user que d’aliments maigres, cibi di stretto magro ; sont par conséquent défendus les assaisonnements de lard, de saindoux et de .beurre. » Sont pareillement exceptés 1rs vendredis et les samedis qui ne sont pas compris dans le précédent paragraphe ; mais en ces jours-là on permet l’usage des œufs et des laitages (ceux qui sont obligés au jeune ne peuvent profiler de cette permission que dans un seul repas) ; on permet également l’usage du lard, du saindoux et du beurre comme assaisonnement même à la collation. « Quiconque, pour des raisons de santé, doit manger de la viande les jours défendus ci-dessus, devra se pourvoir d’un certificat de médecin apostille par son propre curé, et prendre garde, en usant de cette faveur spéciale, d’être une occasion de scandale pour le prochain. « Ceux qui sont obligés de manger dans les hôtelleries ou en d’autres lieux publics iront où ils trouveront le moyen de remplir les obligations de leur conscience. Les hôteliers, loueurs (locandicri) et aubergistes sont obligés en conscience d’avoir sous la main les jours de jeûne des aliments maigres, afin que ceux qui voudront observer les lois quadragésimales trouvent chez eux de quoi manger, Y alimenta richiesto. »

Dispositif du mandement de Paris. — Art. 5. « En vertu d’un induit du saint-siège, nous permettons l’usage de la viande les dimanche, lundi, mardi, jeudi et samedi de chaque semaine, depuis le jeudi après les Cendres jusqu’au mardi de la semaine sainte inclusivement, à l’exception du samedi de la semaine des Quatre-Temps, 27 février. « Les personnes tenues au jeûne ne pourront user de cette permission qu’une fois chaque jour, au principal repas, excepté le dimanche. « Le mélange de la viande et du poisson au même repas est interdit pendant le carême, même les dimanches. Cette interdiction s’applique aux autres jours de jeûne de l’année, mais non aux jours d’abstinence où l’on ne jeûne pas. « Les personnes qui, à raison de leur âge, de leurs infirmités ou de leurs travaux, seront dispensées du jeûne, pourront faire gras plusieurs fois par jour. »

Art. 6. « Nous permettons l’usage des œufs au repas principal pendant tout le carême, à l’exception du vendredi saint. « Nous permettons aussi l’usage du lait et du beurre à la collation, excepté le vendredi saint. « Nous permettons aux ouvriers et aux familles peu aisées, l’usage de la graisse, au lieu du beurre, pour les assaisonnements, durant l’année et le carême, excepté le vendredi saint. »

Art. 7. « Les personnes infirmes qui auraient besoin de dispenses plus étendues pourront s’adresser à leurs curés respectifs ou à leurs confesseurs, que nous autorisons spécialement à cet effet. Celles qui vivent dans les collèges, communautés ou hospices s’adresseront au premier aumônier, au supérieur ou au chapelain, également investis du même pouvoir. »

Art. 8. ci Toutes personnes qui usent de la dispense de l’abstinence, doivent, selon leurs facultés, faire une aumône qu’elles remettront à MM. les curés. La condition de cette aumône est obligatoire. « Une autre aumône est due également par tous ceux qui profitent de l’autorisation de faire usage du lait et du beurre à la collation. Cette aumône est distincte de la première. »

On pourrait trouver des exemples d’adoucissements plus considérables encore à la loi du jeûne dans certains diocèses. A Rouen, le dispositif contient l’article suivant iart.9) : « Pendant le carême, le mercredi des Cendres les vendredis, (les Quatre-Temps, ) les trois derniers jours de la semaine sainte exceptés, nous autorisons à user d’aliments gras les professeurs et les élèves des maisons d’éducation, le personnel des hôpitaux et des maisons de charité, les familles pauvres, les ouvriers occupés à des travaux manuels, toutes les personnes qui exécutent des travaux pénibles, les voyageurs et toutes les personnes qui, pour des raisons légitimes, sont dispensées du jeûne. »

En vertu de la constitution Trans Oceanum promulguée par Léon Mil. le t> juillet 1889, l’Amérique latine jouit pour le carême de privilèges tout à fait spéciaux. Ms r Canappe, évêque de la Guadeloupe, dans son mand. ment de 1901, les applique ainsi à son dioi