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CATHARES


en établissant que l’accusation portée contre eux de ruiner le mariage et la famille n’était pas fondée : « Nous rappellerons, dit C. Molinier, Revue historique, Paris, 1884, t. xxv, p. 412, la parole significative d’Etienne de Bourbon : Uxores electis eoruni prohibentur, audiloribus conceduntur, parole qui nous montre le mariage entendu dans l’Eglise cathare, en dépit de la théorie, de la même façon que dans l’Église catholique, permis aux fidèles et défendu aux prêtres. » Cf. Alphandéry, op. cit., p. 81. Ce rapprochement n’est pas valable. L’l’élise catholique admet que le fidèle qui vit dans l’état de mariage peut se sauver comme le prêtre qui vit dans le célibat. Pour les cathares, les croyants (et les auditeurs, cf. Schmidt, t. ii, p. 98 ; Alphandéry, op. cit., p. 37), quelles que fussent leurs vertus, ne pouvaient se sauver tant qu’ils ne seraient que croyants ; les obligations imposées par le catharisme et le salut qui en résultait appartenaient en propre aux parfaits. Aux hommes du monde, admis parmi les croyants, il était permis « de vivre à leur gré, à la seule condition de se faire imposer les mains à l’heure de la mort ». Schmidt, op. cit., t. i, p. G8. Si une* mort subite ou l’absence d’un parfait rendait impossible la réception du consolamentum, le salut était impossible immédiatement, d’après les dualistes rigoureux, et l’âme n’avait qu’à émigrer dans un autre corps pour recommencer son expiation, ou bien, selon les dualistes mitigés, elle (’tait laissée sans retour entre les mains du principe mauvais, et ainsi le salut était absolument impossible. Cl. Schmidt, t. ii, p. 99. Dans l’une et l’autre explication, le consolamentum était requis pour être sauvé, et recevoir le consolamentum c’élait s’engager à suivre les obligations de la morale cathare, c’était renoncer au mariage.

Quand bien même le catharisme n’aurait pas abouti logiquement à des conséquences antisociales, il serait encore juste d’observer qu’il poursuivit « une perfection idéale impossible », Schmidt, op. cit., t. ii, p. 170, et, par là même, déprimante et contre nature. Le nombre des parfaits, c’est-à-dire de ceux qui étaient dans des conditions normales de salut, ne pouvait être et ne fut qu’insignifiant comparativement aux autres. Rainier Sacconi dit, col. 1767 : In tuto mundo non sunt cat/iari utriusque sexus numéro quatuor milita, et dicta compulalio pluries olim facta est inlcr cos. Ainsi une élite, une caste, environ 4000 personnes, avaient seules dégagé leur âme, en recevant le consolamentum, de l’influence du principe mauvais et se préparaient à retourner vers le Dieu bon. Les croyants, c’est-à-dire l’immense multitude, « se sentaient sous la perpétuelle menace de la damnation, en un état de péché mortel qui durait toute leur vie. C’était assez pour obscurcir toutes leurs joies ; une naissance, un mariage n’étaient pour eux que des époques de ce péché unique. » Alphandéry, p. 40. Ils avaient la ressource d’être « consolés » à l’heure de la mort ; mais, outre que les circonstances dans lesquelles ils mouraient pouvaient les priver du n, ils étaient réduits si, ayant reçu le consolamentum, ils continuaient de vivre, à garder des commandements terribles ou à se soumettre à [’endura, suicide plus ou moins lent par la privation de toute nourriture, une des plus sauvages pratiques qui aient existé’, " et qui n’était cependant que la conséquence logique du système. Alphandéry, op. cit., p. 51. Quant aux parfaits eux-mêmes, toute inquiétude relative au salut c’était p-is bannie du fait qu’ils avaient reçu le lamentttm. Si le parfait qui l’avait conféré était en état de péché mortel, ayant manqué à l’une de ses nombreuses et en même temps si rigouj, le consolamentum était sans effet. Comme on ne pouvait s’assurer des dispositions intérieures du mini tn en ne pouvait être sûi d’avoir été : consolé d’une manière eflicace. Une fois consolé, on perdait le

DICT. DE 1111.01.. CATIIOL.

bénéfice du consolamentum par un manquement grave aux obligations de la secte, par exemple en mangeant de la viande, en tuant une mouche, en communiquant avec un homme du monde sans s’efforcer de le convertir ; on pouvait être consolé de nouveau. Mais ce n’était pas seulement du consolé que dépendait la persistance des effets du consolamentum, c’était encore du ministre ; si celui-ci commettait un péché mortel, l’efficacité du consolamentum qu’il avait conféré était détruite, au point que etiam salvati pro peccato consolatoris cadebaut de ca’lo, ainsi que le leur fait dire Pierre de Vaux-Cernay, Historia albigensium, c. il, dans Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, 1833, t. xix, p. 6. Bien plus, d’après un auteur dont le témoignage est suspect, ils auraient admis que, dans ce cas, l’âme du consolé était vouée à la damnation. Cf. Le débat d’izarn et de Sicart de Figueiras, publié par P. Meyer, Nogent-le-Rotrou, 1880, v. 545551, p. 29 ; voir la note de l’éditeur, p. 48, note 2.

IV. Littérature cathare et anticathare.

1° Littérature cathare. — Il y eut, au moyen âge, un grand nombre de livres dus à des hérétiques. Cf. un curieux récit d’Etienne de Bourbon, Anecdotes historiques, p. 275-277, sur le prince Robert d’Auvergne, qui avait, pendant quarante ans, réuni les livres de toutes les sectes afin, expliqua-t-il, de pouvoir les utiliser dans ses discussions avec les albigeois voisins de ses terres. Le dominicain Moneta de Crémone, Adversus catharos et valdenses, édit. Bicchini, Rome, 1743, expose les doctrines des cathares d’après leurs écrits, parle, en particulier, p. 248, 347, 357, d’un Didier qui aurait composé quelque ouvrage, et emprunte à un Tétricus la liste des arguments dont se servaient les cathares pour prouver quelesâmessontcoéternellesà Dieu, p. 71. Rainier Sacconi avait en sa possession un gros traité de Jean de Lugio, d’après lequel, à ce qu’il rapporte, col. 1773, il donna le sommaire des théories particulières de ce personnage. Luc de Tuy, De altéra vita ftdeique controversiis adversus albigensium errorcs, dans M. de la Bigne, Riblioth. Pat., Paris, 1624, t. IV b, col. 692, mentionne un traité de philosophie cathare, entremêlé de passages de l’Écriture sainte, intitulé Pcrpendiculum scienliarum ; il attribue aux cathares diverses fraudes, celles notamment d’un certain Arnaud qui corrompait les œuvres des saints Augustin, Jérôme, Isidore et Bernard, et les vendait ensuite ou les donnait aux catholiques, col. 706. Puis c’étaient des écrits de propagande populaire, des schedulx, que les cathares semaient le long des chemins, et qui durent se composer de railleries à l’adresse du catholicisme et de l’exposé de quelques-uns des enseignements de la secte. Cf. C. Molinier, Annales de la faculté des lettres de Bordeaux, t. v, p. 230-232. Tous ces écrits ont été perdus. Il nous reste des cathares un rituel et la traduction du Nouveau Testament en langue vulgaire. L. Clédat lésa publiés sous ce titre : Le Nouveau Testament traduit au X1I1e siècle en langue provençale, suivi d’un rituel cathare, Paris, 1888. Sur les versions de la Bible et sur les livres apocryphes reçus dans la secte, cf. Schmidt, op. cit., t. II, p. 274-275 ; sur les écrits cathares, cf. Schmidt, op. cit., t. ii, p. 1-2 ; C. Molinier, loc. cit., p. 226-234 ; C. Douais, Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans le Languedoc, Paris, 1900, t. ii, p. 97-99, note.

2° Littérature anlical /tare. — Pour connaître les doctrines des cathares, nous sommes réduits aux témoignages de leurs adversaires. Mais à ces témoignages nous pouvons ajouter foi, sauf à les soumettre aux n de la critique. Cf. Schmidt. op. cit., t. i, p. iv ; t. ii, p. 2-4 ; Hebelliau, op. eii., p. 390-392, L’accord qui règne

sur les points essentiels entre des écrivains des divers pas, qui s’échelonnent du xe siècle finissant jusqu’au XVe, ne serait pas explicable s’ils n’étaient pas dans le vrai. Les traités contie le catharisme qui nous sont

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