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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/38

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CALVIN

pourquoi, un mois après la mort de Servet, Calvin publia, en latin et en français, sa : « Déclaration pour maintenir la vraie foy… contre les erreurs détestables de Michel Servet, Espagnol, où il est montré qu’il est licite de punir les hérétiques et qu’à bon droit ce meschant a esté persécuté par justice en la ville de Genève. » Sébastien Castellion qui, lui-même, en 1545, avait dû s’exiler de Genève et souffrir plusieurs années d’une noire misère, pour expier ses divergences d’opinion d’avec Calvin, lui répondit, de Bâle, également en latin et en français par son « Traicté des hérétiques, à savoir si on les doit persécuter… De hæreticis an sint persequendi ». Comme toutes les victimes, il se faisait l’apôtre de la tolérance ; les circonstances ne lui ayant pas permis, comme à Calvin, de devenir le plus fort, nous ignorons ce que, dans la pratique, il eût fait de ses principes.

Cependant une nouvelle crise politique menaçait la suprématie de Calvin. En 1551 et 1552, le parti des libertins avait repris l’avantage ; ils avaient refusé la bourgeoisie à un grand nombre de réfugiés ; obtenu le désarmement des habitants qui n’étaient pas citoyens et l’exclusion des ministres du Conseil général. Ces succès enhardirent outre mesure Philibert Berthelier, le fils de celui qui avait été jadis le premier martyr de la liberté politique de Genève. Depuis deux ans il était excommunié par le Consistoire « pour n’avoir pas voulu convenir qu’il avait mal fait de soutenir qu’il était aussi homme de bien que Calvin ». Le 1er septembre 1553, il obtient du Conseil une déclaration lui permettant de communier ; Calvin n’en refuse pas moins la cène, avec la dernière énergie, aux libertins qui se présentent ; l’intervention des Églises suisses, la venue de Farel, apaisent un instant le conflit. Mais les libertins portent la lutte sur le terrain politique et accusent les réfugiés de vouloir livrer Genève à la France, chose bien invraisemblable ! Aux élections de 1555, ils sont battus et le parti calviniste triomphe entièrement ; pour rendre sa victoire définitive, celui-ci donne le droit de bourgeoisie à 70 réfugiés en avril, à 300 en mai. C’était pousser au désespoir le parti national genevois. Dans la nuit du 18 mai, Berthelier et Perrin essaient de provoquer une émeute ; les troubles sont vite réprimés, mais Calvin tenait le prétexte cherché ; 60 rebelles, qui heureusement avaient réussi à passer la frontière, sont condamnés à mort et exécutés en effigie. Le plus jeune des frères de Berthelier et un de ses amis, après avoir été torturés, sont réellement exécutés : « Ce procès, dit M. Buisson, au jugement même des contemporains, fut un simple coup d’État judiciaire. Il commence par les dénonciations que la torture arrache à de malheureux bateliers que l’on se hâte d’écarteler. Il se poursuit par une série de procédures que le gouvernement de Berne qualifie assez par cette remarque que « les témoins et rapporteurs y sont en même temps juges ». Il se termine par l’exécution sans pitié des deux principaux adversaires de Calvin. » — « Le parti calviniste, usant de sa victoire, ajoute le même M. Buisson, fit décider en assemblée générale, « par édit exprès que nul, quelqu’il soyt, n’ait à parler de remettre ny laisser venir de dans ceste cité les dits fugitifs séditieux, à cause que celuy qui en parlera, avancera ou procurera, aura la teste coupée « (8 septembre). Cette fois Calvin était le maître. De son vivant, les fugitifs ne rentrèrent pas à Genève. Vingt fois, Berne intercéda pour eux, toujours en vain. Elle ne cessa de les protéger ouvertement et de les traiter, non comme des coupables, mais comme des vaincus. Puis le temps lit son œuvre : les intérêts supérieurs de la cause protestante en Europe commandèrent de jeter un voile sur des souvenirs qui n’intéressaient que Genève. Et l’histoire elle-même, toujours complice du sucres, flétrit cette poignée de patriotes, qui avaient tenu tête à la seconde tyrannie comme à la première, du nom de parti des libertins. » Histoire générale, t. iv, p. 521.

Per quæ peccat quis, per hæc et torquetur ; les libertins avaient jadis contraint une partie de leurs concitoyens à suivre sur le sol étranger la foi de leurs pères proscrite au lieu de leur naissance ; le même sort les atteignait ; ils étaient dominés par un étranger, assisté d’étrangers, qui les traitait dans leur propre ville comme, à l’aide des Bernois, ils y avaient jadis traité une partie de leurs concitoyens ; les ministres s’interposaient entre Dieu et les nouveaux fidèles, tout comme jadis le clergé catholique, mais avec de bien autres instruments de domination : un homme érigeait en dogmes les conceptions de son esprit et traitait en blasphémateur et en impie quiconque refusait de s’y soumettre ; tel était l’aboutissement d’une révolution commencée au nom de la liberté.

VI. Le rôle de Cm. vin en Europe et ses œcvp.es de l.V ! a 1555. — Les dernières années de Calvin appartiennent à l’Europe protestante plus qu’à Genève. Mais ce rôle universel, Calvin le jouait depuis longtemps : « .le me reconnais, écrivait-il à Mélanchthon, de beaucoup au-dessous de vous ; mais néanmoins je n’ignore pas en quel degré de son théâtre Dieu m’a élevé’. »

A la mort d’Henri VIII, en 1517. le régent d’Angleterre, duc de Somerset, entreprend de faire triompher le protestantisme en Angleterre ; Calvin lui adresse en octobre 1518 une lettre qui renferme un exposé complet des vues du réformateur sur les changements à opérer en ce pays. Il ne manque pas de lui rappeler que, dépositaire de l’autorité royale, il peut i réprimer par le glaive » ceux qui s’opposeraient à ses projets. Au jeune Edouard VI, l’espoir de la Réforme, il dédie le^’mentaire sur Isaïe et le Commentaire sur les Épi 1res catholiques ; il en accompagne l’envoi d’une lettre où il revient plus brièvement sur ce qu’il y aurait à faire dans son royaume. Calvin est aussi en correspondance avec Cranmer, le primat d’Angleterre ; il voudrait que la Réforme serrât les rangs de son armée et tint son concile en face de celui de Rome (1552). En 1553, la mort d’Edouard VI renverse les espérances de Calvin. En 1555, il fait donner un temple à Genève aux réf anglais ; le réformateur de l’Ecosse, John Knox, y ei les fonctions de ministre. L’avènement d’Elisabeth ramena les réfugiés dans leur patrie ; Calvin donna un pasteur à l’Eglise française de Londl

Il encourage et fortifie les protestants de France ; il leur envoie des missionnaires ; par — il console

et soutient ceux qui vont mourir dans les supplices.

Calvin a eu souvent maille à partir avec les pi tants italiens réfugiés a Genève et dont il n’entendait pas tolérer les hardiesses doctrin’u soutire

pourtant, dit l’historien protestant, son admirateur convaincu, Bungener, à le voir s : impératif, si âpre, avec des gens qui avaient bravé Borne de si près t quitté pour l’Évangile, i Le procès de Valenlin Gentilis marque le point culminant de ces débats avec la colonie italienne. Eue prompte rétractation sauva la vie de Gentilis ; mais, tourmenté par ses regrets, Gentilis devait quelques années plus tard attaquer de nouveau les idées (lu réformateur ; les Bernois le mirent à mort, tandis que ses amis de Genève étaient condamnés i l’exil.

La période qui s’écoule de 1511 à 1555 est, dans la vie de Calvin, singulièrement féconde en écrits. En I5U, est imprimé’à Genève, en français, le Petil traité de la sainte cène.’en 1542, le Catéchisme de i’Église de t’.enive par questions et réponses (en français et en la tin 1 ; en 1513, Y Humble exhortation d l’empereur CharlesQuint et d la diète de Spire pour qu’Ut veuillent bi("ti mettre sérieusement la main d la restauration île l’Église (en latin) ; un traité dogmatique contre Albert Pighius, Défentede la s. : hodoxe doctrine sur

la servitude et l’affranchissement de la volonté humaine (en latin) ; V Avertissement très utile du grand profit ijui reviendrait d la chrétienté s’Use faisait inventaire