veuf qui voulait se remarier, comme un spectacle capable de le détourner de son dessein, la beauté incomparable du célibat ecclésiastique. « Combien en voyons-nous dans les ordres sacrés qui ont embrassé la continence, qui ont préféré se marier à Dieu, qui ont rétabli l’honneur de leur chair et, fils du temps, se sont sacrés pour l’éternité, mortifiant en eux la concupiscence du désir et tout ce qui est exclu du paradis. » De exhortatione caslitalis, c. xiii, P. L., t. ii, col. 390.
Vers le même temps, Origène tenait un langage à peu près semblable. Il fait remarquer que, dans le dénombrement des vêtements sacerdotaux de l’ancienne loi, l’Exode ne s’accorde pas avec le Lévitique ; pendant que l’Exode en cite huit, le Lévitique n’en mentionne que sept : les femoralia ou jambières manquent à sa liste. Le savant alexandrin s’étonne de cette divergence et en cherche la raison. Les femoralia, dit-il, figuraient la chasteté ; s’ils manquent dans l’énumération du Lévitique, c’est que les prêtres de l’Ancien Testament n’étaient pas tenus de pratiquer cette vertu perpétuellement, mais seulement pendant la durée de leur service au Temple. Et il ajoute : « Je me garderai bien d’appliquer cette interprétation aux prêtres de la loi nouvelle. » In Levit., homil. vi, 6, P. G., t. XII, col. 474. Parla, nedonne-t-il pas clairement à entendre que les prêtres catholiques devaient observer non pas temporairement, mais à perpétuité, la continence ? Aussi, continuant son commentaire, il compare et oppose en quelque sorte la paternité corporelle des prêtres de l’ancienne loi à la paternité spirituelle des prêtres de la loi nouvelle : « Dans l’Église aussi, les prêtres peuvent avoir des enfants, mais à la manière de celui qui a dit : Mes enfants, je soutire pour vous les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. » Une telle explication suppose que les prêtres catholiques, s’ils n’étaient pas tenus, par une loi proprement dite, d’observer la continence, la pratiquaient du moins ordinairement.
La même impression se dégage des textes patristiques du ive siècle. Eusèbe († 340), examinant, au cours de sa I h monstration évangélique, les raisons pour lesquelles la procréation des enfants est moins en honneur sous la loi nouvelle que dans l’Ancien Testament, fait observer que la continence convient aux prêtres et à tous ceux qui sont employés au service du Seigneur : lepto^évovç. .. àve/etv >.ombv g-çS ; oc-jto’J ; npoor%si tyjç ya(l.lxf|Ç oij’.'/iaç. L. I, c. ix, P. G., t. xxii, col. 81. C’est dans le même sens que saint Cyrille de Jérusalem écrit : « Celui (évoque, prêtre ou diacre) qui veut servir comme il convient le Fils de Dieu s’abstient de toute femme : » t ! yàp 4 tû ulû xocXû ; UpaT£Ja>v âiu-/ETat ^uvaixô ;. Cal., xii, c. x.w, P. G., t. xxxiii, col. 757.
Une lettre célèbre de Synésius, ce philosophe néoplatonicien devenu malgré lui évéquede Ptolémaïs, montre combien L’idée de la continence épiscopale était entrée avant dans les mœurs, même en Orient, aux environs de l’an 400. « Je ne puis, dit-il, cacher à mon frère ce que je veux que tout le monde sache… Dieu, la loi et la main sacrée de Théophile (évoque d’Alexandrie) m’ont donné une épouse. Or, je déclare hautement que je n’entends ni me séparer d’elle, ni avoir avec elle des rapports clandestins, à la manière des adultères. La séparation serait impie ; les rapports clandestins seraient contraires à la règle du mariage. Je veux donc avoir d’elle de nombreux enfants. > Epist., cv, P. G., t. lxvi, col. 1 485. Les critiques, cf. Koch, Synésius von Cyrene bei seiner Wahl und Weihe zum Bischof, dans Histo7-isches Jahrbuch, 1902, p. 751 sq., estiment que Synésius reçut i’épiscopat dans ces dispositions. Sa déclaration n’en témoigne pas moins que, de son temps, les évéques marii s, en ri cevant les saints ordres, avaient coutume de renoncer à leurs droits conjugaux.
i i » t ce qu’atteste (’gaiement saint Jérôme, tant pour
l’Orient que pour l’Occident, quand il répond à Vigilance, adversaire déclaré du célibat ecclésiastique : « Que deviendraient (dans votre système) les Eglises d’Orient ? que deviendraient les Églises d’Egypte et de Rome, qui n’acceptent des clercs que vierges ou continents, ou qui exigent, quand elles ont affaire à des clercs mariés, que ceux-ci renoncent à tout commerce avec leurs épouses ? » Adversus Vigilantium, en, P. L., t. xxiii, col. 341.
Après cela, il est bien difficile de méconnaître que la pratique du célibat ecclésiastique fut en honneur dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. Mais on est allé plus loin ; on a prétendu que les textes que nous venons d’alléguer et d’autres encore témoignaient que cette pratique était l’effet d’une loi apostolique. Les textes autorisent-ils une telle opinion ?
Origène, dit-on, oppose la paternité spirituelle du sacerdoce catholique à la paternité corporelle du sacerdoce juif. C’est donc que, dans sa pensée, il n’était pas permis aux prêtres du Nouveau Testament de procréer des enfants ; une semblable interdiction suppose une loi existante. Bickell, Zeitschrift für katlwl. Théologie, t. il, p. 44-46 ; t. iii, p. 794. Nous répondrons : Origène ne mentionne pas cette loi ; son argumentation ne la suppose pas nécessairement ; elle se comprend aussi bien si l’on admet tout simplement que le célibat était généralement observé de son temps et formait l’idéal du sacerdoce chrétien. Son texte n’est donc pas de nature à trancher la question.
Tertullien, quoi qu’on en dise, n’est pas plus explicite. Quanti et quantee. in ecclesiaslicis ordinilnts de continentiacensenturfhe sens du mot quanti, qui peut signifier : « combien (parmi les clercs) observent librement la continence, » ou : « combien sont nombreux les clercs, qui (tous) observent la continence ! » doit être déterminé, assure-t-on, par le sens du mot quantee qui l’avoisine. Or celui-ci s’applique aux veuves, aux diaconesses et aux vierges, qui, toutes sans exception, étaient nécessairement astreintes à la chasteté. C’est donc que, selon Tertullien, le devoir de la continence s’imposait semblablement à tous les clercs : autrement, l’exemple qu’il proposait à son interlocuteur n’aurait pas été probant. Si quelques clercs usaient du mariage, il n’y avait pas de raison pour qu’un laïque ne fit pas comme eux. Bickell, ibid., t. il, p. 38-42. En bonne logique cette argumentation est irréfutable. Mais d’une façon oratoire (et l’on sait que cette façon est toujours la sienne), Tertullien pouvait proposer pour modèle à un veuf la majorité aussi bien que la totalité des clercs. L’exemple, sans être aussi convaincant, n’en eût pas moins été persuasif. Et quand on prendrait son argumentation à la lettre, il faudrait encore prouver que le clergé dont il parle observait la continence en vertu d’une loi apostolique et non en vertu d’une coutume plus ou moins récente. Il serait bien étonnant que Tertullien, s’il eût connu une pareille loi, n’en eût pas fait état. En somme, son langage se réduit à ceci : c Combien de clercs — soit la totalité, soit la majorité (plutôt la majorité) — vivent dans le célibat ! Pourquoi n’en feriez-VOUS pas autant ? » Et la question de l’origine du célibat ecclésiastique reste entière.
On ne saurait non plus la trancher avec le texte d’Eusèbe. Demonst. evang., i, 9. L’évéque de Césarée entreprend d’expliquer pourquoi la loi nouvelle ne favorisait pas autant que l’ancienne la procréation des enfants. Voici son raisonnement : « Les docteurs et les prédicateurs de la parole de Dieu observent nécessairement la continence, afin de s’adonner plus entièrement à des œuvres supérieures : pâXto-ca B’oîv toûtoi ;
àvaYxato> ; TCtvOv Cià TT)V Ttep’i -à xpstt-to <7/o), ï}v y) -fnv
yaiiûv àva/i.’ipr^t ; wtouSâÇeTat. Ils forment une postérité divine et spirituelle et ne se bornent pas à faire l’éducation d’un ou deux enfants, mais s’occupent d’une