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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/393

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CELSE


vement de l’homme. L’homme n’est pas au-dessus de la bêle et bien des animaux l’emportent sur lui. Cont. Cels., IV, 69 sq., col. 1137 sq. Toutefois, concède Celse, puisque les juifs ont formé depuis longtemps un corps de nation, ils sont libres de garder leur religion, nullement parce qu’elle est vraie, mais uniquement parce qu’elle est nationale et traditionnelle. Aux yeux d’un Romain, en effet, le seul fait de constituer un peuple assurait le privilège de l’autonomie religieuse. Mais Celse refuse aux juifs le droit de se croire au-dessus des autres et de mépriser ceux qui n’appartenaient pas à leur race.

4. Attaques contre Jésus.

Qu’est-ce que Jésus ? Pour répondre à cette question, Celse n’aura garde d’oublier les griefs des juifs et il ajoutera ceux d’un païen. Or, aux yeux des juifs, Jésus est un faiseur de tours, un charlatan, un goète, d’origine suspecte, Cont. Cels., I, 28, col. 713 ; il a fini une vie d’aventurier par une mort ignominieuse. Ni la vie, ni la mort d’un tel personnage ne sauraient être, comme le prétendent les chrétiens, celles d’un Dieu. Condamné au supplice, il n’a pas fait éclater sa vengeance, comme il l’aurait dû s’il était Dieu. Cont. Cels., ii, 9, 16-21, 67-69, col. 808, 825-8W), 901-905. Ses disciples, choisis parmi des scélérats, l’ont livré, renié, abandonné. C’est, dit-on, le Fils de Dieu descendu sur la terre, le Verbe fait chair, le Messie promis. C’est ici que Celse exerce sa verve sarcastique. L’incarnation d’un Dieu aurait du, seinble-t-il, être facilement admise par un esprit aussi au courant des fables de la mythologie qui montrent les rapports si fréquents des dieux avec les hommes. Mais non ; Celse, oubliant que les objections qu’il oppose à l’incarnation peuvent se retourner avec plus de raison contre le polythéisme, s’inscrit en faux contre ce dogme. Mêlant deux questions distinctes, celle de l’essence de Dieu et celle de sa manifestation dans le temps et dans l’espace, il tire de la première la négation de la seconde. Dieu, dit-il, est immuable. D ne peut sans déchoir ni changer ni s.’mouvoir. Car s’il laissait un instant le gouvernement du monde, toute la machine se disloquerait. Et puis dans quel but viendrait-il ? Ne sait-il pas tout ce qui se passe sur terre ? Faut-il qu’il soit sur les lieux pour remédier aux désordres ? Manque-t-il quelque chose à son bonheur ? Voudrait-il faire preuve de sa toute-puissance ? En tout cas, s’il est venu pour châtier les uns et pour sauver les autres, il a bien attendu ; sa justice est par trop lente. Du reste, pourquoi serait-il descendu de préférence dans un coin obscur du monde, chez un misérable petit peuple ? Est-ce que l’homme vaut la peine d’une pareille condescendance, lui qui est inférieur en tant de choses aux abeilles, aux biseaux, aux fourmis ? Cont. Cels., iv, 23-30, 74 sq., col. 1060-1073, H 44 sq. On comprend, devant de semblables difficultés, combien Origène avait beau jeu pour répondre. La saine philosophie n’a pas de peine à concilier le dogme de la providence et de l’intervention divine avec l’immutabilité de Dieu. Et la théologie catholique ouvre des horizons autrement larges ; elle donne, en particulier, comme motifs de l’incarnation, des raique la sagesse humaine ne peut approfondir qu’avec an entiment ému d’admiration et de reconpour la bonté inlinie de Dieu. Celse, s’il eûl raisons et s’il avait possédé assez de sincéi il’et de droiture d’àme pour se départir de ses préjumrail certainement tenu un autre langage, l’eutuiéiiie qu’avec un maître tel qu’Origène, aurait-il uvelé l’exemple donné’par saint Justin. Mais Celse est de son temps et, bien qu’il marque au premier rang qui ont le moins imparfaitement connu

l’enseignement évangélique, il s’est arrêté à des difficultés de surface, dont il a fait des instrumenta de Combat, parce que, avant tout, il tenait à combattre coup moins qu’a s’éclairer. Si sur le témoignage d’une femme exaltée, yvvï) nipoicffoç, Cont. Cels., Il,

39, col. 860-861, les chrétiens, comme il dit, appuient leur croyance à la résurrection de Jésus, Cont. Cels., n, 59, col. 889, ce n’est là qu’un incident. Il touche, du inoins, à la vraie question qui est celle de savoir si Jésus est Dieu. Là est le point capital de la controverse entre juifs et chrétiens, et là aussi Celse est appelé à se prononcer. Or les chrétiens apportent notamment deux preuves en faveur de la divinité de Jésus, l’une qui est l’accomplissement des prophéties, l’autre qui est l’éclat des miracles. Ce sont ces deux preuves que Celse va chercher à éluder.

5. Contre la preuve de la divinité de Jésus, tirée de V accomplissement des prophéties. — Les chrétiens disaient : Jésus est Dieu, parce qu’il a accompli toutes les prophéties relatives au Messie. Celse, qui connaît la réponse des juifs à cet argument péremptoire, la reproduit et l’aggrave par des considérations d’ordre philosophique et historique. Il constate cependant que l’argument tiré de l’accomplissement des prophéties est de beaucoup le plus fort, îtr/upoTàiriv aTroosi^v. Cont. Cels., ii, 28, col. 848. Il croit en avoir raison par cette triple proposition : les prophéties sont en soi une chose qui répugne. Elles ressemblent aux oracles du paganisme et par suite n’ont pas plus de force probante. Elles ne s’appliquent pas à Jésus.

Celse ne nie pas directement la possibilité du surnaturel ; mais, en prétendant que la prophétie contraindrait nécessairement la libre volonté de celui qui en est l’objet, Cont. Cels., ii, 20, col. 836, il en arrive par voie de conséquence à nier cette possibilité, à cause du libre arbitre : c’est la thèse rationaliste. De plus, en rapprochant les prophéties de la Bible des oracles du paganisme, et en les mettant bien au-dessous, il néglige la différence caractéristique qui distingue les prophéties de ces oracles, soit dans leurs agents ou organes, soit dans le mode de leur manifestation, soit surtout dans leur objet et leur but : c’est la thèse païenne. Enfin, en s’appropriant la thèse juive, il répète que les prophéties de l’Ancien Testament manquent de clarté et de précision et se refuse, tout comme les juifs, à les voir réalisées en Jésus. Cont. Cels., i, 52, col. 757. Or, philosophiquement parlant, Celse a tort de nier la possibilité de la prophétie ; car il réduit la connaissance de Dieu et met arbitrairement une limite à sa liberté, Mais ce n’est qu’un leurre ou, du moins, une inconséquence, puisqu’il parle des oracles païens ; c’est donc que Dieu peut faire des prophéties. Dès lors le problème se réduit à une question de fait : oui ou non, y a-t-il des prophéties dans l’Ancien Testament ? Celse, ne pouvant le nier, se borne comme les juifs à prétendre que ces prophéties n’ont pas eu leur accomplissement en Jésus ; autre question de fait, si admirablement tranchée par saint Justin dans son Dialogue arec Tn/plum, et qu’Origène tranche à son tour en montrant que si telle ou telle prophétie a été accomplie par tel ou tel personnage de l’Ancien Testament, l’ensemble des prophéties, concernant le Messie, n’ont eu leur pleine réalisation, en dépit des dénégations intéressées îles juifs, que dans la personne de Jésus.

6. Contre la preuve île la divinité île Jésus, tirée des miracles, — Les miracles de Jésus sont racontés par l’Évangile ; leur authenticité repose sur un témoignage historique. Une fait Celse ? lie même que, contre les juifs, il avait refusé de reconnaître une valeur quelconque au témoignage île la Bible, de même, contre les chrétiens, il nie l’autorité historique des livres du Nouveau Testament. Il accuse les évangiles d’être la triple ou quadruple rédaction d’un texte (ad dans le but Intéressé de répondre à des difliculli’* ou à des objections. Cont. Cris., ii, 27. col. 8’iS. Cela i » "-< :. Celse reprend contre là preuve de la divinité de Jésus tirée des miracles la même argumentation qu’il vient de faire contre les prophéties, Le miracle, dit-il, est eu général