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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/41

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CALVIN


préoccupations confessionnelles, Renan, dans ses Etudes religieuses, M. r’aguet, dans ses Eludes sur le XVIe siècle, M. Rrunetière, dans sa Conférence de Genève et dans son Histoire de la littérature française classique, ont exprimé sur Calvin des opinions très libres et très dignes d'être méditées. Indépendamment des historiens de Calvin dont on trouvera les noms à la bibliographie, nous devons signaler un intéressant article de M. Rosseuw Saint-Hilaire dans la Revue chrétienne du 15 décembre 1862 et un discours de M. de Félice, doyen de la faculté de théologie de Montauban, pour le troiscentième anniversaire de la mort de Calvin, en 1861. En rapprochant et en comparant ces divers jugements, on arrive à se faire une idée assez complète et assez exacte du chef de la Réforme française.

A nos yeux, Calvin fut un homme de réaction ; il ne chercha point à concilier avec la doctrine chrétienne les tendances de son époque pour lesquelles l’Eglise catholique lui semblait avoir une complaisance coupable ; il ne sut pas voir dans l'Église un organisme vivant, appelé par conséquent à se transformer au cours des siècles, suivant une loi ; il se borna à remonter aux origines telles qu’elles lui apparaissaient et prétendit réformer la doctrine et la discipline de l’Eglise sur le modèle antique ; il modifia sous ce prétexte, sur quelques points essentiels, et la doctrine et la discipline catholiques ; puis, sûr de l’infaillibilité de son jugement et de l’excellence de son œuvre, pour cette doctrine et cette discipline réformées, il réclama tous les droits et toutes les prérogatives qui avaient appartenu à l’ancienne Église ; substituer l'Église de Calvin à l’Eglise du pape, il n’eut pas d’autre but. Au fond, son tempérament fut précisément celui que nos adversaires ont coutume d’imputer à ceux des catholiques qu’ils tiennent pour les plus intransigeants et les plus étroits ; jamais contemporain d’Innocent III, jamais interprète le plus outré du Syllabus ne proclama de façon plus absolue les droits exclusifs de la vérité et de ses interprètes authentiques ; pour Calvin, l'État est au service de l'Église et de la vérité religieuse, dogmatique et morale ; sa mission principale est de la faire triompher.

Calvin fut un homme d’une volonté énergique et d’une rare puissance de travail ; il n’eut pas la fougue entraînante de Luther et, venu le premier, il n’eût pas sans doute déchaîné comme lui la révolution religieuse en Europe ; mais il se montra plus pénétrant, plus logique, plus organisateur que le réformateur allemand. Il n’eut pas non plus ce côté humain et passionné qui fait que, tout en condamnant Luther, on ne peut refuser à sa physionomie quelque chose de sympathique. Ce n’est pas à dire que Calvin fut totalement inaccessible aux sentiments humains, affections de famille, amitié ; on a prouvé le contraire ; mais il faut reconnaître que ces sentiments chez lui furent rares et exercèrent peu d’action sur sa vie. Au surplus, faut-il lui en faire un reproche ? Un homme qui joue un rôle public de l’importance du sien a autre chose à faire qu'à s’abandonner aux sentiments même les plus légitimes. Il fut désintéressé, simple, sobre et sévère dans sa vie privée ; les quelques cadeaux que lui firent à la fin de sa vie les magistrats de Genève et à propos desquels on a échafaudé d’assez sottes accusations, prouvent au contraire qu’il avait pratiqué ces vertus, qu’au surplus Pie IV et Sadolet lui ont reconnues. En revanche, il fut orgueilleux, colère et vindicatif, a Je ne sais 'li' Renan, si l’on trouverait un type plus complet de l’ambitieux, jaloux de faire dominer --a pensée parce qu’il la croit vraie, … tout (est) sacrifié à l’envie de former les autres à son image, Je ne vois guère qu’Ignace de Loyola qui puisse lui disputer la palme de ces terribles emportements ; mais Loyola y mettait une ardeur espagnole et un entraînement d’imagination qui ont leur beauté, … tandis que Calvin a toutes les duretés il" la passion sans en avoir l’enthousiasme. On dirait un inter prète juré s’arrogeant un droit divin pour définir ce qui est chrétien ou anti-chrétien. » Et on demeure confondu, ajouterojis-nous, de l’audace orgueilleuse de cet homme qui se substitue ainsi, tranquillement et sans remords, à une Église tant de fois séculaire, aux Pères, aux conciles, aux papes, et qui, au nom de son autorité d’hier, condamne, tue, déchaîne la guerre, en la rendant inévitable, et meurt enfin en se rendant témoignage à luimême devant les ministres assemblés. Voilà qui assurément est plus grave qu’une aventure scabreuse ou un goût trop prononcé pour le bon vin.

Calvin eut l'âme d’un sectaire, plus que celle d’un apôtre. Comme penseur, nous nous efforcerons de montrer ce qu’il fut, en exposant sa doctrine à l’article Calvinisme. Comme écrivain, il tient une place distinguée dans notre littérature ; on a pu dire avec raison de son chef-d'œuvre, l’Institution chrétienne, qu’avec ce livre la langue française avait appris à raisonner et à exprimer des idées générales. Ses œuvres françaises, en dehors des lettres et des sermons, sont d’ailleurs peu nombreuses. En latin ou en français, le stle de Calvin a de la fermeté et de la vigueur ; mais il est souvent embarrassé, sec, sans couleur et sans vie, triste, comme l’a dit justement Rossuet. Pourtant, dans certains écrits, ceux surtout de pure polémique, Calvin ne manque pas de verve, de mouvement, et même de pittoresque ; il est alors aussi grossier que Luther ; les invectives personnelles et les ordures abondent sous la plume de cet homme grave. Il accueille et répète toutes les calomnies, en particulier celles qui touchent aux mœurs ; ses panégyristes, qui s’indignent si fort contre ceux qui lui ont rendu la pareille, feraient bien de lui réserver à lui-même une part de leur sévérité. Dans ses écrits, pas plus que dans la pratique de sa vie, la charité et la bonté ne sont le fort de Calvin.

Telle nous apparaît, après une consciencieuse étude, cette personnalité du chef de la Réforme française ; à la considérer humainement, elle est grande, et, si elle n’est jamais aimable, elle est par certains cotés digne d'être admirée. Ajoutons qu’en face de la Renaissance et de ses tendances païennes, Calvin a eu le sens chrétien ; il a contribué à remettre en lumière parmi ses contemporains l’idée des droits de Dieu et de la misère originelle de l’homme ; ses excès et ses écarts doctrinaux, comme ceux de Luther, ont amené l'Église catholique à affirmer et à préciserjson enseignement sur ces points fondamentaux du dogme chrétien. N’est-ce point pour de tels motifs que Dieu permet l’erreur et ne refuse pas toujours le génie à ceux qui la représentent'.' Il se réserve de les juger et d’autant plus sévèrement qu’ils auront mésusé de dons plus précieux. Necesse est ut veniant scandata ; verumlanien. v : v liomini illi per quem scandalum vend. Matth., XVIII, 7.

La bibliographie de la vie de Calvin est très riche ; nous ne voulons di nner ici que les indications 1rs plus utiles ; ceux qui voudraient avoir une bibliographie complète devraient consulter : Henry, Dus Lcben Calvin' 8, Hambourg, ls35 ; Albert Rilliet, Bibliographie de la vie de Calvin, Paris, 1864 ; E. Doumergue, .Iran Calvin, les hommes et les choses de son temps ; " dices et notes, '2 in-4 Lausanne et Paris, lH'.t'.l et 1902 ; enfin et surtout le Catalogue systématique qui termine le t. i.ix di i Œuvres de Calvin dans le Corpus reformatorum et qui compta K80 numéros. Nous laisserons de côté dans cette bibliograpb qui touche le calvinisme en général, En dehors des b ! générales de l'Église, il n’y a malheureusement que très peu de travaux catholiques sur Calvin, ils sont ici marqués d’un ' distinguerons dans cette bibliographie : l" les recueils ; 2° les premières et ancienm raphies de Calvin ;

8' les biographies moderne I iux concerni

et Calvin ; S* les principales études m i alvln.

1* Collections et recueils.— Corpu annis

Col n ni opéra qum supersunt omnia, éd t, G. Baum, i d. r.unltz,

Ed. Reuss, 50 in-'r. Brunswick, 1863 II Hi rm n

met drs réformateur » dans les pays de langue française^ in-8-, Gencva et Paris, lstn