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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/46

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CALVINISME


II. Ci que Calvin a ajouté de personkei ai x données PRIMITIVES DE LA THÉOLOGIE LUTHÉRIENNE. Cela se réduit à deux points principaux : 1° la doctrine de 1 inamissibilité de la grâce et de la certitude du salut ; -2 j la doctrine de la prédestination absolue.

Celte partie du système théologique de Calvin lui appartient en propre et on y trouve l’empreinte la plus originale de son esprit et de son caractère. Sans doute,

'i un certain point de vue, elle peut n'être considérée

que connue une conséquence plus logique et plus rigoureuse de certains principes reconnus par Luther aussi bien que par Calvin. Mais enlin, c’est Calvin qui a déduit ces conséquences et qui les a formulées ; ce sont les points de son système qui touchent de plus prés à l’essence de la vie chrétienne et qui ont constitué ce qu’on a pu appeler longtemps, surtout à Genève, en Ecosse, chez les puritains d’Angleterre, l’esprit calviniste. C’est Lien à propos de ces deux théories de l’inamissibilité de la grâce et de la prédestination que l’on peut rappeler le mot de Bossuet : « Par son esprit pénétrant et par ses décisions hardies, il raffina sur tous ceux qui avaient voulu en ce siècle-là faire une Église nouvelle. »

1° L’itiamissibililé de la grâce et la certitude du salut. — Un des points auxquels Luther attachait le plus d’importance, c'était la certitude où chaque fidèle doit être de sa justification, dès qu’il met sa fui en Christ : cette certitude que Luther reconnaissait seulement pour la justification fut étendue par Calvin jusqu’au salut éternel. Luther voulait seulement que le fidèle se tint assuré d’une certitude infaillible qu’il était justifié ; Calvin voulait qu’il tint pour certain son salut éternel. Bossuet cite comme témoignage très explicite et très curieux de ce dogme tout calviniste la confession de foi du prince Frédéric III, comte palatin et électeur de l’Empire, où on lit en propres termes ces paroles : « Je sais que je n’ai point à appréhender les jugements de Dieu. Je sais très certainement que je serai sauvé et que je comparaîtrai avec un visage gai devant le tribunal de J.-C. ï

Et sur quoi repose cette assurance extraordinaire, si fort en opposition, ce semble, avec ce que nous lisons dans la vie des saints sur leurs continuels combats, leur continuelle vigilance, leur continuelle crainte de déchoir de l’amitié de Dieu ? Sur le principe de l’inamissibilité de la grâce. S ;.int Paul, qui aurait eu apparemment plus de droits que l'électeur palatin à se croire affermi dans la grâce, écrit : « Pour moi, je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur qu’après avoir prêché le salut aux autres, je ne sois moi-même réprouvé. » I Cor., IX, 27. Calvin ne tient compte ni de cette autorité, ni de tant d’autres, et il affirme hautement que la grâce reçue ne se peut plus perdre, que qui est justifié et reçoit une fois le Saint-Esprit est justifié et reçoit le Saint-Esprit pour toujours : « Nul n’espère droitement en Dieu, sinon qu’il s’ose -hardiment glorifier d'être héritier du royaume céleste. »

Le c. xxiv du IIIe livre de l’Institution chrétienne s’exprime clairement sur ce point : N. 6. « Mais quelqu’un dira qu’il nous faut soucier de ce qui nous peut advenir, et quand nous pensons au temps futur que notre imbécillité nous admoneste désire en solicitude… .le réponds que Christ nous a délivrez de ceste perplexité. Car il n’y a doute que ces promes-.es n’appartiennent

au temps futur. Tout ce que le Père me donne vient à

moy ; et ce qui sera venu à moy, je ne le jettera] point dehors, etc. Davantage en prononçant que tout arbre que son Père n’aura point planté sera arraché, il signifie à l’opposite qu’il ne se peut faire que ceux qui ont vive racine en Dieu soyent jamais arrachez. A quoi s’accorde lo dire de saint Jean, s’ils eussent été de nostre troupeau, jamais ils ne fussent sorlis davec nous… t Outreplus, c’est chose certaine que J.-C. priant pour

tOUS les esteUH demande pour eux ce qu’il avait demandé

pour Pierre, c’est que leur foy ne défaille point. Dont nous concluons qu’ils sont hors de danger de chute mortelle : ru que le Fils de Dieu, ayant requis qu’ils demeurassent fermes n’a point esté refusé. Qu’est-ce que nous a ici voulu apprendre Christ sinon de nous acertener que nous aurons salut éternel) puisque nous avons une fois esté- (ail

N. t ». a C’a esté- donc très mal parlé- à saint Grégoire de dire que nous savons bien de nostre vocation, mais que de nostre élection nous en sommes incertains. Et de cela il nous exhorte à terreur et tremblement, usant de ceste raison, que nous savons bien quels nous sommes aujourd’huy, mais que nous sommeignorants quels nous serons demain. Mais par la procédure de son oral" son, on voit bien comment il s’est ain-i abusé-. C’est pour ce qu’il fondoit l'élection sur le mérite des œuvres, il avoit assez de matière à espouvanter les hommes et les mettre en defliance ; de les confirmer il ne le pouvait, pource qu’il ne les renvoyoit point à la fiance de la bonté de Dieu. Par cela les fidèles peuvent avoir quelque gonst de ce que nous avons dit au commencement, à savoir que la pré-destination, si elle est bien méditée, n’est pas pour troubler ou ébranler la foi, mais plutôt pour la confirmer très bien. »

Lu prédestination absolue.

Le principe de l’inamissibilité de la grâce est en effet étroitement conjoint avec celui de la prédestination absolue, antécédente à la création et à la chute.

Cette redoutable question a exercé sur le génii Calvin une sorte de fascination. Voir le traité latin, De xterna Dei prædestinatume, Corpus réf., Opéra Calvini, t. VIII, p. 249-366, et dans 1 Institution chrétit lesc. xxr-xxiv du 1. III.

Cette question est le fond même du problème de la destinée humaine et, pour ce motif, a toujours agité philosophes et théologiens sous une forme ou sous une autre. Quels sont les rapports t iu fini et de l’infini, comment se concilient la prescience de Dieu et la liberté de l’homme, quels sont les rapports de la grâce et de la nature, comment se combinent, au point de vue de notre destinée, l’action de l’autorité souveraine qui nous guide et celle de la liberté qui nous est laissée ; qui opère notre salut : Dieu seul, l’homme seul, l’homme avec Dieu ?

La théologie catholique commentant sagement les textes de l'Écriture les uns par les autres sans les isoler de cette lumière naturelle de la raison et de la justice, dont la lumière surnaturelle de la foi ne peut êlre l’ennemie, puisque toutes deux procèdent du même foyer et s’adressent à la même intelligence, a seule su introduire dans cette question les distinctions à l’aide desquelles tout peut être concilié. Non certes qu’il ne reste au fond de la question un mystère, et un très grand mystère, mais c’est un mystère dont la religion naturelle et la philosophie ont l'équivalent, sans avoir les mêmes moyens de l’atténuer et de le rendre acceptable. Suivant la théologie catholique, dans la question du salut éternel, il faut distinguer entre l'élection a la foi et l'élection à la gloire. La première, aux yeux de tous les théologiens, est essentiellement gratuite, c’est-à-dire que Dieu appelle OU n’appelle pas ceux-ci à la grâce de la foi sans considération des mérites prévus. La g) n'étant pas due à l’ordre naturel, cette conduite n’a rien d’injuste. Elle n’a rien d’arbitraire non plus, quoique nous ne sachions pas les raisons en vertu desquelles

Dieu distribue de telle ou telle manière ces dons de la

-race. Cette inégalité n’est qu’une des faces du pro bléme général de l’inégalité des conditions dans lesquelles se trouvent placés tous les êtres vivants. Ce qui

suffit pour justifier Dieu d<' tout reproche au sujet de la distribution de ses dons, c’est que chaque individu ait une pari de liberté el « le secours à laide de laquelle il puisse, s’il le cut, accomplir sa destinée ei parvenir