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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/529

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CHINOIS (RITES)


tion fausse des doctrines chrétiennes. C’est cette considération qui a finalement déterminé le saint-siège à les interdire, comme nous le verrons.

2° Cérémonies en l’honneur de Confucius et des parents défunts. — Si la question des noms divins chinois a soulevé des problèmes assez épineux, la question des cérémonies en l’honneur de Confucius et des parents défunts était encore bien plus complexe. Disons d’abord, pour écarter certaines calomnies, répétées même de nos jours, qu’il ne s’est jamais agi de permettre ou tolérer chez les chrétiens chinois des observances reconnues comme idolâtriques ou superstitieuses. Jamais aucun missionnaire n’a autorisé, en quelque manière que ce soit, des pratiques qu’il savait être de cette nature. Nous en avons pour sûr garant M’J r Maigrot lui-même, dans la lettre qu’il écrivit au pape, en même temps qu’il lui envoyait son fameux mandement de 1693 contre les rites. « Quand je parle d’idolâtrie, dit-il, je ne veux pas donner à entendre qu’il y ait en Chine des missionnaires se livrant à une grossière et honteuse idolâtrie ou permettant à d’autres de s’y livrer ; car on ne saurait affirmer cela sans énorme calomnie. » Il avait déjà déclaré à la fin de son mandement même, qu’il « n’entendait point inculper ceux qui avaient jusque-là pensé autrement que lui et suivi une pratique différente de celle quil prescrivait pour l’avenir ; vu qu’on ne devait point s’étonner, si en pareille matière tous les missionnaires n’avaient pas été du même avis, et si chacun avait embrassé la pratique qui lui avait paru dans le Seigneur plus conforme à la vérité ». Cette déclaration fut louée par le Saint-Office, dans son décret du 20 novembre 1704, et la S. C. y ajouta, de son côté, la défense de « faire passer pour fauteurs d’idolâtrie » les missionnaires qui, avant ce décret, avaient cru pouvoir permettre des choses qu’il interdisait.

La controverse n’a donc jamais roulé sur les observances des sectes bouddhistes et taoïstes, qui se montrent partout, en Chine, à côté du confucianisme officiel. Il s’agit des cérémonies que la coutume antique et les lois réputées les plus sacrées de l’État chinois prescrivent aux lettrés pour honorer leur premier maître, Confucius, et à tous les Chinois pour honorer leurs ancêtres ou parents défunts. Ces cérémonies sont-elles des actes religieux, au sens propre, et constituent-elles ainsi un culte de Confucius et des ancêtres, semblable à celui qui n’appartient qu’à Dieu et à ses saints ? Toute la controverse qui a engendré tant d’écrits et de polémiques passionnées se résume dans cette question.

Pour la résoudre, l’extérieur ou, pour ainsi dire, l’être matériel de ces cérémonies ne fournissait que peu de lumières. De ce point de vue, la plupart pouvaient justement être considérées comme indifférentes. Cela d’autant mieux qu’elles ne se pratiquaient pas seulement en l’honneur des morts, mais aussi des vivants, et n’avaient évidemment, dans ce dernier cas, rien de religieux. De fait, les missionnaires jésuites, en tolérant ces rites dans leurs chrétientés, avant les décisions pontificales, avaient pour règle de ne permettre à l’égard de Confucius et des ancêtres que les honneurs qu’on rendait aussi aux mandarins, maîtres, parents ou amis vivants. Pour juger du caractère véritable de ces pratiques, il importait donc, presque uniquement, de savoir dans quel sentiment el à quelle fin les Chinois s’en acquittaient : c’est-à-dire quelle conception ils avaient des morts qu’ils honoraient de cette manière ; s’ils leur attribuaient quelque caractère divin et quelque pouvoir surnaturel ; s’ils leur demandaient et espéraient d’eux quelque chose.

Les missionnaires qui ont permis ces rites, avec certaines restrictions et conditions, l’ont fait parce qu’ils n’ont cru autoriser en cela rien qui eût un caractère religieux. Ils avaient jugé, en effet, quèces rites, de par leur institution primitive et les lois qui les prescri vaient, comme d’après la pratique commune des classes éclairées de la nation, n’étaient que des manifestations du respect et de la reconnaissance que les disciples doivent à leurs maitres et les enfants à leurs parents : en un mot, suivant la formule connue, c’étaient des usages purement civils ou politiques. Cette opinion n’avait pas été formée à la légère ; elle s’appuyait sur une longue et consciencieuse étude des livres qui sont comme la Bible des Chinois, sur les informations prises auprès de nombreux lettrés, et des plus compétents en la matière, enfin sur l’observation directe des faits, continuée pendant bien des années, dans toutes les provinces de la Chine, par des missionnaires de toute nationalité, auxquels on ne peut refuser ni des connaissances et des qualités scientifiques remarquables, ni un sincère désir d’atteindre la vérité et de la suivre, une fois connue, dans une question où leur responsabilité d’apôtres et le salut des âmes étaient si gravement engagés.

C’est encore le fondateur de la mission qui, sur ce point comme pour le choix des noms de Dieu, montra la voie que suivirent après lui, non sans contrôle réitéré, ses confrères jésuites, presque sans exception, et plusieurs autres missionnaires avec eux. Aux yeux du P. Ricci, non seulement les démonstrations de respect, comme saluts, prosternements, mais encore les encensements, les oblations de victuailles qui se faisaient devant les tablettes portant les noms des ancêtres, n’étaient destinéesqu’à traduire sous forme sensible, suivant les idées chinoises, l’amour et la reconnaissance des descendants. « On ne reconnaît dans ces morts, écrivait-il, aucune divinité, on ne leur demande rien, on n’attend rien d’eux : c’est pourquoi il n’y a en tout cela nulle trace d’idolâtrie. » Il disait de même, au sujet des offrandes faites à Confucius par les mandarins et les lettrés : « Ils lui offrent avec grande solennité, pour lui marquer leur gratitude de la bonne doctrine qu’il leur a laissée dans ses livres, par le moyen desquels ils ont obtenu leurs charges et leurs degrés ; toujours sans lui adresser aucune prière, ni lui demander aucune chose, comme nous avons dit pour les morts. » Voir Vera Siuensium sente ntia de tabella Confucio et progenitoribus itiscripta… secundum PP. Societatis Jesu, IRome, ] 1700, p. 43-44.

Cette conception des rites chinois est donc le principe de la tolérance que tant de missionnaires ont cru ne pouvoir refuser à ces rites, plus exactement à une partie de ces rites : car celle tolérance n’a jamais été absolue et sans réserves. Ces missionnaires n’ont pas ignoré que, pratiquement, aux cérémonies traditionnelles, licites en elles-mêmes, les Chinois païens en mêlaient souvent de moins pures ou même de franchement superstitieuses, empruntées au bouddhisme ou au taoïsme : telle la coutume de brûler des monnaies de papier en l’honneur des morts. Les adjonctions de ce genre étaient signalées et rigoureusement interdites aux chrétiens. En outre, les missionnaires ne manquaient pas d’instruire avec un soin particulier leurs néophxtes de ce que la foi enseigne sur l’état des morts et de ce qu’elle permet de faire pour eux. D’ailleurs, ils n’autorisaient pas tous les rites licites en eux-mêmes, mais seulement ceux dont les chrétiens ne pouvaient se dispenser sans grave préjudice. Par exemple, ils permettaient aux étudiants Chrétiens de rendre à Confucius, dans la salle affectée à cet objet, l’hommage sans lequel aucun erade n’était conféré ; au contraire, ils ont toujours interdit aux lettrés chrétiens de participer à l’oblition Solennelle, qui est faite deux fois par an devant la tablette du grand maître : non qu’ils la regardassent comme idolâtrique ou superstitieuse, mais parce qu’elle n’est pas rigoureusement commandée. Aussi bien, quelque justifiée que leur parût cette tolérance, dans les limites où ils la renfermaient, les missionnaires ne la