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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/62

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C. MISA RDS

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combattre, ces ennemis qui disparaissaient brusquement dans des montagnes d’un aot es pénible, <l< » l ils connaissaient tous les recoins, t..nies les cachettes, et qui ne procédaient guère que par coups de surprise prestement exécutés. Jamais ils n’eurent un chef unique ni unité de plan d’opération. Diverses bandes existaient, dont les principaux chefs furent Laporte, son neveu Laporte, <lit Uni. nul, Ravanel, Castanet, Salles, Abdias Maure), dit Catinat, surtout Jean Cavalier. Ce dernier était un paysan, qui n’avait guère que 21 ans quand il entra en campagne et qui paraissait plus jeune que son âge. Il se montra bien vite habile à commander, et prit un tel ascendant sur ses hommes qu’il n’avait aucune peine à ordonner lu mort de ses propres yens, quand il le jugeait utile, se servant, a-t-il dit lui-même, « du premier à qui je l’ordonnois, sans qu’aucun ayt jamais hésité à suivre mon ordre. » Voir une lettre de Villars au ministre de la guerre, Histoire générale de Languedoc, t. xiv, col. 1982. Les camisards se comportèrent en sauvages ; leur histoire n’oiï’re qu’une longue suite d’incendies et de meurtres et, quelque opinion qu’on ait sur la bonté de leur cause, quels qu’aient été les torls de Louis XIV et de son gouvernement envers eux. il n’est pas plus possible, remarque justement Roschach, loc. cit., p. 752, « d’idéaliser les hommes que de transformer le caractère de leurs actes. » Cf. A. Legrelle, La révolte des camisards, Braine-le-Comte, 1897, p. 73-77. De leur coté, les catholiques furent implacables contre les camisards. Ce fut un triste temps. Comme si ce n’était pas assez de tant de causes de désordre, des bandes irrégulières de catholiques se formèrent sous l’appellation de Cadets de la croix (à cause d’une croix blanche qu’ils portaient au retroussis de leurs chapeaux) ou de Florentins (une forte bande s’était formée au village de Saint-Florent) : elles rivalisèrent de barbarie avec les troupes cévenoles, ne s’en distinguant que par leur inditférence à piller également protestants et catholiques. Le nom de camisards blancs leur fut donné’quand le maréchal de Montrevel, successeur de Broglie, désavoua de tels alliés et donna ordre de les poursuivre comme des brigands. Dans les pages passionnées qu’il a consacrées aux camisards, Michelet a dit, Histoire de France, nouv. édit., Paris, 1879, t. XVI, p. 187 : « Si les protestants eussent été en Europe les protestants de Coligny, ils avaient le temps de secourir, de sauver leurs frères du Languedoc. Mais l’Angleterre entrait dans sa oie mercantile. La Hollande baissait de courage. Ni Marlborough, ni le pensionnaire de Hollande, Heinsius, qui conduisaient la guerre, ne comprirent l’importance de ceci. Eugène y pensa, mais trop tard. » On s’en préoccupa beaucoup plus que Michelet ne le dit. L’étranger aida les camisards de son mieux et, d’autre part, il y eut des émigrés protestants, qui se mirent au service des ennemis de leur patrie et s’employèrent, de toutes façons, à attiser dans les Cévennes le ! éu de la guerre. C’est là un crime qui ne saurait trouver une excuse. Il ne faut pas en rendre responsables tous les protestants qui avaient trouvé un refuge hors de France, pas plus qu’il n’est permis de solidariser avec les camisards ions les g nouveaux catholiques i des Cévennes..Mais le fait de l’appel à l’étranger, à l’Angleterre et aux pires ennemis de la France, n’est pas niable ; il ressortait suffisamment des documents que l’on connaissait, et il a été mis en lumière, grâce à de nouveaux et décisifs documents, par A. Legrelle, op. cit. Le comte » (le Broglie avait cédé la place au maréchal de Montrevel, désigné pour prendre le commandement

supérieur en Languedoc, le 30 janvier 1703 ; Montrevel, à son tour, fut remplacé par le maréchal de Villars

(nommé’le’29 mars 1704, et arrivé’à Beaucaii 20 avril). Villars comprit qu’il gagnerait autant par les

bonnes paroles que par les ar s ; il eut recours aux

une » et aux autres. Nous avons un discours bien curieux

qu’il adressa aux « nouveaux convertit ». Entre autres

choses, il invitait les protestants, qui se « paraient du

motif de religion », a adon r l lien selon leur « opinii dans leur cœur, et développait ( « t argument ad homi-Hem : « Quant aux extérieurs que tous pourri./ déi

comment oserieI. vous prétendre que le plus grand et le plus puissant roy qui ait jamais p^rt la couronne n’avt pas, dans ses États, le même i ouvoir que le plus : prince de l’Empire exerce chez, luy sans difficulté ? Messieurs, j’ay vu toute l’Europe, je ne parlera] pas de ce qui se pratique en Angleterre, Hollande. Suéde, Dannemark, mais les moins considérables princes de l’Empire, des villes impériales qui ont cependant pour chef un prince catholique, n’ont-elles pas banny des lieux de leur obéissance tout exercice de la religion catholique ? » Histoire générale de Languedoc, t. xiv, col. 1927-1928. Villars entra en i. dations avec Jean Cavalier. Sur une promesse vague relative à la liberté de conscience. Cavalier fit sa soumission ; il s’engageait à rallier ses bandes pour en former une colonne prête à inarcher d’après les ordres du roi. Il ne fut guère suivi des siens ; une centaine seulement l’accompagnèrent quand il fut envoyé i Alsace (21 juin 1701). Roland continua la lutte ; il fut trahi et tué, le li août. Ceux qui se soumirent eurent une amnistie. La période redoutable de la guerre des camisards était close. Il y eut des tentatives nouvelles de révolte. Le duc de Berwick, successeur de Villars (parti le 5 janvier 1705), déjoua une conspiration ourdie à Nîmes. Catinat et Bavanel furent suppliciés. Cavalier, qui avait déserté la cause de Louis XIV et s’était réfugié en Angleterre, essaya, sans grands résultats, de sou le Vivarais par ses émissaires. Envoyé par les Anglais en Espagne, à la tête d’un régiment où le rejoignirent beaucoup de ses compagnons d’armes cévenols, il prit part à la bataille d’Almansa (24 avril 1707) que gagna Berwick, remplacé en Languedoc par le duc de Roquelaure ; cette victoire assura le trône à Philippe V. et amena la destruction presque totale du régiment de Cavalier, qui avait été’mis en ligne devant un régiment français. Les camisards tentèrent en vain de soulever encore le Languedoc. La paix signée, en 1711, avec l’Angleterre, puis avec l’empereur et ses alliés, en 1713, ruina leurs dernières espérances. Ils cessèrent d’être un danger pour la France à partir du jour où elle n’eut plus à redouter l’ennemi du dehors.

II. Leurs idées religieuses.

La théologie des camisards, s’il est permis d’employer ce mot en parlant de ces montagnards presque tous fort incultes, fut celle du calvinisme français. Il n’y aurait donc pas lieu de s’y arrêter, n’était que le mouvement ca m isard fut pré’pué- et accompagné par une multitude de « prophéties » dont l’histoire mérite de lixer l’attention.

On sait la place que tient l’Antéchrist dans la littérature protestante primitive. Luther, en particulier à sa suite, combien d’autres ! — voyait l’Antéchrist dans le pape ; il annonçait, d’un ton de prophète, que la papauté allait être anéantie, et cela sans armes, sans violence, par le seul souffle île Jésus-Christ, c’est-à-dire par la prédication de Luther. Cf. Bossuet. Histoire des variations <les Églises protestantes, 1. I. n. 31. édit. Lâchât. Paris, 18(53. t. xiv. p. 15-46 ;.1. Janssen, L’Allemagne ci la Réforme, trad. franc.. Paris. 1889, t. n. p. 6383, 114-116, 183, 212. 211. etc. L’idée que le pape était l’Antéchrist devint un des lieux communs de l’enseignement du protestantisme, Cf. Bossuet, op. cit., 1. Mil, p. 588-626 ; Bellarmin, De sum. pontifie », 1. III. Dé Antichristo quod tuliil commune habeat cum li. tifice, Controvers., Paris, 1(120. t. i. Index (en tête du

volume) et col. 701-790. Les faits ayant inlli r uu démenti à Luther qui prophétisait la ruine toute prochaine — au bout de deux ans — de la papauté, les ministres protestants ne furent pas déconcertés pour