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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/7

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CAJÉTAN

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animse de Pomponnzzi, Cologne, 1516, et de son Apologia, ibid., 1517, crut devoir entreprendre une réfutation du célèbre averroïsant. Craignant sans doute que la position prise par Cajétan dans son commentaire du De anima ne fût considérée comme une concession aux tendances averroïstes du temps, il entreprit la réfutation de Cajétan et de Pomponazzi dans trois traités publiés simultanément : Propugnaculum Aristotelis de immortalitate animæ contra Thomam Cajetanum ; Tutela veritatis de immortalitate animée contra Petrum Pomponatium Mantuanum, cognominatum Perreltum ; Flagellum in très libros apologise ejusdem Perretti de cadem matcria immorlalitatis animse, in-fol., s. 1., 1518. Quétif-Echard, t. ii, p. 126 ; F. Fiorentino, Pietro Pomponazzi, Florence, 1868.

Ce sont ces faits qui ont induit en erreur Gui Patin. Renan, qui l’a suivi, écrit à son tour cette énormité : « Le célèbre Thomas de Vio Cajétan lui-même enseignait selon Averroès, et s’il faut en croire Gui Patin, si bien au courant des bruits qui couraient à Padoue, ce fut de cet enseignement que Pomponat tira son venin. » Renan, Averroès et V ave r rots tue, 3e édit., Paris, 18C7, p. 351.

Théologie.


Cajétan est considéré à juste titre comme l’un des premiers théologiens de l’école thomiste. Léon XIII a traduit lui-même ce sentiment en ordonnant, par ses lettres du 15 octobre 1879, de joindre les commentaires de Cajétan à la Somme théologique, dans l’édition officielle des œuvres de saint Thomas publiée par ses ordres : Conjunctim vero edendas curabimus clarissimorum ejus interpretum, ut Thomse de Vio cardinalis Cajetani et Ferrariensis, lucubrationes, per quas, tanquani per uberes rivulos, tanti viri doclrina decurrit. S. Thomee Aquinatis opéra omnia, Itome, 1882, t. i, p. xxi. Les commentaires de Cajétan sont donc considérés comme une œuvre classique. Les traités de Cajétan sur le pape et les indulgences représentent également une doctrine classique dans la théologie catholique.

Les commentaires sur la Somme de saint Thomas sont l’œuvre capitale de Cajétan eii théologie. La première partie ayant été achevée le Il mai 1507, et la dernière le 10 mars 1522, on peut les considérer comme ayant été écrits dans une vingtaine d’années, c’est-à-dire pendant le temps où Cajétan occupa de hautes charges administratives dans son ordre et dans l’Église. Il semble avoir été conduit à cette entreprise par le fait que le texte de la Somme théologique tendait à devenir, depuis la fin du xv n siècle, un texte scolaire. Ses commentaires sont les premiers qui aient été écrits sur la Somme de saint Thomas. Ils sont contemporains de ceux du dominicain allemand Conrad Kôllin, dont une partie ? de l’œuvre seulement a été publiée, Ia-IIæ, in-fol., Cologne, 1512, prévenu sans doute par l’apparition des commentai ri s de Cajétan. Quétif-Echard, op. cit., t. il, p. ICO ; N. Paulus, P".’deutschen Dominikancr im Kampfe gegen Luther, p. 115. Dans ses commentaires Cajétan a particulièrement en vue la défense des doctrincs de saint l homas contre les attaques de Scot. Dans la troisième partie, a cette préoccupation vient s’ajouter (lie de défendre la doctrine catholique contre le lnthérani-i

Bien que Cajétan soit un fidèle interprète de la doctrine de saint H il a néanmoins émisun certain nombre d’opinions particulières qui lui sont personnelles, mais qui ne touchent pas les idées systématiques île on école Saint Pie Y, en un temps où les progrès de l’hérésie avaient rendu l’autorité ecclésiastique Bévère, lit supprimer divers passages des commentaires de la troisième partie dans l’édition des œuvres de saint Thomas, donm e.i 11e par ses ordres, en 1570. On trouve l’indication di jadis supprimés dans l’édition intégrale des commentaires de Cajétan qui accompagnent la Somme théologiijue de l’édition léonine des œuvres de saint Thomas. La plupart des passages supprimés nous paraissent aujourd’hui bien inoffensifs. Le plus connu est celui (q. lxviii) où Cajétan traite en deux articles des enfants qui meurent sans baptême. Ils peuvent, d’après lui, être sauvés par la foi des parents qui donnent une protestation extérieure de leur foi, par exemple s’ils font le signe de la croix sur l’enfant en invoquant la sainte Trinité.

On trouvera un certain nombre d’opiniQns particulières de Cajétan dans son opuscule où il répond à la critique faite à Paris de seize de ses propositions, et dans l’ouvrage d Ambroise Catharin, écrit contre lui, et dont nous parlerons plus loin.

Exégèse.


Cajétan ayant achevé ses commentaires sur la Somme se livra avec ardeur aux travaux exégétiques. Dès la fin de 1523, pendant sa légation en Hongrie, il commença la composition de ses Jentacula, ou exposition d’un certain nombre de passages du Nouveau Testament. De retour à Rome, il travailla, jusqu’à la fin de sa vie, à la traduction et aux commentaires de la sainte Ecriture. La mort le surprit ayant achevé tout l’Ancien Testament jusqu’aux prophéties d’Isaïe, dont il interpréta seulement les trois premiers chapitres, et le Nouveau Testament, moins l’Apocalypse, à laquelle il renonça, se déclarant incapable d’en entendre le sens littéral.

Thomas de Vio fut conduit à cette entreprise, pour laquelle il semblait peu préparé, à la vue des travaux des humanistes sur le texte des Écritures, mais plus encore en présence du mouvement luthérien, qui, ayant rompu avec l’autorité de l’Église et la tradition, prétendait se placer sur le seul terrain des Écritures pour la détermination de la foi. Cajétan comprit que les théologiens devaient se munir d’armes adaptées à un besoin nouveau. Pour donner une base stable à son entreprise, il travailla avec le concours de spécialistes, ne pouvant le faire par lui seul, à une traduction littérale de la Bible, d’après l’hébreu et le grec. Voir la préface aux Psaumes, et les débuts du commentaire de saint Matthieu. Quétif-Echard, op. cit., p. 18. Le résultat de cette traduction fut meilleur que d’aucuns n’ont voulu dire, car Richard Simon, peu suspect de bienveillance, écrit de Cajétan : « Bien qu’il n’eût aucune connaissance de la langue hébraïque, il ne laisse pas d’en parler beaucoup mieux que plusieurs traducteurs de la Bible, qui ne l’ont sue que médiocrement. » Histoire critique du Vieux Testament, t. II, c. xx, Rotterdam, HiST>, p. 310.

Quant aux commentaires, Cajétan fait à la lois œuvre de critique et de théologien.

Comme critique, il s’attache au seul sens littéral, ainsi qu’il le déclare dans sa dédicace à Clément VII, en tête de son édition des Évangiles, dédicace supprimée dans l’édition complète des œuvres exégétiques. Sous cette préoccupation, il ne craint pas d’adopter un sens nouveau a torrente doctorum sacrorum alienus, pourvu qu’il soit conforme au texte et non en opposition à l’Ecriture el à la doctrine de l’Église. Préface au Pentateuque. Melchior Cano a vivement combattu ce poinl de vue. De lods theologicis, I. VII, c. m. Pallavicini observe, avec raison, que ci tte doctrine n’est pas contraire aux décrets de Trente, llist. du munir de Trente, I. VI, c. xvin. Cf. Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, I. III, c. XII, p. 119-421. Bien plus, on peut dire qu’elle est aujourd’hui la méthode commune parmi les exégètes catholiques.

On peut dire encore que saint Jérôme a été le conseil scientifique de Cajétan, surtout pour juger de l’authenticité des lu rea ou de lents parties. Responsionet ad’/uns dam articulot nominetheologorum Parisiensiuni edilot, n. 4. Cajétan a aussi utilisé les scolies d’Érasme sur le Nouveau Testament. Un échange de lettres entre ces deux hommes, si dissemblables de caractère, témoigne