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BAPTÊME DES INFIDÈLES

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durer. Cf. Génicot, loc. cit. ; Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X, sect. ii, n. 56, Prato, 1891, p. 543.

De même, généralisant à bon droit l’exception admise en faveur des enfants trouvés et des esclaves, les théologiens disent : quand un enfant est, de droit, soustrait à l’autorité paternelle ou quand il est, de fait, séparé de ses parents, et n’est pas exposé à retomber en leur pouvoir avant d’avoir reçu l'éducation chrétienne, il est licite, sinon opportun, de le baptiser. Suarez, op. cit., disp. XXV, sect. iii, n. 8, p. 431 ; Lehmkuhl, op. cit., t. ii, n. 82, p. 62.

4. Lorsque des enfants d’infidèles ont été baptisés malgré leurs parents, que doit-on faire" : '

Quod si jam sacramento iniS’ils (des enfants de juifs) ont

tiati essent, aut detinendi sunt reçu le sacrement, on doit les

aut ab hebræo recuperandi tragarder ou les retirer des mains

dendique Christi fidelibus ut ab de leurs parents pour qu’ils

illispiesancteque informentur. soient élevés d’une manière

B, 29. pieuse et sainte.

Benoit XIV invoque les décisions des tribunaux ecclésiastiques, S. C. du Saint-Ofiice, 3 mars 1633, 30 mars 1638 ; il cite aussi une décision du IVe concile de Tolède. Il s’agit du synode tenu en cette ville, le 5 décembre C33 ; le capitttlum qui est reproduit par le pape est le 60 e. Il y est stipulé que les fils et les tilles de juifs, s’ils ont été baptisés, doivent être séparés de leurs parents et élevés dans des couvents par de bons chrétiens et de bonnes chrétiennes. Mansi, t. x, col. 634 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1909, t. H, p. 268-274. Le pape conclut que si, devenus adultes, ces enfants retournent à la religion de leurs parents, ils sont vraiment apostats, comme déjà l’avait remarqué Boniface VIII. C. Contra, De hsereticis, in Sexto.

La réparation s’impose parce qu’il faut assurer l'éducation chrétienne de l’enfant baptisé. B, 29. Sans doute, les enfants sont remis à la garde de leurs parents, mais les chrétiens sont confiés aux soins de l'Église, leur mère. Le droit naturel du chef de famille n’est pas supprimé, il est primé par le devoir qu’a la société religieuse de veiller sur l'éducation de ses membres. L’acte de la personne qui confère le sacrement, malgré les parents, est coupable' ; il n’en a pas moins pour effet de donner au baptisé le caractère ineffaçable de chrétien. Laisser l’enfant qui a été initié à la vraie religion dans un milieu hostile à sa foi, c’est l’exposer à peu près infailliblement à l’apostasie. L'Église n’a pas ce droit ; telle est la pensée de Benoit XIV ; tel est aussi l’enseignement des théologiens catholiques.

Le pape ne recherche pas si, partout et toujours, il est opportun, possible même d’appliquer la règle ici Dosée. A Borne, à cette époque, la séparation était le moyen d’assurer la persévérance du jeune chrétien. Sans doute, déjà, cette mesure paraissait dure : e pape le sait, il connaît l’adoucissement proposé par quelques canonistes : l’enfant pourrait être laissé ou remis aux parents si ceux-ci s’engageaient sous caution à le rendre quand il aurait atteint l'âge convenable, et, en attendant, à ne lui rien enseigner contre la foi catholique. Le pape, d’accord avec la majorité des auteurs, déclare insuffisante cette demi-mesure. B, 30.

Mais si la règle ici donnée est en droit strict bien fondée, si en certains cas il est opportun de l’observer, on peut, sans contredire Benoît XIV, soutenir qu’il n’est pas toujours expédient de la suivre. « Là où les lois civiles s’y opposent, » Marc, Institutiones alphonsianse, part. III, tr. II, c. iii, n. 1473, Borne. 1887, p. 48 ; « quand le pouvoir séculier est hostile, » Lehmkuhl, op. cit., t. il, p. 61, n. 81 ; lorsque, pour vouloir écarter le danger d’une apostasie, « on empêcherait un plus grand bien, on causerait un plus grand mal, » Billot, De Ecclesise sacramentis, q. lxviii, th. xxv, Borne, 1896, 1. 1, p. 250, il vaut mieux ne pas enlever l’enfant aux parents. Le pape fait

connaître qu’il est indispensable partout et toujours d’assurer l'éducation chrétienne de l’enfant ; il indique le moyen le plus sûr d’atteindre ce but, moyen d’un usage opportun à Borne, au xviir 3 siècle : séparer l’entant baptisé de ses parents.

5. Faut-il appliquer ce qui a été dit du baptême des enfants d’infidèles malgré leurs parents à celui des fils de mauvais chrétiens : hérétiques, schismaliques, apostats, etc. "? — Benoit XIV n’a pas posé la question, mais il a donné les principes de solution : on ne peut conférer licitement le baptême à un enfant que si les droits des parents sur lui ne sont pas violés injustement et si le danger de perversion n’existe pas.

Hérétiques, schismatiques, apostats, mauvais chrétiens sont membres de l'Église. La nature leur ordonne d’aimer leurs enfants et de ne pas nuire à leur âme. Les lois de la société chrétienne les obligent à les faire baptiser et à respecter leur foi naissante. S’ils désobéissent à l'Église, elle peut, malgré leur volonté, donner le sacrement à leurs fils ; sans doute, les parents s’y opposent ; mais ils n’ont pas le droit de le faire. Leur refus est nul. Instruction déjà citée de la S. C. de la Propagande, 17 août 1777. Cette assertion, que quelques théologiens ont autrefois contestée, Gousset, Théologie morale, Paris, 1855, t. ii, p. 150, n. 8, est aujourd’hui admise par tous les docteurs catholiques. Mais ils ajoutent : en raison des lois civiles ou des préjugés, la société chrétienne est souvent incapable d’user de son droit ; aujourd’hui, elle ne pourrait le faire, du moins d’ordinaire, sans grave inconvénient : le mal causé serait plus considérable que le bien produit. Cf. Génicot, op. cit., t. il, n. 148, p. 152 ; Lehmkuhl, op. cit., t. ii, n. 82, p. 62. Ainsi, pour ce motif déjà, le baptême des enfants de mauvais chrétiens malgré leurs parents n’est pas toujours opportun.

De plus, en raison du second argument invoqué par Benoit XIV contre le baptême des enfants d’infidèles malgré leurs parents, il serait souvent illicite. On ne peut donner le sacrement que si le baptisé ne court pas très grand danger de perversion. L’enfant de mauvais chrétiens qui a reçu le sacrement malgré la volonté de ses parents sera souvent exposé à ce péril sans que l'Église puisse y parer : dans ce cas, le baptême ne doit pas être donné. Ballerini-Palmieri, op. cit., t. IV, p. 514, n. 57 ; Génicot, lue. cit.

Ainsi, d’ailleurs, l’a déclaré la S. C. de la Propagande. Il faut s’abstenir de baptiser les enfants d’hérétiques, malgré leurs parents, si on n’a aucun espoir probable qu’ils seront instruits chrétiennement. Instruction de 17 août 1777. Et cette conduite s’impose, alors même qu’en l’observant, on risque de priver à tout jamais l’enfant du sacrement. S. C. du Saint-Office, 21 janvier 1777, Collectanea, n. 566.

2° Du baptême des enfants d’infidèles, sur la demande de leurs parents. — Premier cas : le père et la mère demandent :

Hujusmodi jus (filios sancto baptismateofl’erendi) pênes parentes esse affirmant, sive ii neophyti sint, sive etiam ethnici vel judœi ; dummodo, si taies sint, fide bona ab eis oblatio ejusmodi fiât et infantes baptizati apud christianos remaneant nequeillis, propter perversionis periculum, restituantur. C, 10.

Ce droit (de demander le baptême pour ces enfants) appartient aux parents déjà néophytes comme aussi à ceux qui sont encore païens ou juifs. Toutefois, ces derniers doivent être de bonne foi, en présentant l’enfant ; et le baptisé, en raison du danger de perversion, ne doit pas leur être remis, il faut qu’il demeure chez des chrétiens.

Aucun théologien ne conteste aux parents le droit de faire donner le baptême à leurs enfants. Pour qu’il puisse être acquiescé à leur désir, il est nécessaire, s’ils sont païens ou juifs, qu’ils soient « de bonne foi » . Catte exigence est très légitime. On s’est demandé si cette