Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
419
420
BARNABE (ÉPITRE DITE DE SAINT)


des bonnes œuvres, non pas la circoncision de la chair, mais celle de l’oreille et du cœur, non pas l’abstinence de certaines viandes, mais la tuite des vices désignés par les animaux interdits. De telle sorte que, contrairement à la doctrine de saint Paul, il méconnaît complètement le côté historique de l’Ancien Testament pour n’y voir qu’une signification exclusivement spirituelle. Sans doute, il estime que l’Ancien Testament annonce le Nouveau ; il y signale même quelques figures annonçant, par exemple, le mystère de la croix ou l’appel des gentils à la place des Juifs ; mais son interprétation numérique des 318 serviteurs d’Abraham est plutôt digne de l’exégèse fantaisiste de la Cabale ; et, à propos du salut, il passe sous silence la grande pensée de saint Paul sur la justification gratuite et le rùle de la grâce, bien qu’il n’ignore pas l’importance capitale et l’absolue nécessité du salut, puisqu’il indique le moyen le plus sûr pour se sauver. Quant à ses explications scientifiques sur le lièvre, la belette et l’hyène, elles sont plus que rudimentaires et prêtent à sourire, mais on ne saurait lui en faire un reproche.

III. Authenticité.

Auteur, Heu et date. — L'épître que nous possédons est bien certainement celle que l’antiquité chrétienne attribuait à Barnabe. Mais ce Barnabe est-il vraiment l’apôtre, le compagnon et le collaborateur de saint Paul dans sa première mission ? C’est une question qui ne se posa même pas ; Clément d’Alexandrie, Strom., ii, 6, 7, 15, P. G., t. viii, col. 065, 969, 1005, et Origène désignent le Barnabe des Actes comme l’auteur de l'épître. On ne discuta qu’un seul point, celui de savoir si l'épître faisait partie ou non de l'Écriture. Contrairement à l’opinion de Clément d’Alexandrie, Eusèbe, H. E, vi, 13, P. G., t. xx, col. 518, on la tint pour non canonique, et c’est uniquement dans ce sens qu’il faut entendre Eusèbe et saint Jérôme, quand ils la rangent, l’un èv toïç vriôot ;, II. E., ii, 25, P. G., t. xx, col. 269, l’aulre parmi les apocryphes. De vir. ill., vi, P. L., t. xxiii, col. 619. Mais ni Eusèbe, loc. cit., ni saint Jérôme, In Ezcch., xliii, 19, P. L., t. xxv, col. 425, ni, à leur suite, Anastase le Sinaïte et l’auteur de la Stichométrie n’ont douté de son authenticité. Depuis le XVIIe siècle jusqu'à nous, c'était également l’opinion de Voss, Dupin, Cave, Le Nourry, Galland, Rosenmuller, Schmidt, Gieseler, Henke, Rordam, Franke, Alzog, Môhler, Freppel, Fessier, Nirschl, etc. ; ce n’est plus celle de la critique contemporaine.

Déjà Ménard avait émis quelques doutes ; Cotelier s'était prononcé contre l’authenticité. Et depuis, Noël Alexandre, Ceillier, plus récemment Hel’ele, Funk, Bardenhewer, entre autres, ont fait de même. Toutes les raisons d’ordre intrinsèque qu’on en donne sont loin d’avoir la même valeur, mais quelques-unes semblent décisives. Un allégorisme exagéré ; des opinions peu en harmonie avec l’enseignement des apôtres, en particulier avec celui de saint Paul ; l’ancienne alliance déclarée rompue le jour même où Moïse a brisé les tables de la loi, Barn., iv, 8, Funk, t. i, p. 10 ; des appréciations erronées sur les rites juifs, Barn., vii, viii, Funk, t. i, p. 20-26, par exemple, la circoncision attribuée à l’inspiration du diable, Barn., ix, 4, Funk, t. i, p. 28, les préceptes positifs touchant les sacrifices et les observances légales pris exclusivement au sens spirituel ; les apôtres, enfin, traités comme les plus grands pécheurs : autant de traits qui ne sauraient convenir au Barnabe du livre des Actes. Quel est donc l’auteur de l'épître ? S’appelait-il comme l’apôtre et l’identité du nom a-t-elle fait conclure à l’identité du personnage ? On n’en sait rien. Ce que l’on peut affirmer c’est que l’auteurest unjudéochrétien orthodoxe, et un alexandrin, comme le prouve l’emploi de l’allégorie, si chère à l'école d’Alexandrie, d’après Philon. Il s’adresse à d’autres judéo-chrétiens d’Alexandrie ou d’Egypte, à un groupe de fidèles qu’il connaît, qu’il aime et qu’il veut mettre en garde contre

l’erreur de certains Juifs. Car c’est surtout à Alexandrie que cette épître est connue et appréciée. Il écrit après 70, puisqu’il parle de la chute de Jérusalem et de la ruine du Temple comme de faits accomplis..Bam., xvi, 4, Funk, t. i, p. 48. Son allusion à la reconstruction du Temple trancherait la question de date, s’il s’agissait du temple matériel que l’empereur Hadrien laissa relever en 180131 ; des critiques, s’appuyant sur le contexte, pensent qu’il ne s’agit que du temple spirituel qu’est le chrétien. La prophétie, empruntée à Daniel et qu’il dit réalisée, Barn., iv, 4, 5, Funk, t. i, p. 10, est plus précise. Après dix rois, s'élèvera un petit roi qui en humiliera trois en un ; après dix cornes se dressera une petite corne qui en humiliera trois en une. L’expression rpeïç et rp ; a £?' é'v, étrangère au texte prophétique et deux fois répétée, est significative. Sa réalisation historique ne peut s’appliquer qu'à Domitien, non seulement parce qu’il est Io onzième de la série des empereurs, mais encore parce que, avec lui, troisième et dernier empereur ilavien, disparait la dynastie flavienne, ou mieux, parce que, du même coup, les deux fils de son cousin, le consul Flavius Clemens, dont il avait fait deux césars, perdent tout espoir de régner. Ce serait donc sous Nerva, 96-98, ou peu après, qu’auraitété écrite l'épître, à l’extrême limite du 1 er siècle. Cette interprétation n’est pas admise par tous les critiques, et il en est qui expliquent ce passage, comme la prophétie de Daniel, non pas de rois, mais de royaumes.

IV. Intégrité.

Malgré l’inégalité de longueur et la différence de sujet de ses deuxparties, cette épîtren’en forme pas moins un tout, sorti de la même plume, à l’exemple des épîtres de saint Paul, où les enseignements dogmatiques sont suivis de conseils pratiques. La seconde partie manque, il estvrai, dans la traduction latine, mais se trouve dans les manusciits grecs ; de plus, elle est annoncée en quelque sorte par deux passages, Barn., iv, 10 ; v, 4, Funk, t. i, p. 12, 14 ; enfin elle est connue de Clément et d’Origène : elle ne saurait donc être une addition due à une main étrangère. Quant à la première partie, elle ne renferme pas les interpolations qu’on a essayé d’y montrer ; les arguments mis en avant par Schenkel, iSludien und Kritiken, 1837, p. 652-686, ont été solidement réfutés par Hefele dans Tub. tlteologische Quartalschrift, 1839, p. 60 sq. ; Sendschreiben des Barnabas, p. 196 sq. ; ceux de Heydecke, Disscrlalio…, 1874, l’ont été par Funk dans ses Prolegomena, Pair, apost. opéra, t. i, p. x-xi. Actuellement, parmi les critiques, la question d’intégrité de l'épître de Barnabe ne soulève plus guère de difficultés. Les vues de Vôlter, Der Barnabasbrief neu un tersuc ht, dans Jalirbucher fur protest. Théologie, 1888, t. xiv, p. 106-144, et celles de J. Weiss, Der Barnabasbrief kritisch untersuchl, Berlin, 1888, ont été rejetées.

V. Enseignements.

1° L'épître de Barnabe et l’Ecriture sainte. — Ce qu’il y a de remarquable dans cette épître, qui compte à peine un peu moins de six cents lignes, c’est le nombre considérable de rapprochements qu’elle offre avec l'Écriture sainte. Funk, qui les a soigneusement relevés, Patr. apost., t.i, p. 561-566, en compte quatre-vingt-dix-neuf pour l’Ancien Testament et soixante-huit pour le Nouveau. Or, pour l’Ancien Testament, ce sont moins de simples allusions que des citations textuelles, où la version des Septante se trouve contrôlée et parfois corrigée par le texte hébreu. L’auteur a soin d’avertir qu’il cite, tantôt d’après cette formule générale : -céypaTrtai, to ; yÉ-fpaTrrai ; tantôt d’après cette autre : ï.iyzi à Kûpco ;, â 0éoç, tj ypaçï), 6 7rpo"fï)TY5c. Parfois il nomme le prophète dont il transcrit le témoignage, Daniel, Moïse, David, Isaïe. Mais il n’en agit pas de même avec le Nouveau Testament. Sur trois textes, il n’en signale qu’un comme Écriture, celui-ci : « Beaucoup d’appelés, peu d'élus. » Matth., xx, 16 ; Barn., iv, 14, Funk, t. i, p. 12. Les deux autres : « Jésus est venu