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BELLARMIN


donne de la réprobation. Le livre de Molina a été approuvé par doux universités. On pourrait faire une bulle dans laquelle on condamnerait quelques propositions certaines dont les deux partis conviendraient : on laisserait de côté les questions plus difficiles, comme le lit Célestin. » G. Schneemann, op. cit., p. 290. On sait quel lut le résultat final du grand débat : le pape se contenta de dissoudre la congrégation De anxiliis, et laissa la liberté de leur opinion aux deux partis, en attendant que le saint-siège crût opportun de donner un jugement définitif.

8° Controverse vénitienne, 1606. — Pendant les quinze années qui suivirent son retour à Rome, le cardinal Bellarmin fut mêlé à toutes les grandes allaires religieuses de son temps, comme membre actif des principales Congrégations romaines et personnage inlluent auquel on s’adressait de toute part. De là, une vaste correspondance, dont le recueil très restreint qui porte le titre à’Epistolse familiares, ne donne qu’une luible idée. Mais il joua surtout un rôle important dans plusieurs controverses politico-religieuses, qui se succédèrent sans interruption. La première se rapporte à la querelle qui éclata, en 1605, entre le saint-siège et la république de Venise, et fut provoquée par des actes et des mesures préjudiciables aux anciens privilèges de l’Église et du clergé. Deux ecclésiastiques avaient été d’abord emprisonnés et jugés par l’autorité séculière ; puis deux lois, portées par le sénat le 10 janvier 1603 et le 26 mars 1605, prohibèrent la fondation de nouvelles églises ou de nouveaux cloîtres ou hôpitaux, et retirèrent aux corporations religieuses, régulières ou séculières, le droit d’acheter, d’hériter et de recevoir en gage ou en don toute propriété foncière, en dehors d’une autorisation expresse du pouvoir civil. Après des protestations et des monitions restées sans elfet, Paul V lança l’interdit contre Venise, le 17 avril 1606. Mais, encouragé et vraisemblablement conseillé par le trop fameux moine servite Paolo Sarpi, le sénat do la république répondit par des menaces de mort édictées contre tout ecclésiastique qui observerait l’interdit et par le bannissement des jésuites.

En même temps se forma, sous la direction de fra Paolo, un comité de sept théologiens, les « sept tous » de Venise, avec la mission de démontrer la justice des mesures prises et l’irrégularité de l’acte de Paul V. De là diverses publications : un écrit anonyme, de Jean Marsilli, comprenant huit propositions sous forme de réponse à la lettre d’un ami sur les censures pontilicales ; un traité des sept théologiens de Venise, sur l’interdit lancé par le pape ; deux écrits de Gerson sur la validité de l’excommunication et sur cette assertion : Sententia pasloris etiam injusla est timenda, réédités par fra Paolo avec une préface tendant à prouver que, suivant les principes établis par le chancelier, la sentence de Paul V était un acte injuste et invalide ; enfin une défense, par Jean Marsilli, des huit propositions avancées dans son premier écrit anonyme. H s’ensuivit toute une guerre de plume, où figurèrent une trentaine d’écrivains, en particulier les cardinaux Iiaronius et lîellarmin, ce dernier au premier rang. Aux opuscules cités il lit aulanl de réponses dont les titres précis seront donnés ci-après, Il y discute, pied à pied, toutes les assertions des théologiens de Venise, et défend en même temps, d’après les principes qu’il avait exposés dans ses Controverses, les points en litige : l’exemption des clercs, l’immunité ecclésiastique, le pouvoir coercitif de l’Église, l’infaillibilité du pape et sa puissance indirecte sur le temporel. Sans jamais rien sacrifier à l’erreur, le cardinal garda, dans ce débat, à l’égard des personnes une modération et une charité chrétienne qui est toul à sun honneur, mais que ses adversaires n’ont pas eu houle de

lui reprocher. La lutte de Paul V et de Venise se termina disciplinairement, sinon doctrinalement, en 1607,

par la médiation du cardinal de Joyeuse agissant au nom de Henri IV ; l’interdit fut alors levé. L. Ranke, Histoire de la pajiauté pendant les xvi" et xvif siècles, 2e édit.. Paris. 1818, t. ii, p. 438 sq.

9 J Controverse anglicane. 1607-1609. — Une autre affaire mit le grand polémiste aux prises avec une tête couronnée, Jacques I", roi d’Angleterre. Alors qu’il n’était encore assis que sur le trône dT>cosse et semblait animé de bonnes intentions à l’égard des catholiques, ce prince avait eu l’occasion d’écrire au cardinal Bellarmin, et celui-ci lui avait adressé, le 1° juin 1600, une réponse où les remerciements et les espérances étaient accompagnés de salutaires avis. Epist. famil., i. Lettre très belle, dont la seule lecture convertit un célèbre calviniste, au rapport de Sébastien Badus, Décora Roberti card. Bellarmini, in-4°, Gènes, 1671, part. II, p. 2. Devenu roi de la Grande-Bretagne, Jacques I er trompa l’attente des catholiques anglais ; leur situation devint surtout déplorable après la conspiration des poudres, découverte le 5 novembre 1605. Non seulement les mesures pénales édictées sous le règne d’Elisabeth furent renouvelées, mais, le 5 juillet 1606, un serment leur fut imposé sous peine d’emprisonnement perpétuel et autres conséquences très graves. Voici quels étaient les termes les plus significatifs de ce fameux oal/i of allegiance : « Je, A. B., reconnais, confesse, atteste et déclare en toute vérité et sincérité, en ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, que notre souverain seigneur le roi Jacques est le vrai et légitime roi de ce royaume…, et que le pape n’a, ni par lui-même, ni par aucune autre autorité de l’Église ou du siège romain, pouvoir quelconque ni autorité de déposer le roi, ou de disposer des domaines et royaumes de Sa Majesté…, ou de délier aucun de ses sujets de l’obéissance et de la soumission qu’ils doivent à Sa Majesté… De même je jure de cœur, que nonobstant toute déclaration ou sentence d’excommunication ou de déposition…, je garderai fidélité et obéissance à Sa Majesté. .. Je jure, en outre, que du fond du cœur j’abhorre, déteste et abjure, comme impie et hérétique, cette damnable doctrine et assertion : « Les princes excommuniés « et déclarés déchus de leurs droits par le p3pe, peuvent « être déposés et mis à mort par leurs sujets ou tous « autres gens. » De plus, je crois et j’admets en conscience, que ni le pape ni personne autre n’a le pouvoir de me délier de ce serment, en tout ou en partie… » Traduit des Opéra du roi Jacques, in-fol., Londres, 1619, p. 242.

Par un bref du 22 septembre 1606, Paul V avait déclaré ce serment illicite, cum multa contineat quee fidei et saluti aperte adversantur. Mais l’archiprélre Blackwell refusa de publier l’acte pontifical et, le 7 juillet de l’année suivante, se prononça pour le serment dans une lettre adressée à son clergé. Aussi Paul V publia, le 23 septembre, un second bref pour conlirmer l’authenticité et l’autorité du premier. De son côté, Bellarmin, se prévalant d’une ancienne amitié avec l’archiprètre, lui avait écrit, le 18 du même mois, une lettre très ferme où il essayait de lui faire comprendre sa faute et lui montrait dans le serment un piège tendu aux catholiques anglais : « Il est composé avec tant d’artifice que personne ne peut délester la trahison envers le roi et faire profession de soumission civile, sans être perfidement contraint à renier la primauté du siège apostolique. » Epist. famil., lu. Paroles qu’on peut utilement rapprocher de celle appréciation porti e sur le même serment, par un historien anglican : « Il était rédigé’en des termes si ambigus, qu’une conscience délicate, d’ailleurs aussi bien disposée que possible à faire acte d’obéissance ci ile, ne pouvait pas le supporter,

could nui digest it. » Dodd, Cliurch Ristory of England, édit. Tierney, in-S", Londres, 1841, t. iv, p. 70. Blackwell persista dans son erreur et fut déposé de sa charge