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BÉRENGER DE TOURS

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covpore et sanguine ï)oniini, c. ii, P. L., X. cl, col. 410411. Bérenger y anathématise l’hérésie dont il a été accusé, de qua hactenus infamatus sum, et, à rencontre de cette hérésie, proclame que le pain et le vin qui sont sur l’autel, sont, après la consécration, non seulement sacramentum (un signe, un symbole), mais le vrai corps et le vrai sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et que ce corps peut scnsualiter, non solum sacramento sed in veritate, manibus sacerdolum tractari, frangi et fidelium denlibus atteri. Si elle peut s’entendre bien, cf. Bossuel, Histoire des variations, 1. XV, n. 130, édit. Lâchai, t. xv, p. 142-143, la deuxième partie de cette formule peut être entendue dans un sens matérialiste, tout à lait inexact, et elle le fut au cours de la controverse bérengarienne. Cf. Mabillon, . 4 cta sanct.ordinis S.Benedicti, sooc. vi, part. II, p. xxx. Voir la critique de cette formule dans S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxxvii, a. 6 ; cf. Suarez, In IIP™, disp. XLVII, sect. iv, n. 13-18, édit. Vives, t. xxi, p. 03-65. Bérenger ne tarda point de rétracter cette rétractation. Les passages de son premier livre De sacra coma que nous connaissons et la réfutation de Lanfranc mettent d’abord le débat sur le terrain de la transsubstantiation. Mais, en outre, Lanlranc reproche à Bérenger d'être carnis ac sanguinis ncgalor, c. VI, vin, col. 416, 418, — de ne pas reconnaître dans l’eucharistie, le « vrai corps » , c. xx, col. 436, la « vraie chair » du Christ, c. xxi, col. 439, sous prétexte que le corps du Christ, étant dans le ciel, ne saurait être amené sur la terre, c. x, xvii, xxi, col. 421, 426, 439, — de croire que le pain et le vin consacrés sont appelés la chair et le sang du Christ propterea quod in memoriam cruci/ixse carnis et de latere c/jltsi sanguinis in Ecclesia celebrentur, c. xxit, col. 440. tics textes semblent décisifs, et il est à remarquer que Durand de Troarn, dont le traité fut à peu près de la même date que celui de Lanfranc, les confirme, De corpore et sanguine Domini, c. i, P. L., t. cxlix, col. 1377, ainsi qu’Eusèbe Brunon, P. L., t. cxi.vii, col. 1203. D’autre part, Bérenger, fulminant contre la formule du cardinal Ilumbert. l’incrimine au point de vue de la transsubstantiation qu’il reluse d’admettre, mais ne proteste pas contre la présence réelle ; pour lui, le pain et le viii, par la consécration, deviennent sacramentum religionis, non ut desinant essequæ erant, sed ut sint quse erant et in aliud commutentur, dans Lanfranc, De corpore et sanguine Domini, c. ix, P. L., t. cl, col. 419. Les mêmes contradictions apparentes se retrouvent dans le second livre du De sacra cœna. Barfois, il semble concevoir les éléments eucharistiques d’une façon strictement spirituelle et tout réduire à un pur mémorial ; les principes de philosophie qu’il expose et que nous avons indiqués plus haut aboutissent logiquement à cette conséquence. Ailleurs, son langage est bien pour la présence réelle. Il déclare qu’après la consécration le pain et le vin sont des signes, signes toutefois dune réalité non seulement existante, mais actuellement présente avec les signes, car la res sacramenti accompagne nécessairement le sacrement : Hic ego inquio, dit-il, p. 51, cerlissimum Itabete dicere nie panent atque vinum al taris, post consecralionem, Christi esse recera corpus et sanguinem. Ht, p. 248 : Panis autem et vinum…, per conseerationem, converluntur in Christi carnem et sanguinem, constatque omne quod consecratur… non absumi, non aujerri, non destrui, sed numéro.

Y.n 1078, au concile de SaintJean-de-Latran, Bérenger si. ne la formule suivante, que nous ne voyons pas qu’il ait jamais rétractée : « Je confesse que le pain de l’autel, après la consécration, est le vrai corps du Christ, celui qui est né de la Vierge, a souffert sur la croix, est assis à la droite du Père, et que le viii, après la consécration, est le vrai sang qui a COUlédu côté du Christ. » Cf. M.irieue et Durand, Thésaurus novus anecdotorum, t. iv, col. 103.

En 1079, dans un autre concile du Lalran, il signe cette formule plus accentuée :

Moi Bérenger je crois do coeur et je professe de bouche que le pain et le vin placés sur l’autel, par le mystère de l’oraison sacrée et par les paroles de notre Rédempteur sont changés substantiellement en la vraie, vivifiante et propre chair, et au sang de Jésus-Christ Noire-Seigneur, et que, après la consécration, c’est le vrai corps du Christ, lequel est né de la Vierge et, offert pour le salut du monde, a été suspendu sur la croix, et siège à la droite du Père, et c’est le vrai sang du Christ, lequel a coulé de son coté, et cela non pas se iileinent en signe et par la vertu du sacrement, mais en propriété de nature et en vérité de substance, ainsi qu’il est contenu dans cet écri t que j’ai lu et que vous avez entendu. Ainsi je crois, et contre cette foi désormais je n’enseignerai rien. Qu’ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Évangiles.

Ego Berengarius corde credo et ore confiteor panem et vinum, quae ponuntur in altari, per mysterium sacra ? oratieiiis et verba nostri Redeinptoris substantialiter converti in veram et propriam ac vivificatricem carnem et sanguinem Jesu Christi Domini nostri, et, post consecrationem, esse verum Christi corpus, quod natum est de Virgine et quod.pro sainte mundi oblatum, in cruce pependit, et quod sedet ad dexteram Patris, et verum sanguinem Christi, qui de latere ejus eiïusus est, non tantum per signum et virtutem sacramenti, sed in proprietate naturæ et veritate substantiæ sicut in hoc brevi continetur, et ego legi et vos intelligitis. Sic credo, nec contra hanc fidem ulterius docebo. Sic me Deus adjuvet et hæc sancta Dei Evangelia.

Cf. P. L., t. cxlviii, col. 811-812 ; Denzinger-Stahl, Enchiridion symbolorum et definilionum, 9° édit., Wurzbourg, 1900, doc. xl, n. 298, p. 105.

Ce texte contient deux choses : la transsubstantiation et la présence réelle. Le mot de transsubstantiation manque — il n’existait pas encore — mais l’idée désignée par le mot est affirmée aussi clairement que possible, et saint Thomas ne fera guère que reprendre les expressions de cette formule pour définir la transsubstantiation : Tolasubstantia jianis 'convertit ur in totarn substantiam corporis Cltristi, et tota substantia vini in tolam substantiam sanguinis Cltristi, uttde Itœc conversio… proprio nomine potest dici transsubslantiatio. Sum. theol., III a, q. lxxv, a. 4. Quant à la présence réelle, elle est énergiqueinent proclamée et avec une insistance qui ne laisse aucune place aux équivoques : ce qu’il y a sur l’autel après la consécration, c’est le vrai corps du Christ, celui qui naquit de la Vierge, qui fut cloué sur une croix, qui siège à la droite du Père, c’est son vrai sang, celui qui jaillit de son côté ouvert par la lance ; la présence du Christ n’est pas seulement une présence figurative ou virtuelle, mais c’est la présence de sa propre nature, de sa substance véritable. Dans un court opuscule, Bérenger s’est expliqué sur cette profession de loi et sur le serment par lequel il l’avait ratifiée. Selon sa constante habitude, il y rejette la transsubstantiation. Relativement à la présence réelle, sa pensée est moins franche. Il distingue et admet, dans l’eucharistie, le sacramentum et la res sacramenti, le signe et la chose signifiée. Mais une phrase inviterait à croire qu’il fait de la présence réelle une présence exclusivement dynamique : parlant de l’institution de l’eucharistie, il dit que Jésus bénit le pain et le viii, id est panem et vinum ineam dignitatem provexit ut, pnvter naturalem sustenlationent, quant reficiendis possuttt adhibere corpoHbus, sint etiam ad salutem anima efficaces, sacramenta ea constit uens corporis sui et sanguinis. Cl. Martène et Durand, Thésaurus nuvus uuecdoctonon, t. IV, col. 107. A s’en tenir à ces lignes, la présence substantielle du Christ dans l’eucharistie sérail compromise : seulement Bérenger ajoute bientôt aptes ces fortes paroles : Panem et vinum sarrata in altari esse non alius cujusquam sed proprium Christi corpus, non fantastieum, sicut Manichsei [dicunt], sed verum et huuiauiim.

Il nous reste à relever un témoignage de tiuitmond.