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BERNARD (SAINT ;

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nations, le chef des chrétiens, le régulateur du clergé, le pasteur des peuples, le vengeur des crimes, la terreur des méchants, la gloire des bons, le marteau des tyrans, le père des rois, le modérateur des lois, le dispensateur des canons, le sel de la terre, la lumière du monde, le prêtre du Très-Haut, le vicaire du Christ, le Christ du Seigneur, enfin le Dieu de Pharaon. » Jbid., 1. IV, c. VII. Bernard tient cependant à montrer que cette suprême autorité ne supprime pas la hiérarchie. Les évêques sont aussi des pasteurs de troupeaux : « Vous vous trompez, écrit-il à Eugène III, si vous croyez que votre puissance apostolique, pour être souveraine, a été seule instituée par Dieu. » Ibid., 1. III, c. iv, n. 17. Mais cette réserve faite, rien ne limite l’autorité papale. « Chaque évêque a un troupeau qui lui est particulièrement assigné ; pour vous, tous les troupeaux ensemble n’en font qu’un seul, qui vous est confié. Vous n’êtes pas seulement le pasteur de toutes les brebis, mais encore celui de tous les pasteurs. Vous pouvez, le cas échéant et pour un motif grave, fermer le ciel même à un évêque, le déposer et le livrer à Satan. En un mot, vous êtes par excellence le vicaire du Christ. » lbid., 1. II, c. vin. n. 15, 16. Cf. Epist., cxxxi, P. L., t. clxxxii, col.’287-288 (lettre très importante). Et l’autorité du pape n’est pas seulement souveraine en matière disciplinaire, elle l’est également dans la morale et dans le dogme. Le pape est infaillible : « Tout ce qui touche la foi vous regarde, écrit Bernard à Innocent IL II est juste que les dommages de la foi se réparent là où la foi ne peut éprouver d’amoindrissement : lbi potissimum resarciri damna fi dei, ubi non possit fidessenlire defccluni. Car telle est la prérogative de ce siège : Iliec q nippe prerogativa sedis. En effet, à quel autre a-t-il été dit : a J’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas. » Ce qui suit s’applique donc aux successeurs de Pierre : « Et toi, une fois converti, confirme tes frères. » Luc, xxii. 32. De erroribus Absulardi, prx(., P. L., t. clxxxii, col. 1053.

Quant au pouvoir temporel du pape, Bernard n’est pas de ceux qui en fassent grand état. Sans doute, comme la plupart de ses contemporains, il croit à la fabuleuse donation de Constantin. Mais sa modestie chrétienne s’olfense de voir « le successeur de Pierre orné de soieries et de pierres précieuses, couvert d’or, porté par une blanche haquenée, escorté de gendarmes et entouré de ministres bruyants » , comme un prince de ce monde, comme « un successeur de Constantin » . In his successisli non Petro sed Constanlino. De considérai. , 1. IV, c. iii, n. 6. Aussi bien, gouverner les Romains, race intraitable et facilement rebelle, est un souci trop absorbant, une entreprise décourageante. Jbid., c. ii, n. 2, 4. Le pape tirera-t-il le glaive contre eux ? Sans doute les deux glaives lui appartiennent. Mais il a été dit à Pierre et par suite à son successeur : « Remettez votre épée dans le fourreau. » lbid., c. ni, n. 7. Bernard veut que le souverain pontife gouverne par la parole et non par l’épée. Ibid. Et si ce moyen ne réussit pas, il lui « reste encore une chose à faire : Sortez de la capitale des Chaldéens et dites : Il faut que je porte aussi l’Évangile à d’autres cités. Si je ne m’abuse, en échangeant ainsi Rome pour l’univers, vous n’aurez pas à vous repentir de votre exil » . lbid., c. III, n.8. Ainsi Bernard ne recule pas devant l’abandon de Rome. Il semble qu’il ne soit pas éloigné de renoncer au pouvoir temporel des papes.

2. Les évêques.

Après le pape, les évêques. Eux aussi sont d’institution divine. « Vous vous trompez, écrit Bernard à Eugène III, si vous croyez que votre puissance apostolique, pour être souveraine, a été seule instituée par Dieu. » De considérât., 1. III, c. iv, n. 1 ; cꝟ. 1. IV, c. vu. Le saint docteur appelle quelquefois les évêques Christi vicarios, De officio episcoporum, c. ix, n. 36, bien qu’il ait dit ailleurs que le pape est « l’unique vicaire du Christ » , unicum Christi vicarium. De considérât-, 1. II, c. viii, n. 16. Mais il a soin de faire remarquer que l’autorité épiscopale est à certains égards subordonnée à celle du souverain pontife, il recommande, par exemple, à l’archevêque de Sens de « se montrer vis-à-vis du vicaire du Christ, quel qu’il soit, dans la dépendance que l’antiquité a établie entre les Églises » . De officio episcop., c. viii, n. 31.

3. Les cardinaux.

Les membres du sacré-collège, que Bernard appelle les « collatéraux et les coadjuteurs » du pape, De considérât., 1. IV, c. IV, n. 9, sont divisés en trois ordres.

Au xiie siècle, le collège total comprenait cinquante-deux membres : soit six cardinaux-évêques, vingt-huit cardinaux-prêtres et dix-huit cardinaux-diacres. Il n’y avait pas entre les trois ordres une égalité absolue d’attributions. Le décret de Nicolas II, concernant les élections papales, accordait aux cardinaux-évêques une réelle prééminence que l’abbé de Clairvaux ne manqua pas de faire valoir lors de l’élection d’Innocent II. Cf. Vacandard. Vie de saint Bernard, l le édit., t. i, p. 276-302. D’une façon générale, il semble que Bernard n’ait pas fort apprécié en soi le cardinalat et l’honneur qu’il confère. Loin d’admettre que les cardinaux-prêtres et diacres eussent la prééminence sur les évêques de la catholicité, il trouvait ridicule, contraire aux convenances, au droit et à la coutume, qu’ils eussent la prétention de prendre rang avant leurs confrères dans la prêtrise et le diaconat. « Le nom de diacre, en particulier, dit-il, implique non pas un privilège de dignité, mais un service spécial. Si vous assistez de plus près au trône pontifical, c’est uniquement afin que le pape vous ait plus facilement sous la main. » Podicule minislri vestri vestris se compresbijteris anteferre conantur, etc. De considérât., 1. IV, c. v, n. 16. Bernard recommande au pape pour la nomination des cardinaux une extrême prudence. Qu’il élargisse le plus possible la sphère où s’exerce son choix. « Pourquoi, dit-il à Eugène III, ne choisiriez-vous pas dans l’univers ceux qui doivent juger l’univers entier ? » De considérât., 1. IV, c. iv, n. 9, 10.

4. Le clergé inférieur.

Sur le clergé inférieur, la doctrine de Bernard n’offre rien de particulièrement remarquable. Sur le clergé en général, cf. Sermo de conversione ad clericos, P. L., t. clxxxii, col. 831 sq., notamment c. xx, col. 853 sq. ; sur les archidiacres, cf. Epist., lxxviii ; sur le sous-diaconat qui implique l’obligation et le vœu de continence, cf. Epist., cem, etc.

Prérogatives de l’Eglise. —

1. L’Église romaine est l’Eglise catholique. Elle doit embrasser tout l’univers. L’abbé de. Clairvaux déplore l’interruption des missions évangéliques : « Comment vos prédécesseurs, dit-il à Eugène III, ont-ils eu l’idée de mettre des bornes à l’Evangile et d’arrêter l’essor de la parole de foi, pendant que l’infidélité ; dure encore ? Il est nécessaire que la vérité arrive jusqu’aux oreilles des gentils. Attendons-nous que la foi tombe d’elle-même sur eux ? Comment croiront-ils, si on ne les prêche ? Pierre fut envoyé à Corneille, Philippe à l’eunuque, et, pour prendre un exemple plus récent, Augustin fut chargé par le bienheureux Grégoire de transmettre aux Anglais la règle de la foi. » De considérât., 1. III, c. i, n. 3, 4. Quelles n’eussent pas été les plaintes de Bernard s’il eut pu apercevoir, par de la le monde connu de son temps, les nations qui peuplaient l’Extrême-Orient et les sauvages du Nouveau-Monde ! Quant aux juifs, dont il prit la défense en maintes circonstances, cf. Epist., ccclxiii, ccclxv ; In Gantica, serm. lxiv ; Liber ad milites Templi, c. x, il ne songe pas à les évangéliser. o Les temps marqués pour la conversion des juifs ne sont pas arrivés, dit-il au pape ; vous êtes excusable de ne pas prévenir les desseins de la providence. » De considérât., 1. III, c. i, n. 3.

2. L’Église catholique doit être une. Bernard voudrait