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BERTRAND — BÉRULLE


teniporali potestate tractatits. Le premier de ces deux écrits a été imprimé en K95 et le second en 158t. Ellies Du Pin, Histoire des controverses et des matières ecclésiastiques traitées dans le XIV siècle, Paris, 1697, p. 251, Tous deux ont été souvent réédités depuis. On les trouve dans Magna bibliotheca veterum Patrion, Colegne, 1618, t. xiv, p. 78-101.

La doctrine contenue dans ces ouvrages est digne d’attention. Bertrand a été un des plus fameux régents de droit canonique à cette époque. C’est un ancien légiste, un serviteur fidèle et dévoué de la monarchie française. Enfin, il est, à Vincennes, le représentant des évéques de sa nation.

Bertrand n’est pas intransigeant, il promet la correction des abus ; mais il revendique énergiquement les droits que l’Église tient de son fondateur ou de la coutume. Le pouvoir temporel, dit-il, vient de Dieu qui nous a donné la raison, faculté qui postule l’existence de l’ordre et d’un gouvernement de la société. Mais seul est souverain véritable celui qui arrive au trône soit par droit de succession, soit par l’élection du peuple, soit par le choix de Dieu. Toutefois, un pouvoir fondé par l’astuce ou la violence peut ensuite devenir légitime par le consentement formel ou implicite des sujets. A côté de cette puissance temporelle, doit exister une autorité spirituelle, ayant, elle aussi, droit de juridiction ; car seule, elle sera compétente pour nous commander le bien, nons défendre le mal, en vue du ciel et sous peine de renier. Aussi Jésus-Christ qui la possédait l’a conliée à Pierre et à ses successeurs. Bertrand prouve ensuite par l’histoire que les deux pouvoirs, spirituel et temporel, peuvent être détenus par la même personne ; il l’établit aussi par la raison, car, dit-il, ces deux puissances sont distinctes, mais ne s’opposent pas. Voilà pourquoi, conclut-il, l’Église peut connaître des actions personnelles et des actions mixtes des laïques. Tous les chrétiens, en tant que tels, lui sont soumis. Le pape a juridiction sur tous les lieux, tous les fidèles ; les évèqucs sur tous leurs diocésains, à l’exception de ceux que le souverain pontife a exemptés de leur autorité. Et cette juridiction de l’Église s’étend sur toutes les actions des chrétiens qui peuvent être péchés mortels. Le pouvoir spirituel est institué, en effet, pour diriger l’homme vers sa fin ; par conséquent, il est juge des moyens par lesquels nous pouvons nous en écarter, c’est-à-dire de toutes nos fautes. L’accusateur qui poursuit un chrétien a donc le choix entre deux juridictions : il peut l’attaquer devant les tribunaux d’Eglise ou devant les juges laïques, faire condamner le fidèle ou le citoyen. Si la juridiction spirituelle n’a pas toujours exercé ses droits, c’est à cause de l’opposition violente des tyrans, ou encore parce que les chefs de la société chrétienne n’ont pas voulu être soupçonnés de rechercher des avantages matériels. Bertrand ajoute que l’Eglise peut connaître même des actions réelles des laïques, lorsque la coutume ou des privilèges lui ont gracieusement octroyé ce droit. Enfin, il établit la suprématie de l’autorité spirituelle sur l’autorité temporelle. La première nous dirige vers les biens de la vie future, la seconde ne s’occupe que de l’existence présente ; la première l’emporte donc sur la seconde comme la fin sur les moyens d’y parvenir. D’ailleurs, le Christ a transmis à Pierre et à ses successeurs le pouvoir suprême qu’il possédait sur toute créature. Toutelois, Bien ayant décidé que, dans l’ordre actuel, l’homme aurait le droit d’usage, le domaine légal de sa propriété, nul, pas même le pape, ne peut, sans un juste motif, déposséder quelqu’un de ses biens. Bertrand invoquée l’appui de cette thèse la bulle l’nam sanctam de Boniface VIII.

Sur la biographie de Bertrand, la -.nuire la plus complète est lo manuscrit Inédit du P. Grasset, religieux célestin du xvile siècle :

Discours généalogique de la noble maison de Bertrand et de leur alliance avec celle de Colombier. L’original fait partie de

la bibliothèque de feu M. Desgrand, d’Annonay ; il en existe plusieurs copies. Voir A. Mazon, Le Père Grasset, chroniqueur célestin du xvii’siècle, Lyon, 1889. M. Mazon s’est servi de cet ouvrage pour rédiger les notices qu’il a consacrées à ce personnage : Essai historique sur le Vivarais pendant la guerre de cent ans, Tournon, 1890, p. 58-86 ; Grande Encyclopédie, Paris, t. vi. Voir encore du Boulay : Historia universitatis Parisiensis, Paris, 1608, t. IV ; Baronius, Annales ecclesiastici, édit. Mansi, Lucques, 1750, t. xxiv, an. 1329, n. 75-77 ; Ciacconio, Vitx et res gestse pontificum romanorum et S. H. E. cardinalium, 1677, t. ii, p. 433 : Ellies Du Pin, Histoire des controverses et des matières ecclésiastiques traitées dans le xiV siècle, Pi.ris, 1697, p. 241-251 ; Gallia christiana, Paris, 1720, t. ii, p. 743 ; 1728, t. IV, p. 408-412 ; 1770, t. xii, p. 647 ; Soix, Mémoire sur le cardinal Pierre Bertrand, Lyon, 1863.

Sur la conférence de Vincennes, voir P. Fournier, Les conflits de juridiction entre l’Église et le pouvoir séculier, de 1180 à 1318, dans la Revue des questions historiques, Paris, 1880, t. xx vii, p. 461-464 ; ce travail a été ensuite publié par l’auteur dans Les offtcialités au moyen âge, Paris, 1880 ; J. Boy, La conférence de Vincennes et les conflits de juridiction, duns les Mélanges Renier, Paris, 1887. fj. Bien.

    1. BÉRULLE (Pierre de)##


BÉRULLE (Pierre de). — I. Vie. IL Ouvrages.

I. Vie.

Il naquit à Cérilly en Champagne, le 4 février 1575, d’une illustre et ancienne famille de robe. Tout jeune encore et avant d’être honoré du sacerdoce, il s’employa à la conversion des protestants, et composa un Discours de l’abnégation intérieure, qui fit présager de quelle autorité il serait un jour comme écrivain mystique. Devenu prêtre et aumônier honoraire de Henri IV, qui lui offrit inutilement à plusieurs reprises divers évêchés, il assista le cardinal Du Perron dans ses conférences avec les ministres huguenots. Du Perron disait de lui : « S’il s’agit de convaincre les hérétiques, amenez-les moi ; s’il s’agit de les convertir, présentezles à M. de Genève (saint François de Sales) ; mais s’il s’agit de les convaincre et de les convertir tout ensemble, conduisez-les à M. de Bérulle. » Lié par le sang et l’amitié avec M" 8 Acarie (la future Bienheureuse Marie de l’Incarnation), le jeune de Bérulle entreprit avec elle et divers personnages l’introduction en France des carmélites réformées de sainte Thérèse. Cette négociation fut longue et pénible, mais aboutit heureusement au commencement du XVIIe siècle. Le rôle du P. de Bérulle dans cette allaite a été diversement apprécié. Le cardinal Pie a chaleureusement pris la défense du Cartnel de France, toujours llorissant avec l’organisation que lui ont donnée, avec l’approbation réitérée du saint-siège, le P. de Bérulle, la B. Acarie et la Vénérable Madeleine de Saint-Joseph.

En 1611, le P. de Bérulle fonda l’Oratoire de France, sur le modèle de celui de saint Philippe de Néri, mais avec quelques modifications que le très grand développement pris par cette congrégation aux xvii" et xviif siècles a justifiées, tandis que les essais de transplantation de l’Oratoire philippin en France ont toujours végété. On trouvera à l’article Oratoire l’histoire de la fondation du P. de Bérulle et quelques détails sur son organisation. Disons seulement ici que de l’Oratoire — dont le célèbre P. Cotton disait « qu’il était nécessaire à L’Église » , mot répété ainsi par saint François de Sales : « Il n’y a rien de plus saint et de plus utile à l’Église de Dieu » — sortit le renouvellement du clergé de France au xvii° siècle. « Durant la dispute qu’un parti puissant suscita… plusieurs de ses membres, dit Feller, ne surent pas assez se défendre contre la nouveauté ; mais la généralité de la congrégation resta toujours attachée à la doctrine de l’Église et aux décrets de ses pontifes. »

Le P. de Bérulle, fondateur de la nouvelle congrégation, en fut naturellement le premier supérieur général. Bien que toujours chargé avec cela de la direction des carmélites, nous le trouvons aussi activement occupé des affaires publiques de son temps. Il tant signaler

notamment >ou rôle dans l’affaire du mariage de