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BIENS ECCLÉSIASTIQUES

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tissement diminuait le domaine eminent, sinon le domaine utile du seigneur supérieur ; il fallait donc, pour amortir, remonter de suzerain en suzerain jusqu’au seigneur souverain, baron, comte, duc, ou roi, sans le consentement de qui l’amortissement n’était pas possible. A la fin du xiiie siècle, le roi affirma son droit de souverain fielleux de tout le royaume, et par suite la nécessité de son autorisation pour tout amortissement. Ordonnance de 1275, Collection des ordonnances du Louvre, t. i, p. 304. Le roi ne renonçait à ce droit que sur les fiefs qui avaient déjà payé la mainmorte à trois suzerains superposés. On en vint, enfin, à ne plus payer l’amortissement qu’au roi, et une indemnité au seul suzerain immédiat.

Au xvie siècle, le droit d’amortissement subit une transformation théorique. Les jurisconsultes, oublieux de l’origine féodale de l’institution, construisent de toutes pièces un système nouveau. Ils supposent, sans la prouver d’ailleurs, l’existence d’une loi antérieure à la féodalité, interdisant de tout temps, dans la monarchie franque, l’acquisition de biens par les établissements ecclésiastiques, sans l’autorisation du roi. Le droit d’amortissement devient, dans la théorie nouvelle, une taxe pavée par l’Église à l’occasion de l’autorisation royale. La première conséquence fut qu’on exigea le droit d’amortissement, non seulement pour les fiefs, mais encore pour les alleux. L’indemnité payée au suzerain immédiat dans le cas d’amortissement d’un fief devenait elle-même un simple accessoire, le droit d’amortissement payé au roi devenait le principal. Pour terminer tous les conflits entre le fisc et les établissements ecclésiastiques qui résultaient de la nouvelle situation, Louis XIII accorda, moyennant une somme de cinq millions et demi de livres, consentie par le clergé, un amortissement général (Contrat de Mantes). La théorie faisant toujours son chemin, on en vint à se servir de l’amortissement pour entraver les acquisitions de biens par les établissements ecclésiastiques. Ce que Charles-Quint avait fait au xvie siècle pour le Uainaut, l’édit de 1749 le fit pour la France, exigeant des lettres patentes du roi pour l’acquisition d’immeubles ou de rentes constituées (sauf les rentes sur le roi, sur les pays d’État ou les communautés).

Telle est l’origine du droit de mainmorte moderne et de l’ingérence injustifiée de l’État dans les acquisitions de biens par les établissements ecclésiastiques. Voir Esmein, op. cit., p. 267 sq., 621, 622, et Barthélémy Terrât, (Jttelques considérations sur les biens de mainmorte, dans Congrès national catholique de Reims, 1896, à part, Lille, 1897. Coulondre, Des acquisitions de biens par les établissements de la religion chrétienne, Paris, 1886, réfute, p. 147 sq., l’opinion qui affirme que l’Église n’a jamais rien possédé en France sans la permission du roi. Jacquier, De la condition légale des communautés religieuses en France, Paris, 1869, p. 120, Bondroit, De capacitate possidendi Ecclesix, Louvain, 1900, part. II, c. i, apportent toute une série de textes mérovingiens.

Période de la monarchie centralisatrice.

Sous

le régime de la féodalité, le pouvoir central avait disparu, ses obligations étaient remplies, tant bien que mal, par les seigneurs, qui en retour exerçaient aussi, à leur manière, les droits du souverain. Ils laissèrent tomber en désuétude presque complètement, nous l’avons vu, le droit de lever l’impôt tel qu’il était perçu par la r… : ni : I : poque fi : nque. Les propri ; t : secc l : si istiques. dispensées déjà la plupart du temps de l’impôt, sous les deux premières races, par suite de multiples concessions

d’immunités particulières, ne lurent plus astreintes en principe à aucune contribution foncière régulière. Le pouvoir central avait, en effet, peu de besoins, puisque les services publics étaient assurés par d’autres ; ceux-ci de leur côté se contentaient des droits de justice, de droits fiscaux qui ne tombaient que sur les roturiers et les serfs (sauf les droits de gîte et de procuration qui

atteignaient, dans certains pays, les nobles et les établissements ecclésiastiques), enfin, du droit de régale.

Quand le pouvoir royal commença à se reconstituer, les revenus du domaine, qui devaient en principe taire face aux dépenses des services publics, et qui constituaient les finances ordinaires, devinrent bientôt insuffisants ; il fallut recouriraux ressourcesextraordinaires, qm consistèrent en levées d’impôts plus ou moins généraux. La dîme saladine, levée par Philippe-Auguste pour faire face aux dépenses de la croisade, semble avoir fourni le premier exemple d’un impôt levé, par l’ordre du roi, sur tout le pays, dans un but d’utilité générale. L’aide était demandée par le roi aux seigneurs qui la consentaient et la.levaient sur leurs sujets pour le roi. On convertit aussi en argent le service militaire, et on remplaça les appels de l’arrière-ban par un impôt général. Les légistes, s’appuyant sur les textes du droit romain, en vinrent à reconstruire la théorie de la nécessité pour les sujets de payer un impôt annuel, fournissant à l’État des ressources normales. L’habitude qu’on avait prise de payer les aides pendant vingt années successives pour la rançon du roi Jean fit rentrer dans les mœurs le système de l’impôt annuel ; en sorte que les États généraux de 1484 ne purent rétablir l’ancien régime de l’impôt intermittent.

Il est important de noter que les biens du clergé vinrent en aide au pouvoir royal, avant même que le roi levât les premières contributions générales.

Les canonistes du XIIIe siècle, élevés à la même école que les légistes, avaient compris le devoir de tous de subvenir aux besoins de l’État, et en construisant la théorie de l’immunité ecclésiastique, ils reconnurent (dans un temps où l’impôt permanent foncier général n’existait pas encore) que les biens d’Église pouvaient être soumis non seulement à l’impôt ordinaire, mais même, sous certaines réserves, à l’impôt extraordinaire. C’est, comme on le voit, la pure théorie romaine. Cf. Décr. de Grégoire IX, iii, 49, De immunitate ecclesiarum, c. il, où saint Grégoire le Grand déclare que personne n’est exempt en cas de siège de la garde des murailles ; c. iv, où le III* concile de Latran ( 1 179), tout en réagissant contre les exactions injustifiées dont les seigneurs surchargeaient les biens d’Église, s’en remet aux évéques et à leur clergé pour contribuer au salut public dans la mesure où cela sera jugé nécessaire ; c. Vil, où le IVe concile de Latran (1215) exige, en plus, l’autorisation du pontife romain, et que les biens des laïques soient reconnus insuffisants, pour qu’on frappe les biens ecclésiastiques de contributions extraordinaires, mais, par conséquent, en admet en principe le paiement.

Flammermont, De concessu legis et auxilii, p. 63-70, fait remarquer que dès le règne de Louis VII, avant que Philippe-Auguste ne levât les premières aides extraordinaires et générales, l’Église avait accordé au roi une contribution. A partir du règne de Louis VIII, quand le clergé vient au secours du roi, c’est par le paiement d’un décime, c’est-à-dire le dixième des revenus d’une année, à l’imitation de la dime saladine de Philippe-Auguste. Les décimes annuels furent ainsi consentis par le clergé très souvent dans la seconde moitié du xiiie siècle et au xiv e. Martin IV accorda les décimes quatre années de suite à Philippe le Bel. La lutte entre ce dernier et Boniface VIII eut pour première origine la levée, par le roi, d’un décime en 1291, sans l’autorisation du pape. De plus, Philippe le Bel imposa de force, en 1295, une contribution sur tous les biens, même ecclésiastiques, sans que le clergé l’eût votée, ce qui était d’ailleurs contraire au principe de l’époque que le contribuable doit voter l’impôt après avoir jugé’de son ulilité. Aux xiv* et xv siècles, le clergé’accorda fréquemment les décimes, sans l’intervention du pape (concession (les successeurs de lionitace Vlllj. Au Concordat de 1516, François I" obtinl de