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BINAGE


messe. Il comportait lui-même deux exceptions : les trois messes de la fête de Noël et le cas de nécessité.

Les trois messes de Noël.

La célébration de

trois messes est permise, le jour de Noël, aux prêtres qui suivent le rite romain, soit pour honorer les trois naissances du Verbe : dans l’éternité, dans le temps et dans l’âme des justes, comme l’enseigne saint Thomas, S um. theol., III a, q. lxxxiii, a. 2, ad2um ; soit pour rappeler le triple état de l’humanité : avant la loi de Moïse, sous cette loi et après cette loi, c’est-à-dire sous la loi de grâce, comme le pensent le Vénérable Bède, Serin, de nativitale Domini, et la Glose, In décrétai., 1. III, tit. xli, c. 3.

Le prêtre qui use de cette permission doit dire les trois messes du missel romain. Il ne lui est pas permis de dire deux ou trois fois l’une de ces messes. A moins d’induit, on ne peut célébrer à minuit une messe privée. Le prêtre qui ne dit à Noël qu’une messe, doit choisir celle qui correspond à peu près à l’heure de la célébration.

Cas de nécessité.

En dehors de la fête de

Noël, les cas dans lesquels un prêtre pouvait dire deux messes, étaient autrefois plus nombreux qu’ils ne le sont à notre époque, car on a interprété diversement, suivant les temps et les lieux, la clause nisi causa necessitalis suadeat, insérée dans la lettre du pape Innocent III, rapportée plus haut.

Ainsi bien des auteurs ont enseigné longtemps qu’un prêtre, pourvu qu’il n’eût pas pris les ablutions et que nul autre prêtre ne fût présent, pouvait célébrer une seconde messe, pour bénir un mariage, ou pour des funérailles ; pour l’arrivée inopinée d’un certain nombre de pèlerins ou de quelque illustre personnage, qui tiendrait à assister à l’oblation du saint sacrifice, et cela même les jours non fériés ; ou bien encore pour communier un moribond en viatique, ou lorsque plusieurs offices concourent le même jour, par exemple une fête et une vigile, ou les rogations, ou des anniversaires pour les défunts. Cf. Durand de Mende, Ralionale, 1. IV, c. i, n. 25, Lyon, 1672, p. 91 ; Suarez, In 111**, disp. LXXX, sect. iii, n. 4, Paris, 1861, t. xxi, p. 775. Mais aujourd’hui ces raisons ne sont plus regardées comme valables. Les canonistes anciens interprétaient avec la Glose du c. Consuluisti le décret d’Innocent III dans le sens de l’utilité des fidèles. Mais après le concile de Trente et surtout depuis les déclarations de Benoit X IV, on l’a entendu d’une réelle nécessité de biner pour que le peuple chrétien pût satisfaire au précepte d’entendre la messe les dimanches et jours de fête d’obligation.

Assurément, les canonistes contemporains reconnaissent encore au prêtre, qui n’a pas pris les ablutions, le droit de dire une seconde messe, s’il était nécessaire de consacrer une hostie pour communier un moribond en viatique. C’est évidemment un cas de nécessité urgente. Mais, dans la pratique actuelle, ce cas est extraordinaire et presque chimérique. On garde généralement dans toutes les églises des hosties consacrées. Si par hasard il n’y en avait pas, il iaudrait supposer que le prêtre est appelé à donner le viatique, lorsqu’il est à l’autel, achevant sa messe, et, dans le court intervalle qui sépare la communion sous l’espèce du pain consacré et la purification du calice. En effet, s’il est prévenu avant la consécration, il consacrera une petite hostie ; si c’est après la consécration, mais avant la communion, il réservera pour le moribond une parcelle de la grande hostie. D’autre part, suivant l’enseignement de beaucoup de canonistes, dès qu’il n’est plus à jeun, il ne lui est plus permis de dire une seconde messe, même pour pouvoir communier un malade en viatique. Voir de Lugo, De eucharistia, disp. XV, n. 68 ; Suarez, In III"*, disp. LXVIII, sect. v, n. 5 ; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, n. 286 ; Benoit XIV, De sacri/icio missse, sect. il, n. 100, Louvain, 1762, t. ii, p. 164 ; S. Many, Præle ctiones de missa, Paris, 1903, p. 312-344. Toutefois, si le cas se présentait, le prêtre ne prendrait pas les ablutions de la première messe et en célébrerait une seconde.

La seule raison que reconnaît régulièrement la discipline actuelle est la nécessité pour le peuple chrétien d’entendre la messe, les dimanches et jours de fête d’obligation. Quand un curé, par exemple, administre deux paroisses, et que les habitants de l’une ne peuvent pas commodément venir dans l’autre ; ou bien, quand, vu les dimensions relativement étroites de leur église ou la distance des lieux d’habitation, les habitants ne peuvent pas tous s’y réunir à la même heure, alors, s’il n’y a pas d’autre prêtre disponible, le binage est permis.

C’est l’enseignement commun des théologiens et des canonistes modernes. Il est fondé sur la lettre Declarasti, adressée par Benoit XIV, ie 16 mars 1746, à l’évêque d’Osca, Bullarium, Venise, 1778, t. il, p. 7 sq., et sur la jurisprudence des Congrégations romaines. La S. C. du Concile, déjà avant la lettre de Benoît XIV, avait rendu plusieurs décisions dans le même sens. Elles sont rapportées dans le Votum du cardinal Zelada, du 20 août 1768, Thésaurus resolutionum S. C. Concilii, t. xxxvii, p. 208-221. Après la lettre de Benoît XIV, cette Congrégation s’y est plusieurs fois référée comme la règle à suivre. T/iesaurus, t. cxvii, p. 403 ; t. cxxr, p. 68, 71-72. La S. C. de la Propagande enseigne la même chose dans son instruction du 21 mai 1870. De sacrosancto missæ sacri/icio bis in die celebrando, n. 10, Collectanea S. C. de Propaganda fide, Borne, 1893, n. 792, p. 295. La S. C. des Rites consultée a répondu aussi plusieurs fois dans le même sens. Décréta authentica, n. 2817, 3481, ad 4 « iii, t. ii, p. 299 ; t. iii, p. 104.

Jusqu’à la grande révolution de 1789, les cas de ce genre se rencontraient rarement. Dans chaque localité il y avait généralement assez de prêtres, pour que les messes célébrées par eux répondissent aux besoins des populations. Mais, depuis un siècle, en France surtout, en Espagne et en Allemagne, le nombre des prêtres est de beaucoup diminué, tandis que les limites des paroisses, au contraire, se sont très sensiblement étendues. Dans d’autres endroits, là où les catholiques étaient en minorité, c’est le nombre des fidèles, qui, grâces à Dieu, s’est accru. Les conditions ne sont donc plus les mêmes et l’on conçoit que les binages soient devenus plus nécessaires.

Ainsi, pour autoriser les prêtres à biner, l’Église ne considère que la nécessité des fidèles, et elle permet le binage seulement lorsqu’une seconde messe est nécessaire pour que les chrétiens puissent satisfaire au précepte de l’assistance au saint sacrifice. Par conséquent, elle ne tient pas compte des besoins du prêtre, et les Congrégations romaines ont plusieurs lois déclaré que la pauvreté du prêtre n’était pas un motif suffisant de réitérer la messe le même jour. Du reste, il est interdit aux bineurs de percevoir un honoraire pour la seconde messe qu’ils célèbrent. D’autre part, comme il s’agit de faciliter aux fidèles l’observation du précepte d’assister au saint sacrifice, il est clair, qu’en règle générale, la nécessité n’autorise le binage que les jours de dimanches et de fêtes de précepte. Par conséquent, il n’est pas permis, à moins d’induit spécial, de biner les jours de fêtes supprimées. Toutefois la S. C. du Concile autorise parfois, par induit pontifical, à biner en certains jours de fêtes supprimées, par exemple, au diocèse de Nancy, en la fête de la Circoncision, au mercredi des Cendres, au jeudi saint, aux lundis de Pâques et de la Pentecôte, au jour des morts et à la fête de saint Etienne, tous les prêtres qui ont l’administration de deux églises. D’ailleurs, on n’est jamais autorisé à biner dans les oratoires domestiques, parce que la nécessité de quelques fidèles ne suffit pas à justifier la réitération de la messe.

En outre, même quand la nécessité de deux messes