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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/467

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BŒHME — BOGOMILES


Bœhme cessa d'écrire. Mais, cinq ans après, il publia en copies manuscrites de nouveaux traités : Theosophische Briefe, 1618 ; Drei Principien gôltlichen Wesens, etc., où il reprenait ses explications mystiques touchant l’essence divine, la pénitence, la prédestination ; le tout parut sons le nom de Weg zu Cliristo, 1623. Le pasteur de Gôrlitz ayant continué de persécuter Bœhme à cause des erreurs de ces écrits, celui-ci alla habiter à Dresde, puis en Silésie ; il avait abandonné son métier ot vivait soutenu par ses parents et ses admirateurs. Il revint mourir à Gôrlitz, le 21 novembre 1624.

Les écrits de Bœhme, qui semblent inspirés de Paracelse, sont très obscurs, pleins de visions ; leur vocabulaire est rempli de termes mystiques ou empruntés à l’alchimie et à l’astrologie. Troublé par les discussions sur la grâce entre luthériens et calvinistes, il a voulu pénétrer les problèmes les plus mystérieux concernant la divinité, la nature, l’homme, et pour rendre les idées personnelles qu’ils lui inspiraient, il a employé les formules les plus étranges. Toujours il s’est elforcé d appuyer ses théories par des interprétations symboliques de l’Ecriture sainte, se disant lui-même illuminé par le Saint-Esprit. Le fond de sa doctrine est ramené par les uns au panthéisme, par les autres, au dualisme ; on y a vu aussi une conciliation de l’idéalisme et du réalisme. Les idées du philosophe Schelling s’en rapprochent le plus. Dieu serait la matière même de l’univers ; il n’est pas distinct du monde ; il s’est engendré en créant la nature éternelle, et a ainsi manifesté ses attributs essentiels, tels que son intelligence et sa puissance infinies. Mais si on le considérait en lui-même hors de la matière, on ne pourrait le définir, car il n’est ni bon, ni mauvais, il n’aime et ne désire rien ; c’est un être inconscient, indifférent, immobile et impénétrable, sans commencement ni fin ; tel quel, il constitue pourtant l’essence suprême de la Divinité, et c’est Dieu le Père. Le Fils, c’est la volonté divine tendant à se connaître par le Verbe, c’est-à-dire l'éternelle sagesse, la lumière ; se voyant dans sa perfection, elle éprouve pour elle-même un amour inlini. Enfin, le Saint-Esprit, c’est l’expansion de cette lumière jaillissant dans les ténèbres, l’expression de cette volonté, la manifestation continue des facultés divines ; d’où il procède à la fois du l'ère et du Fils. La conscience divine se personnifie donc par une triple tendance, c’est la Trinité.

Le passage de cette virtualité à la personnalité se réalise par une sorte de triomphe de Dieu sur sa propre nature, dont il objective les énergies essentielles et latentes. On retrouve d’ailleurs ces qualités dans la nature matérielle du monde visible, émané aussi de Dieu. Ce sont : 1° le désir ou tendance à la résistance, à la concentration, à la dureté, son emblème matériel est le sel ; 2° le mouvement ou tendance à l’expansion, au changement : tel est le mercure ; 3° la colère ou lutte entre ces deux tendances opposées : son emblème est le soufre ; 4° le feu représente la transition du monde inorganique au monde organisé, car il est à la fois colère et amour, puisqu’il dissout les formes inorganiques, et Crée par sa chaleur le mouvement de la vie organique ; 5° la lumière représente la vie végétative des plantes. t’r le si m représente la vie sensible et agitée du règne animal ; l"'hnnime, emblème de la vie spirituelle, synthétise en lui toutes ces qualités, il est la forme (m la figure concrète et parfaite de la nature visible.

Les anges onl été les premiers êtres, créés par la nature divine se connaissant et s’objectivanl. Mais Lucifer abusa de la puissance de résistance qu’il trouva en lui, et qui était analogue à relie dont Dieu triomphe sans cesse par sa volonté créatrice ; il affirma donc l’autonomie de sa nature en face de la volonté divine, el ainsi se constituèrent dans le monde céleste : le règne de l’amour absolu ou île la soumiss à Dieu, c’est-àdire le ciel, la lumière, les anges fidèles ; et le règne de

la résistance à Dieu ou de la colère ou du feu, c’est-àdire l’enfer. Or Dieu, étant l'être inlini non distinct du monde émané de lui, contient, par le fait, ces deux règnes en lui. « Il est Dieu, il est le ciel, il est l’enfer. il est le monde. » 2° apologie contre Tilken, n. 140. « Le vrai ciel où Dieu demeure est partout, même au milieu de la terre, il comprend l’enfer où le démon demeure, et il n’y a rien hors de Dieu. » Description tirs tmis principes, c. VII, § 21. D’ailleurs le mal est nécessaire pour manifester la connaissance, la volonté, le mouvement de Dieu ; le démon, qui est le mal personnifié, est « le cuisinier de la nature, car sans les aromates tout ne serait qu’une fade bouillie » . Mysterium magnum, c. xviii. De plus, en affirmant sa résistance, la nature de Lucifer s’est concrétisée, et la matière solide est apparue. Celle-ci n’est donc qu’un écoulement, une émanation de la nature divine. « Si tu vois une étoile, un animal, une plante ou toute autre créature, garde-toi de penser que le créateur de ces choses habite bien loin, au-dessus des étoiles, il est dans la créature même. Quand tu regardes la profondeur, les <Hoiles, et la terre, alors tu vois ton Dieu, et toi-même tu as en lui l'être et la vie. » Aurora, c. XXIII, g 3, 4, 6. L’homme, créé à l’image de Dieu, est tombé lui-même comme les anges, en essayant de se connaître, et il serait devenu un démon si Dieu n’avait envoyé, pour l’arracher à Lucifer, son Fils qui le vainquit et devint le maître du monde.

Aussi tous ceux qui s’unissent mystiquement à Christ par la foi, deviennent comme lui vainqueurs du monde, et remplaceront Lucifer dans la cité céleste. Pour se sauver, il est inutile de croire à la lettre extérieure et aux sacrements visibles ; seule la génération de Christ en nous par cette communion vivante avec lui, est nécessaire et suffisante.

Comme tous les mystiques, Bœhme conseille à l’homme de ne s’attacher à rien ici-bas, de renoncer à son moi, à sa volonté, en s’abimant dans la grâce, la prière, la contemplation, pour hâter l’instant de sa réunion avec Dieu.

Ce système panthéiste et mystique du Philosophe t eut onique prétendait ainsi élre une science universelle, et expliquer l’essence la plus intime de tous les êtres ; il fut professe avec un respect enthousiaste par de nombreuxdisciplesqui se crurentehrétiens orthodoxes, et il a encore des adeptes dans le nord de l’Allemagne.

Les écrits de Bd’hme ont été souvent réimprimés et traduits en plusieurs langues. En 1682, J. Giclitel en donna à Amsterdam une édition complète, reproduite en cette ville sous le titre de Theosophia revelata, 6 in-8°, 1730. Schieliler en a fait une nouvelle édition, 7 vol., Leipzig, 1837-1847, rééditée en 1800 si). Saint-Martin a traduit en français plusieurs de ses ouvrages : /.'Aurore naissante ou la racine de la philosophie, 2 vol., Paris, 1800 ; Les principes de l’essence divine, etc., 2 vol. Paris, 1800 ; Le ministère de l’homme esprit, 1802 ; Quarante questions sur l’origine, l'être, 1807 ; De la triple de de l’homme, 1809 ; Le chemin pour aller it Christ, in-12. Paris, 1822, De l’incarnation de Jésus-Christ (paru en 1620), trad. Iran.., in-8°, Lausanne, 1801. Voir IV.iret./rfed theotoijiir christ iamrj nota principiaJacobi Rohenii philosopliiteutonici, .msieriimn, 1687 ; Fouqué, Jacob Biihme, ein biographischer Denkstein, Greiz, 1831 ; Wullen.J. Bbmhi t’sLi he>, imdZ.e/ » re, Stuttgart, 1836 ; J.Haraberger, DieLehre des deutschen Philosopher !.'. Bôhms, Munich, 1844 ; Fechner, J Biihme, Gôrlitz, 18C>7 ; vonHarless, .I. ii, lime uiid die Alelii/iiiisteu, Berlin, 1870, 1882 ; Peip. J. BOhrne, Leipzig, 1806 ; J. Claassen, .I. Iluhine.sein Leben und SeinetheoSOphische W’erken, J vol., Stuttgart, 188Ô ; Schiimviilder. I.ebensbeschreibung J.Bôhme’s, GCrlitz, 1895 ; II. Ritter, Geschichte lier Philosophie, in-8°, Hambourg, 1851, t. x, p. ton ; K. Boutroux, Le philosophe allemand Jacob Boshm, in-8-, Paris, 1888 ; gif. chenlexikon, 2e édit., t. ii, col. 954-959 ; Franck, Dict. des sciences philosophiques ; Realencyclopàdie de Hauck, 3e édit., Leipzig, 1897. t. iii, p. 272-276.

L. Lœvenbruck.

    1. BOGOMILES##


BOGOMILES. - I. Histoire. 11. Doctrines.

I. Histoire.

Les bogomiles ont formé Fune des