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BOGOMILES — BOHÈMES (LES FRÈRES)


et tel que nous le présentent les écrits d’Euthymius Zygabène, qui sont la source la meilleure et la plus riche pour connaître les doctrines bogomiliennes. Le Dieu suprême, le Père, est une substance spirituelle. Lien qu’on dise, par figure, qu’il a la forme humaine, puisqu’il a servi de prototype à l’homme. Il a deux iils, Satanaël et Jésus. Satanaël, l’ainé, fut institué gouverneur du royaume céleste et doué de la vertu créatrice. Enivré d’orgueil, il se révolta contre son Père et entraîna des anges dans sa révolte. Il fut chassé du ciel avec eux. Alors il créa le monde terrestre, et fit Adam d’un peu de limon, mais sans réussir à lui communiquer la vie ; quand il l’eut dressé sur ses pieds, du pied droit d’Adam sortirent une humeur qui se mua en serpent, et, avec elle, passant dans le corps du serpent, l’esprit dont Satanaël avait voulu animer l’homme. Dans son impuissance, Satanaël demanda une âme au Père, qui envoya dans l’homme une étincelle de vie du plérôme, à condition que l’homme appartiendrait en commun à Satanaël et à lui. La création d’Eve fut semblable. Satanaël séduisit Eve, et eut d’elle Caïn et une fille, nommée Caloména ; ensuite, Eve engendra Abel d’Adam. Satanaël, après cette séduction, fut dépouillé de sa beauté et du pouvoir de créer, mais Dieu lui abandonna le gouvernement de la terre, espérant que les âmes résisteraient à l’inlluence du mal. Il n’en fut pas ainsi, les hommes se perdirent en foule. Pour les sauver, Dieu, en l’an 5500, fit sortir de son cœur son Verbe ou son Iils Jésus, appelé aussi le Christ ou l’archange Michel. Jésus entra dans Marie par l’oreille droite (cf., sur cette opinion, Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des cathares ou albigeois, t. il, p. 41-42), revêtit une apparence de corps, vainquit Satanaël, nommé désormais Satan, la syllabe el étant retranchée qui rappelait son origine céleste, et retourna au ciel, où il prit la place de Satanaël à la droite du Père ; en remontant au ciel, il laissa le Saint-Esprit qu’il produisit pour compléter son œuvre. L’Esprit habite parmi les bogomiles, et les rend aptes à aller au ciel ; leur mort n’est pas une mort proprement dite, mais une sorte de sommeil exempt de douleur, pendant lequel ils revêtent la nature immortelle et divine du Christ, et se dépouillent du corps qui tombe en poussière et ne ressuscitera pas. Du reste, dès ici-bas, ils voient, non en songe mais en réalité, le Père sous les traits d’un vieillard à longue barbe, le Fils sous ceux d’un jeune homme qui commence à avoir de la barbe, le Saint-Esprit sous ceux d’un adolescent imberbe. Les autres hommes appartiennent aux démons. Et, parce que Satan et ses démons peuvent encore nuire, il faut les honorer, afin d’échapper à leur colère. A la fin des temps, le Saint-Esprit à son tour regagnera le ciel, et s’absorbera, avec le Verbe, dans le Père ; il constitue donc, avec le Père et le Verbe, une Trinité qui suppose, selon l’expression de Dôllinger, Beitr&ge zur Sektengeschicfite des Mittelalters, Munich, 181)0, t. i, p. 37, « une extension de la monade divine en triade et une contraction de la triade en la monade originaire. » Les livres de l’Ancien Testament, si l’on excepte les psaumes et les prophéties, sont l’œuvre de Satan, et doivent être répudiés. Le Nouveau Testament est reçu, mais interprété, à grand renfort d’allégories, dans le sens bogomilien ; par exemple l’économe infidèle de la parabole, qui diminue la dette des débiteurs de son maître, n’est autre que Satanaël, séduisant les anges rebelles par la promesse (le devoirs moins difficiles à remplir.

On retrouve, chez les hogomiles, avec le dualisme, les autres doctrines dont l’ensemble constitue le catharisme primitif : le rejet du baptême d’eau et du baptême des enfants, la communication du Saint-Esprit par l’imposition des mains, la condamna lu m du mariage, la coudai unalion de la nourriture animale, la négation de la pré

ii<rréelle dans l’eucharistie, le mépris de la croix et

des images ainsi que des édifices alleelés au culte. Ils

regardaient le Notre Pire comme la seule prière permise aux chrétiens. A la dill’érence des cathares d’Occident, ils croyaient légitime de recourir au mensonge pour échapper aux persécutions, justifiant cette conduite par une parole qu’ils prêtaient â Jésus-Christ : « Sauvez-vous par ruse. » Euthymius Zygabène, Liber inveclivus, P. G., t. cxxxi, col. 55-56, leur attribue des abominations sacrilèges, et raconte que les chefs exigeaient des nouveaux adeptes l’engagement écrit de ne jamais retourner à la foi chrétienne.

I. Sources anciennes.

Sur les sources slaves, cf. Léger, Revue des questions historiques, t. viii, p. 480-481 ; la principale est le Discours du saint prêtre Kosma sur les hérétiques, Agram, 1854, cf. L. Léger, dans la Revue des cours littéraires, Paris, 1869, t. VI, p. 573-576. Parmi les sources grecques, il faut citer surtout Euthymius Zygahéne. Panoplia dogmatica, tit. xxvii, P. G., t. cxxx, col. 1289-1332 ; Covfutatio et eversio impiæ et multiplicis exsecrabili u m massalianorumsectie.P. G., t.cxxxi, col. 39-48 ; Liber invectivus contra hmresim lisereticorum qui phundagiatx dicuntur, P. G., t. cxxxi, col. 47-58 ; cf. K. Krumhacher, Geschichte der byzantinischen Littérature’édit., .Munich, 1897, p. 84-85 ; sur des écrits inédits d’Euthymius, cf. Léger, Revue des questions historiques, t. viii, p. 480, note. Voir encore Georges Cédrène, Historiarum compendium, P. G., t. cxxi, col. 559-560, 595-596 (donne déjà, par anticipation, le nom de bogomilesaux massaliens) ; Anne Comnène, Alcriadis, 1. XV, P. G., t. cxxxi, col. 1167-1186 ; Jean Cinname, Historiarum, 1. II, c. x, P. G., t. cxxxui, col. 383-386 ; Jean Znnaras, Annalium, 1. XVIII, c. xxill, P. G., t. cxxxv, col. 305-306 ; Théodore Balsamon, In can. 51 apost., In can. li conc. Ancyr., In can. 19 conc.Gangr., P. G., t. cxxxvii, col. 141-142, 1161-1162, 1265-1266, et In Pkotii Nomocanon., tit. ix, c. xxv ; tit. x, c. viii, P. G., t. civ, col. 1111-1112, 1147-1148 ; Nicétas Acominat, Historia, 1.11, c. iii, P. G., t. cxxxix, col. 415-416 (les bogomiles ne sont pas nommés, mais il s’agit de la déposition du patriarche Cosme occasionnée par ses relations avec le bogomile Niplion) et Thesauri orthodoxx fldei, 1. XIX, P. G., t. cxxix, col. 1099-1100 (le titre seul du livre) ; Germain II, patriarche de Constantinople, Honni. in exaltationem venerandæ crucis et contra bogomilos, P. G., t. cxl, col. 621-658 ; Nieéphore Grégoras, Byzantines historié, 1. XIV, c. vii, n. 2 ; 1. XVIII, c. I, n. 9 ; 1. XXIX, c. xxv-xxvi ; 1. XXXVII, c. m-vni, P. G., t. cxlviii, col. 947-948, 1133-113’t ; t. cxlix, col. 225-230, 469-484 ; Constantin Harménopulus, De hæresibus, c. xix, P. G., t. cl, col. 27-30 ; Michel Glycas, Annalium, part. IV, P. G., t. clvui, col. 619-620. Les actes des synodes de Constantinople contre les bogomiles en 1144 et 1147 sent publiés par L. Aliatius, De Ecclesix orientalis et occidentales perpétua consensione, Cologne, 1648, 1. II, c. xii. — Des bulles des papes relatives aux bogomiles se trouvent dans A. Theiner, Veto-or monumenta Slavorum meridionalium historiam illustrantia, Rome, 1863, t. i. Les actes du conciliabule cathare de Saint-Félix de Caïaman (comté de Toulouse), présidé par « le pape des hérétiques » Niquinta (Nicétas), évêque bogomile de Constantinople, en 1167, cf. Léger, Revue des questions historiques, t. viii, p. 503, se trouvent dans J.-J. Peicin, Monumenta conventus Tolosani ordinis FF. prsedicatorum, Aotæ ad concilia, Toulouse, 1693, p. 1-2, et dans Brial, Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, 1806, t. XIV, p. 448-450 ; ils sont suspects. Cf. C. Devic et J. Vaissete, Histoire générale du Languedoc, 3e édit., Toulouse, 1879, t. vii, p. i. el A. Mobilier, ibid., note.

II. Travaux modernes.

N. Fopgini, dans P. G., t. cxxviii, col. 27-36 ; C. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des cathares ou albigeois. Paris. 18’19. I. 1, p. 12-15 ; t. II, p. 57-62, 263-266, 272-274, 284-285 ; Raczki, Bogomili i Patareni, dans les Mémoires de l’académie slave d’Agram (on langue croate), Agram, 1869, t. vi, viii. i ; L. Léger, L’hérésie des bogomiles en Bosnie et en Bulgarie au moyen âge, dans la Revue des questions historiques, Paris. 1870, t. viii, p. 479-517 ; I. von Dôllinger, Beitriige zur Sektengeschichte des Mittelalters, Munich, 1890, t. i, p. 34-51 ; V. île la Calmontie, Lebogomilisme, dans la Revue des religions, Paris, 1890, t. ii, p. 411-425 ; F. X. Funk, dans Kirchenlexikon, 2’dit.. Fribourg-en-Brisgau, 1882, t. ii, col. 972-977. Voir, en outre, les ouvrages Indiqués par CI. Chevalier, Répertoire des sources historiques du m<

oge. Topo-bibliographie, col. vj.’i. et par K. Knunbacher, Geschichte der byzantinischen Litteratur, 2e édit., p. 1091, 1095

F. VERNET,

    1. BOHÈMES (Les frères)##


BOHÈMES (Les frères). — I. < Irigine et débuts, I 1341471, il. Progrès, 1471-1526, III. Transformation et déclin, 1Ô-26-1027. IV. Doctrine.