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BOHÈMES (LES FRÈRES)


réunir les frères et les utraquistes en une Église nationale. Son emprisonnement l’empêcha d’y donner suite. Devenu juge, en 1547, à la mort de Horn, et rendu plus tard à la liberté, il essaya de le réaliser ; mais les circonstances avaient bien changé. L’utraquisme était en pleine dissolution ; les compactata ne formaient plus une confession et allaient être supprimés en 1567 ; le parti de la Réforme s’affirmait de plus en plus ; et les frères, exilés ou dispersés, ne répondirent pas à l’appel d’Augusta.

A l'étranger, les frères bohèmes fondèrent de nouveaux centres de propagande et, tout en conservant encore leur autonomie, ils ne cessèrent pas de vivre en bons rapports avec les réformés. C’est ainsi qu’en 1570, à la réunion générale de Sendomir, ils souscrivirent l’accord des symboles de la foi d’Augsbourg, de Bobème et de Suisse. Après vingt ans ils disparurent de la Prusse. Quant à ceux qui s'étaient réfugiés en Pologne, ils furent combattus par les jésuites, mais réussirent à se maintenir et même à progresser ; en 1627, ils comptaient encore un certain nombre de communautés et plusieurs milliers d'âmes. Un de leurs juges, Nicolajewiski, les abandonna pour prendre rang parmi les anciens frères ; le plus grand nombre finit par se fondre avec les réformés ; quelques-uns persistèrent ; il en reste encore dans la province de Posen, où ils forment cinq communautés et un diocèse. Cf. Rocb, Die iSenioralswahl bci den Unitâtsgemeinden den Provinz Posen, Lissa, 1882.

Tout autre fut le sort des frères restés en Bohême, en dépit des poursuites de Ferdinand. Ils n’attendaient qu’un moment propice pour se reconstituer et reprendre leur propagande. Constatant que Maximilien II était beaucoup plus tolérant que son père sur la question religieuse, ils insistèrent si bien auprès de lui qu’ils obtinrent en 1575 le droit de se réunir en Bobême et de pratiquer librement leur culte ; mais c’est en Moravie qu’ils fixèrent le siège principal de l’Unité, d’où le nom de Frères moraves, sous lequel ils sont quelquefois désignés. Partagés entre la résolution bien arrêtée de conserver leur autonomie et le désir de faire cause commune avec les réformés sur le terrain politico-religieux. ils essayèrent une fois de plus de rédiger un symbole uniforme avec les luthériens et les calvinistes. Us n’y parvinrent pas sans difficultés ; mais ce fut grâce à un vrai tour tic force qui consiste, comme toujours, à ne rien préciser de ce qui les divisait. On bannit résolument toutes les subtilités de l'école ; et pour ne contrarier personne, on laissa à la formule tout le vague et toute l'élasticité désirables. Désormais ils marchent de concert avec les réformés. Le succès aidant, ils visent à s’emparer de l’université de Prague, multiplient leurs instances, soulèvent l’opinion et finissent par réussir en arrachant à Rodolphe II, en 1609, les fameuses Lettres de majesté qui leur livrent l’université, proclament la liberté de conscience, leur concèdent la jouissance de leurs temples et le droit d’en ériger d’autres sur leurs propriétés. C'était un triomphe inespéré pour le présent et la sécurité pour l’avenir. Jusque-là ils n’avaient pas possédé d'école de théologie et s'étaient contentés, faute de mieux, de confier la formation de leurs futurs ministres aux liions ruilimentaires des vétérans du ministère. C’est à peine si, en 1549, ils avaient pu réunir cinq étudiants sous la direction de Paul Speratus pour leur faire suivre les cours de l’université. Mais maintenant que l’université de Prague est entre leurs mains et celles des pi’ulesta 1 1 Is, ils fondent le collège de Nazareth.

Tout en conservanl encore leur liturgie, ils marchenl avec les réformés sous le nom d’utraquistes. Un administrateur, assisté de onze conseillers, est à leur tête. Le premier des conseillers est un ancien de l’Unité ; cinq sont des prêtres utraquistes ; deux, des prêtres de l’Unité ; les trois autres, des professeurs de l’université.

A côté de ce conseil siégeaient vingt-quatre défenseurs. C'était moins une union qu’une confédération, dont l’existence et le rôle nous sont dévoilés par le décret du synode de 1616, publié sous ce titre : Ratio disciplina ; ordinisque ecclesiastici in Unitate fratrum bohemorum.

Désormais, semble-t-il, les frères n’ont plus rien à craindre ; la Bohème est à eux. En fait ils osent tout ; ils parlent et agissent en maîtres. Malheureusement, sous le gouvernement de Mathias, ils commettent l’imprudence de jeter par les fenêtres les représentants de l’autorité royale, et cette défenestration de Prague ouvre la guerre de Trente ans. Leur audace suscite une réaction violente. Ferdinand II, en effet, succède à Mathias avec la ferme résolution de supprimer l’hérésie, en supprimant tous les privilèges dont jouissaient les Tchèques, réformés luthériens ou frères bohèmes. Un moment supplanté sur le trône de Bohème par Frédéric V, qui avait accepté la couronne que lui offrirent les États de Prague de 1619, il recourut aux armes. Ses lieutenants acculèrentles Tchèques révoltés à l’ouest de Prague et décidèrent pour toujours du sort de la Bohême, tant au point de vue religieux qu’au point de vue politique, par leur victoire de la Montagne-Blanche, le 8 novembre 1620. Les Lettres de majesté furent déchirées, les concessions dont jouissaient les réformés et les frères supprimées ; et sept ans après, en 1627, un édit bannissait définitivement quiconque n’acceptait pas le catholicisme. Les frères bohèmes prirent le chemin de l’exil, ayant à leur tête leur évêque, Jean Amos Comène, qui, dans son Uistoriola, Halle, 1702, p. 44, regarda ce désastre comme une punition de Dieu. C'était surtout la conséquence de l’inféodation des frères au mouvement politico-religieux de la Réforme. Loin de leur patrie, les exilés continuèrent à vivre, indépendants et dignes, sans plus se mêler aux luttes civiles, sans se fondre dans aucune autre secte, mais aussi sans laisser de traces appréciables dans l’histoire, à l’exemple de tant d’autres sectes isolées qui végètent en marge de l’Evangile. Ceux qui refusèrent de quitter la Bohême durent se tenir cachés et attendre des jours meilleurs qui ne vinrent pas. Us se perpétuèrent en dépit de tout, et au bout d’un siècle leurs successeurs se résignèrent, pour la plupart, en 1721, à accepter un refuge en Lusace sur les terres du comte Zinzendorf et contribuèrent, sous la direction de leur bienfaiteur, à former la secte piétiste, connue sous le nom des Frères évangéliques ou Hernnhuters. Voir Hernnhuters. Quant aux derniers survivants, qui étaient restés en Bohème, ils se rai lâchèrent vers la fin du xvin siècle à la confession helvétique, seule autorisée avec celle d’Augsbourg par le décret de Joseph II de 1781 ; mais ils perdirent ainsi ce qui les caractérisait et constituait leur originale physionomie.

IV. Doctrine.

L’erreur capitale des frères bohèmes fut de croire que la perfection, qui n'était qu’un conseil évangélique et ne pouvait s’adresser qu'à une élite, était une prescription rigoureuse de Jésus-Christ et d’ordre général. A leurs yeux, l’Eglise primitive seule avait réalisé cet idéal de la vie chrétienne ; l’Eglise catholique s’en était trop écartée pour représenter véritablement l'œuvre du Chris !  : de là leur violente antipathie contre Home et leurs efforts généreux pour faire revivre la tradition glorieuse des origines. D’autre pari, à l’exemple des vaudois, ils condamnaient le serment et remploi de la force, par suite loute participation aux emplois publics, parce qu’ils impliquent la prestation du serment et le recours à la force. Ils auraient pu former un ordre religieux à l’exemple de ceux qui existaient dans l'Église romaine ; mais, en imposant à fous sans exception comme une règle imprescriptible leurs principes de vie chrétienne, ils poursuivirent une chimère et ne formèrent qu’un parti de rigoristes ; et grâce à