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ces matières ses propres attributions qui sont uniquement de pouvoir rechercher et reconnaître la valeur du témoignage divin. A l’encontre de ces assertions, la première proposition affirme l’existence de deux principes de connaissance procédant d’une seule et même source immuable de vérité, Dieu infiniment parfait, et par conséquent capables de conduire à la possession de la vérité, sans qu’il puisse jamais y avoir entre eux de vrai dissentiment ou désaccord. Le sens de cette proposition doit se déterminer d’après celui de l’encyclique du 9 novembre 1846, qu’elle ne fait que reproduire.

1° Contre l’orgueilleuse allégation des incroyants rationalistes qui représentent la révélation chrétienne comme la négation de toute philosophie rationnelle et de tout progrès intellectuel, Pie IX enseigne qu’il ne peut y avoir entre la foi et la raison aucun dissentiment ou désaccord réel.

La foi dont parle le document pontifical n’est autre que l’assentiment donné à la révélation divine, uniquement à cause de l’autorité de Dieu révélateur. C’est l’acception constante de ce mot dans les définitions ecclésiastiques, surtout quand il s’agit des relations entre la raison et la foi. D’après l’antithèse établie ici entre ces deux moyens de connaissance, la raison est simplement l’intelligence humaine, tirant des principes premiers les déductions qui y sont naturellement contenues, ou la faculté de connaître, non pas l’autorité du témoignage particulier ou universel, mais par son propre travail et par ses propres déductions, l’intime réalité d’un objet naturellement accessible à l’intelligence. Remarquons toutefois qu’en prenant dans ce sens le mot raison, les documents ecclésiastiques n’envisagent point cette question philosophique, si l’éducation familiale ou sociale est nécessaire à l’homme pour que sa raison atteigne un développement suffisant. Pie IX ne s’arrête point à prouver que la foi est au-dessus de la raison. La preuve en est manifeste d’après l’objet de la foi qui est, de soi et normalement, un objet essentiellement inaccessible à la raison humaine et même à toute intelligence créée, et d’après le motif de l’assentiment de la foi qui est non l’immédiate ou médiate évidence de l’objet intimement perçu, mais l’infaillible vérité du témoignage divin. Pie IX insiste sur l’absence de dissentiment ou de désaccord réel entre la raison et la foi. Par l’expression dissensio vera, le souverain pontife donne à entendre que les dissentiments allégués parles adversaires de la révélation sont simplement apparents. Suivant l’analyse faite par le concile du Vatican, cette apparente contradiction ne repose que sur une fausse interprétation du dogme divin ou sur une conception inexacte des données certaines de la raison. Concile du Vatican, const. Dei Filius, sess. III, c. iv. A l’enseignement pontifical s’ajoute cette preuve manifeste : il ne peut y avoir contradiction ou opposition réelle entre deux moyens de connaissance provenant d’une seule et même source, qui est elle-même l’immuable et éternelle vérité, Dieu lui-même, auteur de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel et règle suprême de toute vérité. De la déclaration dogmatique de Pie IX, on peut rapprocher la définition conciliaire de 1870, plus explicite et plus précise. Concile du Vatican, sess. III, c. iv. On sait d’ailleurs que cette doctrine, avec les preuves qui l’établissent solidement, (Hait déjà nettement exposée par saint Thomas, Cont. gent., 1. I, c. vu. Quanta l’exposé théologique de cette doctrine, voir Foi et Raison.

2° La foi et la raison, loin de se contredire réellement, s’entr’aident mutuellement. La proposition de 1855 s’arrête à cette constatation. Le document de -1816 auquel elle renvoie indique en quoi consiste ce secours mutuel. De la pari de la raison, démonstration de la vérité’de la fui par la preuve manifeste « le sa crédibilité et réfutation des objections alléguées contre l.i vérité révélée, ut reçla ratio fidei veritatem demonstret,

tueatur, defendat. De la part de la foi, préservation assurée à la raison contre toute erreur concernant les choses divines et en même temps illumination, affermissement et perlectionnement de la raison par les connaissances que fournit la révélation, ftdes vero rationeni ab omnibus erroribus liberet, eamque divinarum rem/m cognitione mirifice illustret, confirmât atque perficiat. De cet enseignement pontifical de 1816 on peut rapprocher la définition plus complète du concile du Vatican, lac. cit., et les fréquentes déclarations de Léon XIII dans ses encycliques, notamment dans les encycliques dïtemi Patris du 4 août 1879 et Libertas prœstantissimtim du 20 juin 1888.

Ainsi par l’entière et loyale acceptation de cette 1™ proposition extraite de l’encyclique de 1846, Bonnetty répudiait ses précédentes affirmations, que les vérités de la religion naturelle ne relèvent que d’un seul principe de connaissance, la révélation divine, et qu’en ces matières la raison laissée à ses propres forces ne peut que tomber dans l’erreur.

2. Ratiocinatio Dei exister.- Le raisonnement peut prou tiam, animas spiritualitatem, ver avec certitude l’existence

liominis libertatem cum certide Dieu, la spiritualité de l’âme,

tudine probare potest. Fides la liberté de l’homme. La foi

posterior est revelatione, proinest postérieure à la révélation,

deque ad probandum Dei exipar conséquent elle ne peut

stentiam contra atheum, ad être convenablement alléguée

probandum anirnse rationalis pour prouver l’existence de

spiritualitatem ac libertatem Dieu contre un athée ni pour

contra naturalismi ac fatalismi prouver la spiritualité et la li sectatorem allegari convenienberté de l’àme humaine contre

ter nequit. Propositio subun partisan du naturalisme ou

ïi-rinta a Bautaiuio, 8 sept. du fatalisme. Proposition sous iHW. crile par Hautain, le 8 sep tembre 18U0.

Observons d’abord les divergences d’expression entre la proposition imposée à l’acceptation de l’abbé Bautain et la proposition souscrite par Bonnetty. La proposition de 1855 supprime I’épithète donum cxleste primitivement adjointe à fides et ajoute comme détermination de l’objet sur lequel peut porter la démonstration certaine de la raison, animée spiritualitatem, liominis libertatem. Voir col. 482 ; cf. cependant col. 483. Sur toute cette question, la doctrine antérieurement soutenue par Bonnetty peut se formuler ainsi : Puisque les vérités religieuses naturelles comme l’existence de Dieu et l’existence d’une autre vie, ne peuvent être certainement connues que par la foi qui adhère à la révélation divine, on doit conclure que la raison, laissée à elle-même, reste absolument incapable de fournir une démonstration certaine de ces vérités et ne peut que tomber dans l’erreur ou tout au plus former de simples hypothèses. Cette affirmation erronée est formellement rétractée par notre 2e proposition :

1° Ratiocinatio, signifiant l’acte même du raisonnement, exprime nettement la nature de la preuve que la raison peut atteindre. Aussi malgré le caractère gêné* rique du terme probare, la phrase entière ne peut s’entendre que d’une démonstration véritable basée sur un raisonnement proprement dit, en dehors de la seule autorité’du témoignage humain tant universel que particulier. On remarquera toutefois qu’aucun genre particulier de preuve n’est indiqué. Il suffit qu’une démonstration rationnelle soit maintenue.

2° Ce n’est point une question de fait, mais seulement une question de pouvoir, pour la nature humaine considérée en elle-même, et dans tout état où elle peut être placée. On ne veut donc point affirmer qu’en fait tous les hommes de tous les temps ont ainsi connu l’existence de Dieu, sans aucun mélange d’erreur grave atteignant le concept même du vrai Dieu un et créateur, et sans aucun emprunt à la révélation. On se borne à affirmer ce que l’homme, par les principes de sa propro raison et dans quelque état où il se trouve, peut réelle-