Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/532

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1051
1052
BOSSUET


tés… » Maldonat pour lequel plus tard, dans sa lutte contre Richard Simon, il aura quelque sévérité ; Guillaume Estius dont le rapprochent certaines tendances théologiques, lui paraissent tenir lieu de tous les commentateurs ; ils sont pour lui instar omnium.

Ce qui manque à Bossuet, c’est la connaissance de l’hébreu. Non pas qu’il n’ait voulu étudier la langue sainte ; mais il a commencé trop tard cette étude, à l’âge dont le P. Gratry, s’analysant dans cet Automne qui n’est pas encore un déclin, qui à certains égards est même un progrès, disait : « Aujourd’hui, je ne saurais apprendre une langue. » Connaissance de l’âme, 1. VI, c. VI.

En revanche, Bossuet connaît la tradition ; il l’a étudiée de bonne heure, il l’a étudiée avec une passion opiniâtre, et, comme on l’a dit, « la connaissance du dogme lui découvrait, dans sa source biblique, tout le fleuve de la théologie et de l’enseignement catholique. » R. P. de La Broise, Bossuet et la Bible, introduction, p. xli. Epris de Tertullien qu’il louera à pleine bouche, qu’il justifiera le plus possible dans son Sixième avertissement, et dont son goût épuré adoucira les hardiesses ; de saint Cyprien, chez qui « on apprend admirablement le divin art de manier les Écritures » , il l’est surtout de saint Augustin, « si maître, » comme il dira un jour. Bossuet n’ignore pas les Grecs, Clément Alexandrin, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze, les deux Cyrille, saint Jean Chrysostome. On a prétendu qu’il n’était pas helléniste en sortant du collège, qu’il ne le devint même que beaucoup plus tard, pendant sa résidence à Saint-Germain (1670-1681) ; enfin, qu’il prend c selon toutes les apparences ses citations de seconde main, lorsqu’il lui arrive d’alléguer les Pères grecs durant sa jeunesse » . M. Gandar, Bossuet orateur, p. 9 !). L’auteur de l’Histoire critique de la prédication de Bossuet oppose à cette assertion les recueils de notes, contemporains des premiers sermons, et il fait cette remarque, décisive pour plus d’un lecteur compétent, « qu’on trouve le grec toujours soigneusement accentué. » L’abbé Lebarq, op. cit., part. I re, c. I. Ct. Delmont, Bossuet et les saints Pères, Paris, 1896.

Grades.

Maître es arts le 6 août 1614, Jacques-Bénigne

soutint, le 24 janvier 4648, sa première thèse de théologie, dite la tentative ; le grand Condé, protecteur de sa famille, assista à cette soutenance, et fut près, dit-on, d’argumenter contre son futur panégyriste. Ordonné sous-diacre à Langres, le 21 septembre 1648, par l’évêque, Sébastien Zamet, et diacre à Metz, le 21 septembre 1649, par Pierre Bédacier, évêque titulaire d’Augustopolis, Bossuet soutint la thèse sorbonique le 9 novembre 1650, la mineure ordinaire le 5 juillet 1651, et la majeure ordinaire entre le 1 er juin et le 31 décembre de cette même année. Le 6 février 1652, il était reçu licencié. Le 16 mars suivant, le sacerdoce lui fut conféré. « Puisque vous voulez le savoir, écrira-t-il quarante ans plus tard à M me Cornuau, le jour que j’ai été ordonné prêtre est le samedi de la Passion 1652. » Le 9 avril de la même année, il reçut le bonnet de docteur. Il est inscrit le 16 mai sur le registre des docteurs. On regrette à bon droit la perte de la plupart des thèses de Bossuet. « Le cabinet des Estampes, si riche cependant" en thèses de cette époque, dit le P. de la Broise, Bossuet et la Bible, p. xviii-xix, ne possède pas celles de notre auteur ; et déjà de son temps l’abbé Le Dieu se plaignait de chercher inutilement chez les anciens docteurs de Navarre les thèses de théologie et les harangues de Bossuet. » Le R. P. Gazeau a publié dans les Etudes religieuses, 15 juin 1869, Une thèse de Bossuet sur l’Église, à la date de 1651. On y trouve en germe les idées sur la hiérarchie que Bossuet développera, en décembre 1662, dans l’oraison funèbre du troisième général de l’Oratoire, le P. Bourgoing. Pour établir le dogme de l’unité de l’Eglise, Bossuet ne procède point, par exem ple, comme fera Eranzelin. Pour liii, ’ont ne part point du pape ; le pape est, avec les autres évêques, le fondement de l’édifice ; il n’apparaît seul qu’au sommet. L’attitude de Bossuet en 1682 s’explique par ces commencements.

Premiers écrits.

La méditation sur la brièveté

de la vie date de cette époque ; Bossuet l’écrivit à Langres, à l’âge de vingt-deux ans, lorsqu’il se préparait au sous-diaconat. Elle atteste la maturité d’un esprit qui a déjà touché le vide de toutes choses, la foi intense d’une âme qui les juge au point de vue de l’éternité. Bossuet « la copie ou l’imite, a-t-on dit, chaque fois qu’il veut parler de la mort » . F. Strowski, Bossuet et les extraits de ses œuvres diverses, 1. I, c. i. Le sermon sur la mort, l’Oraison funèbre de Madame, en reproduiront certains traits d’une éloquence toujours actuelle et toujours saisissante.

Prêtrise.

Bossuet eut à Paris l’inappréciable bonheur

de connaître saint Vincent de Paul, et de fréquenter les conférences hebdomadaires, les mardis auxquels présidait le serviteur de Dieu. Sous sa direction, il s’était préparé à l’ordination sacerdotale. Près de cinquante ans plus tard, retrouvant dans sa mémoire l’écho prolongé des discours du saint, et dans son cœur l’émotion bientaissante qu’ils y avaient produite, l’évêque de Meaux écrira au pape Clément XI : « Elevé au sacerdoce, nous fûmes admis dans cette société de pieux ecclésiastiques qui s’assemblaient chaque semaine sous sa conduite, pour traiter ensemble des choses de Dieu. Vincent en était l’âme. En l’écoutant d’une oreille avide, nous sentions que s’accomplissait la parole de l’Apôtre : Si quelqu’un parle, que Dieu parle par sa bouche. » Bossuetus ad Clementem XL De virtutibus venerabilis Vincentii a Paulo.

Bossuet à Metz.

Prêtre, Bossuet partit pour

Metz dont il était chanoine depuis 1640 (il avait été tonsuré à l’âge de huit ans), et où il avait déjà lait quelques séjours. Tour à tour, en 1652 archidiacre de Sarrebourg, qui ressortissait alors à l’évèché de Metz, et archidiacre de Metz en 1654, il poursuit ses études ; il argumente contre les juifs, nombreux à Metz où ils avaient droit de cité ; il combat aussi les protestants. La Béfutalion du catéchisme de Paul Ferry (1655) inaugure cette longue et éclatante série d’œuvres de controverse : l’Histoire des variations, les Avertissements, les Instructions pastorales sur les promesses de l’Eglise. « Tout Bossuet, a-t-on dit, est déjà dans la Réfutation ; d’abord son style, qui n’a jamais été plus éloquent, plus plein, plus naturel ; ensuite sa méthode de composition. La disposition n’est nullement régulière et didactique ; la dialectique va, revient, non pas sans ordre, mais sans raideur… Enfin… Bossuet a déjà ses idées maîtresses. Il y aplanit les difficultés de doctrine, il montre que les catholiques ont la même confiance en Jésus-Christ que les réformés, enfin il oppose très vigoureusement l’unité au schisme. » F. Strowski, Bossuet, etc., p. 194, 195.

A Metz, Bossuet facilite aux collaborateurs de saint Vincent de Paul la prédication d’une mission et s’associe à leur fructueux ministère. Il contribue à l’érection d’un séminaire, et à l’établissement d’une maison de la Propagation de la foi pour les nouvelles converties. 11 intervient auprès de Condé, alors au service de l’Espagne, et dont les bandes dévastaient les environs de Metz, pour faire alléger les charges qui pesaient sur la ville. Enfin, il prêche, remarqué et goûté de bonne heure par le maréchal de Schornberg, gouverneur des Trois-F.vèchés, et par la maréchale, cette Marie de Hautefort qui avait inspiré au chaste Louis XIII un sentiment vif et constamment réprimé.

Dans la prédication de Bossuet, on a distingué trois manières. « La première, a dit un bon juge, est surtout théologique et didactique ; » et il nomme plusieurs ser-