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BROGLIE
« ce dernier étant, » comme il le disait, « la clef de voûte

de la causalité. » M. de Broglie se proposait d’appliquer ces principes à trois ordres de faits. Selon lui, la démonstration de l’existence du créateur doit prendre son point d’appui dans trois ordres d’objets d’expérience, le monde extérieur, le monde intérieur et l’histoire, surtout l’histoire religieuse de l’humanité. Dans ses cours de 1888-1889 et -1889-1890, l’abbé de Broglie appliqua au monde extérieur et au monde intérieur les principes énoncés plus haut. Les leçons de 1893 traitèrent des Fondements’de la foi chrétienne ; celles de 1894 retracèrent l’histoire des Relations entre la foi et la raison ; les dernières, celles de 1895, exposèrent les Conditions modernes de l’accord de la raison et de la foi.

M. de Broglie, en 1879, 1880 et 1881, avait fait dans la chapelle de Sainte-Val ère, sur la vie surnaturelle, sur la faute primitive qui en a privé l’humanité, sur les sacrements qui transmettent et entretiennent cette vie, des conférences d’une théologie solide et aussi d’une exacte et pénétrante psychologie : Conférences sur la vie surnaturelle, 3 in-18, Paris, 1878, 1882, 1883. Plus tard, il porta dans l’église des Carmest’enseignementapologétique qu’il donnait dans sa chaire de professeur. Pendant lavent de 1890, il y prêcha, sur L’idée de Dieu dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau Testament, des conférences qui ont été réunies en volume, Paris, 1892. Les conférences de 1891 et de 1892, encore inédites, sont intitulées : Les luttes religieuses, le triomphe du monothéisme dans le peuple d’Israël ; Les témoins de l’idée de Dieu ; Les prophètes ; La religion et la morale privée des Israélites ; La croijatice à l’immortalité de l’âme chez les Hébreux ; Révélation progressive dans l’Ancien Testament. Les sept conférences sténographiées de 18921893 ont pour objet les prophéties messianiques. Elles ont été éditées par le P. Largent dans la collection Science et religion, sous le titre : Les prophéties messianiques, 2 in-16, Paris, 1904. La seule énumération de ces sujets indique assez la place que la question biblique tenait dans les pensées et dans les travaux de l’abbé de Broglie. Sans méconnaître la légitimité de la méthode apologétique qui tout d’abord travaille à établir l’origine mosaïque du Pentateuque, et qui s’appuie ensuite sur le témoignage de Moïse pour prouver les événements qui ont accompagné la promulgation de la Loi, M. de Broglie préférait une autre méthode, plus accessible au grand nombre des esprits cultivés et sincères. Cette méthode consiste à détacher de l’histoire biblique quelques grands faits : l’exode des Israélites en corps de nation sous la conduite de Moïse ; la promulgation par Moïse d’une loi religieuse, laquelle contenait le principe dogmatique du monothéisme, et l’interdiction de l’idolâtrie et des représentations figurées de la divinité ; et à démontrer ces faits uniquement par l’indéfectible tradition du peuple juif. Ce n’est point d’ailleurs qu’en arrêtant ainsi, sans recourir au Pentateuque, les grandes lignes de l’histoire primitive d’Israël, M. de Broglie prétendit écarter la question de l’authenticité des livres qui portent le nom de Moïse. « Il viendra un moment, écrivait l’apologiste, où il faudra aborder la question critique des textes du Pentateuque… Mais quand le moment sera venu de commencer cette discussion, le terrain aura été déblayé de bien des objections, l’histoire de la religion d’Israël sera mieux connue, les croyances et les mœurs de la nation seront dégagées en partie des nuages qui les enveloppent à nos yeux, et il deviendra plus facile de reconnaître si l’attribution inexacte d’un livre à Moïse a été possible : la preuve traditionnelle de l’authenticité, qui est au fond la plus sûre, sera devenue plus accessible. » Questions bibliques. Un plan de défense, p. 74.

Au cours de ses dernières années, M. de Broglie publia divers ouvrages, inspirés par la même pensée apologétique, animés par le même zèle : Instruction morale :

Dieu, la conscience, le devoir, in-12, Paris, 1883, 1884, opuscule destiné aux élèves de l’enseignement primaire ; La morale sans Dieu, ses principes et ses conséquences, in-12, Paris, 1886, vigoureuse et pressante réfutation de l’évolutionnisme en morale ; La réaction contre le positivisme, in-12, Paris, 1895, où l’auteur rajeunit et fortilia encore les preuves classiques du théisme, battues en brèche dans mainte intelligence contemporaine par des subtilités sophistiques ; où cependant il montre que l’âme humaine appelle une lumière moins pâle et moins froide que celle de la raison, et que c’est à l’histoire de lui apprendre si cette lumière a lui quelque part, et où l’on peut la découvrir. Notons encore ses articles sur L’individualisme dogmatique dans le Correspondant des 10 octobre et 10 décembre 1890 ; Le présent et l’avenir du catholicisme dans le Correspondant des 25 octobre, 10 novembre, 25 novembre 1891, réponse à un chapitre célèbre du dernier ouvrage de ïaine, publié dans la Revue des Deux Mondes sous ce même titre ; Des conditions synthétiques naturelles et de leur emploi méthodique pour l’acquisition de la vérité philosophique, Paris, 1896 (extrait des Annales de philosophie chrétienne). Ajoutons que M. de Broglie prêta un concours efficace aux congrès scientifiques de 1888, de 1891 et de 1894, dont Mgr d’IIulst avait été le promoteur intrépide. Il y lut des mémoires qui ont été publiés : Elude sur les généalogies bibliques, dans le Compte rendu, Paris, 1889, t. i, p. 92-152, et dans la Revue des religions, 1891, t. iii, p. 385-428 ; 1892, t. iv, p. 5-36. 193-255 ; La loi de l’unité du sanctuaire en Israël, dans le Compte rendu, Paris, 1891 (tirage à part, Amiens, 1892) ; Les prophètes et la prophétie, d’après les travaux de Kuenen, dans le Compte rendu, Sciences exégétiques, Bruxelles, 1894, et dans la Revue des religions, 1895, t. vii, p. 46-48, 118-139, 183-220.

Le Il mai 1895, la main d’une folle que l’abbé de Broglie avait généreusement secourue, brisa cette vie laborieuse et sainte, qui avait produit tant d’œuvres de haute valeur. Grâce à Dieu, ces ouvrages subsistent. L’étranger, parfois plus équitable appréciateur de nos richesses et de nos gloires que nous ne le sommes nous-mêmes, a déjà rendu à l’œuvre de M. de Broglie la justice qu’elle réclame. « Pendant ma résidence en Allemagne, a écritM. l’abbé Piat, j’eus l’occasion de remarquer, à différentes reprises, la profonde estime qu’on avait, au delà du Bhin, pour cet esprit à la fois si ouvert, si fort et si loyal. Tout récemment encore, dans un discours prononcé à l’hôtel des Sociétés savantes, devant l’élite de l’université, M. Barrows, professeur de religion à Chicago, citait le nom de l’abbé de Broglie à côté de ceux des cardinaux Newman et Gibbons. » L’apologétique de l’abbé de Rroglie, 1897, p. 80.

Signalons des brochures et des articles de revue, dont quelques-uns contiennent intégralement ou résument les leçons de l’abbé de Broglie à l’Institut catholique de Paris : L’apologétiqueclirétienneenprésencedes sciences et de l’histoire, Paris, 1880 ; La science et la religion, leur conflit apparent et leur accord réel, Paris. 1883 ; La transcendance du christianisme, Paris, 1885 ; La définition de la religion, in-18, Paris, 1882 ; La vraie religion, Paris, 1882 ; Le progrès religieux au point de vue rationaliste et au point de vue chrétien, Paris, 1884 ; La morale indépendante, 1882 ; Les progrès de l’apologétique, leur nécessité et leurs conditions, in-8°, Paris, 1886 ; Religion de Zoroastre et religion védique, Paris, 1880-1881 ; Le bouddhisme, Paris, 1881-1882 ; Religions néo-brahmaniques de l’Inde, Paris, 18821883 ; L’islamisme, Paris, 1882-1883 ; Les origines de l’islamisme, dans la Revue des religions, 1889, t. I, p. 21-39, 239-259 ; 1890, t. il, p. 9-27 ; Vue d’ensemble de la religion d’Israël, Paris, 1885 ; Caractère historique de l’Exode, dans les Annales de philosophie chrétienne, mai 1887 ; L’/tisloire religieuse d’Israël et