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BRUNON D’ASTI

BRUYS

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Théologien, polémiste, hagîographe, saint Brunon s’est fait un nom surtout dans l’exégèse. Il nous est resté de lui des discours et homélies, six livres de Sentences ou Sermones de diversis, et trois petites dissertations théologiques. L’opuscule De symoniacis, écrit du vivant et presque sous les yeux d’Urbain II, témoigne aussi en particulier du zèle, parfois outré, de Brunon pour la réforme ecclésiastique de saint Grégoire VII ; avec les grégoriens de l’extrême droite, l’auteur y soutient, nonobstant le sentiment du pape et la pratique de l’Église, l’invalidité radicale des sacrements administrés par les simoniaques, les schismatiques et les hérétiques. On le trouve dans les Monumenta Germanise, Libelli de lite imperatorum, etc., Hanovre, 1892, t. ii, p. 516-562. Voir Gigalski, dans la Tûb. Quartalschrift, 1897, p. 215-258. L’évêque de Segni nous a laissé deux biographies, celle de saint Pierre d’Agnani et, sous la forme d’un sermon, celle du pape saint Léon IX. Dans l’histoire de l’exégèse, Brunon compte parmi les plus solides esprits et les plumes les plus élégantes de son temps ; en Italie, du vi°au XIIe siècle, il n’a pas eu de rival. Comme le B. Bobert de Deutz, sans négliger le sens littéral, il recherche de préférence et met en relief le sens mystique et allégorique. Nous possédons ses commentaires sur le Pentateuque, sur le livre de Job, sur le Psautier, sur le Cantique des cantiques, sur les quatre Évangiles et sur l’Apocalypse. L’explication d’Isaïe, les commentaires sur les livres de Josué et de Judith sont perdus ou du moins sont restés manuscrits. Le commentaire sur les Évangiles a fourni la matière et presque toujours le texte d’un recueil de 142 homélies latines attribuées autrefois à Eusèbe d’Émèse ; ce recueil est probablement de la main même de saint Brunon. Voir Fessler-Jungmann, Inst. palrologise, Inspruck, 1892, t. n a, p. 3.

La vie de saint Brunon a été racontée, dans le haut moyen âge, par le cardinal Léon d’Ostie et par Pierre Diacre, Chronicon Cassinense, !. IV, c. xxxi-xlii, dans Monumenta Germanise, Scriptores, t. vii, p. 776-783 ; au xiv siècle, par un chanoine de Segni anonyme ; en 1783, par Angelo Toti. La première édition de ses œuvres est due à dom Marchesi, moine du Mont-Gassin, 2 in-fol., Venise, 1651. Bruno Bruni en a publié à Borne, 1789-1791, une seconde édition, que Migne a reproduite, P. L., t. clxiv, clxv.

Ziegelbauer, Hist. rei litt. ord. Ben., t. i-iv ; Acta sanctorum, julii t. iv, p. 471 ; D. Ceillier, Hist. générale des auteurs sacrés et eccl., Paris, 1863, t. xill, p. 499-505 ; Gigalski, Bruno, Bischof von Segni, Abt von Monte-Cassino, Munster, 1898 ; Bobolti del Fiscale, Storia délia vita di S. Brunoni vescove di Segni ed abbate di Monte-Cassino, Alexandrie, 1859 ; Sackûr, Monumenta Germanise, Libelli de lite imperatorum et pontificum sseculis xi et xii conscripti, Hanovre, 1892, t. II, p. 543-546 ; A. Potthast, Bibliotheca historica medii œvi, 2’édit., Berlin, 1896, t. I, p. 173 sq.

P. Godet.

    1. BRUNUS (Braun) Conrad##


BRUNUS (Braun) Conrad, théologien catholique allemand, né à Kirchen, petite ville du Wurtemberg, vers 1491, mort à Munich, en 1563 ; il fit ses études à l’université de Tubingue, reçut les ordres et devint tour à tour chanoine d’Augsbourg et de Batisbonne. On a lui : De legalionibns libri V ; De cseremoniis libri VI ; De imaginibus liber 1, in-fol., Mayence, 1548 ; De hæreticis in génère libri VI, in-fol., Mayence, 1549 ; De seditionibus libri VI, in-fol., Mayence, 1550 ; De calumniis libri 111 ; De universali concilio libri IX, in-fol., 1550 ; Annotatadepersonisjudiciicamerœimperialis, in-fol., Ingolstadt, 1557 ; Adversus novam historiam ecclesiasticam Mathise lllyrici (réfutation des centuriateurs de Magdebourg), in-8°, Dillingen, 1565.

Glaire, Encyclopédie catholique, in-4° Paris, 1854, t. iv, p. 522 ; Hurter, Nomenclator literarius, in-8° Inspruck, 1892, t. I, p. 10.

V. Ermoni.

    1. BRUYS (Pierre de)##


BRUYS (Pierre de), hérétique de la première moitié du XIIe siècle. — I. Vie. II. Doctrines.

I. Vie.

Pierre de Bruys, ou Bruis, Bruix, Brueys, Erouich, ne nous est connu que par Abélard, qui en parle

brièvement, Introductio ad theologiam, 1. II, c. IV, P. L., t. CLXxviii, col. 1056, et par Pierre le Vénérable, Epistola sive tractatus adversus pelrobrusianos hsereticos, P. L., t. CLXXXix, col. 719-850, qui donne quelques renseignements sur sa vie et expose ses doctrines.

Il naquit peut-être à Bruis, qui est aujourd’hui un petit village du canton de Rosans (Hautes-Alpes). Cf. Arnaud, Mémoires historiques sur les vaudois du Dauphiné, Crest, 1896, p. 90. Certainement il dogmatisa d’abord dans les diocèses d’Embrun, de Die et de Gap. C’était un prêtre. Pierre le Vénérable indique, parmi les causes possibles de sa défection, le manque d’estiem surnaturelle pour les fonctions de son ministère, le désir de la célébrité, ou la rancune qu’il ressentit à être chassé de son église pour des raisons mystérieuses dont l’abbé de Cluny dit seulement que l’hérésiarque ne les ignore pas, de ecclesia quam tenebat scit ipse quare ejectus, col. 790.

On a émis diverses opinions sur les dates de la prédication et de la mort de Pierre de Bruys. Cf. C. U. Hahn, Geschichte der Ketzer im Milteialter, Stuttgart, 1845, 1. 1, p. 409-412. Nous pouvons les fixer approximativement. L’écrit de Pierre le Vénérable contre les pétrobrusiens a été composé entre 1137 et 1140 (1137 ou 1138, d’après Dôllinger, Beitràge zur Sektengeschichte des Mittelalters, Munich, 1890, t. i, p. 82 ; 1139 ou 1140, d’après Vacandard, Revue des questions historiques, Paris, 1894, t. lv, p. 70, n. 2), et cela du vivant de Pierre de Bruys ; nous y apprenons, col. 726, que le pétrobrusianisme compte déjà vingt ans d’existence. La lettre, qui sert de préface à ce traité, n’est pas de beaucoup postérieure ; l’auteur déclare que le traité est récent, scripsi nuper, col. 719, et il ajoute, col. 722, que les premiers germes de l’erreur ont été per viginti fere annos sala aucta par Pierre de Bruys. Entre la rédaction du traité et celle de la préface, est survenue la mort de Pierre de Bruys : il a été livré aux flammes, à Saint-Gilles, par des fidèles indignés de ce qu’il avait brûlé des croix. Pierre de Bruys a donc commencé de répandre ses doctrines de 1117 à 1120. Il a cessé de vivre vingt ans plus tard.

L’hérésie pétrobrusienne eut pour berceau les Alpes dauphinoises, de tout temps favorables à l’éclosion et au maintien de l’hétérodoxie sous toutes ses formes. Cf. J. Chevalier, Mémoires historiques sur les hérésies en Dauphiné avant le xvre siècle, Valence, 1890, p. 1-3. L’archevêque d’Embrun, les évêques de Gap et de Die réussirent à l’expulser de leurs diocèses, tant par leurs paroles que grâce à l’appui du pouvoir séculier. Pourchassée en Dauphiné et en Provence, elle passa le Bhône, gagna la Gascogne, s’implanta à Narbonne et à Toulouse. Quand Pierre le Vénérable rédigea le traité contre les pétrobrusiens, elle n’avait pas pénétré encore à Arles, col. 770 ; bientôt après, elle y était, car la lettre-préface de ce traité est adressée à l’archevêque d’Arles, en même temps qu’à celui d’Embrun et aux évêques de Die et de Gap. A tous les quatre Pierre le Vénérable dit, col. 721, que, dans leurs territoires et dans les pays voisins, l’hérésie, à l’instar d’une peste redoutable, a fait beaucoup de victimes, beaucoup de morts ou de malades, more pestis validée multos interfecit, plures infecit. Il en parle en connaissance de cause, car il a visité naguère cette région. Il a constaté que le pétrobrusianisme est détruit, mais que, pourtant, il en reste des traces. Nul ne le défend en public ; un grand nombre d’hommes chuchotent en sa faveur. Des catholiques sont ébranlés, et, s’il a l’intention d’éclairer les hérétiques, l’abbé de Cluny se propose principalement de prémunir les fidèles contre le danger, de dissiper les doutes qu’ils ont emportés de leurs entretiens avec les partisans de Pierre de Bruys. L’habileté de l’hérésie augmente le péril ; tantôt elle s’avance à la sourdine, tantôt elle s’affirme audacieusement, selon les circonstances.